Dix ans après la révolution, les Tunisien·nes ont traversé une année 2021 bien particulière dans un contexte national complexe et un contexte international des plus difficiles.
Essentiellement rythmée par la crise de la Covid-19, amplifiée par un secteur de santé agonisant, 2021 fut aussi marquée par les mesures exceptionnelles du président de la République et sa prise des pleins pouvoirs. De multiples scandales environnementaux
ont également ponctué l'année, à l'instar de la très médiatisée affaire des déchets italiens. De nouveaux scandales financiers ont quant à eux été révélés par une enquête mondiale, les Pandora Papers, à laquelle les autorités n'ont pas réagi, malgré
la présence d'au moins 9 personnalités tunisiennes impliquées.
Crise du Covid-19
En 2021, la Tunisie a fait face à de nouvelles vagues de la pandémie qui ont mis à l'épreuve le système de santé publique. Ce n'est que vers la deuxième moitié de l'année que le rythme de vaccination a réellement progressé et que les Tunisien·nes ont
commencé à se remettre de la gestion chaotique de cette crise sans précédent. En décembre, le décret-loi relatif à l’obligation de présenter un pass sanitaire pour accéder aux espaces publics est entré en vigueur. Sa mise en application est largement
critiquée sur les réseaux sociaux.
Inkyfada a rassemblé de nombreuses données sur la situation sanitaire dans le pays. A l’aide de cartes et d’infographies interactives, retrouvez tous les chiffres clés de l’évolution de l’épidémie. Article mis à jour quotidiennement.
Au 30 juin 2021, seulement 643 457 personnes ont été vaccinées, bien loin de l’objectif des 3 millions fixé par le gouvernement. Au rythme actuel de vaccination, la moitié de la population ne sera vaccinée qu’en avril 2022 alors même que le gouvernement souhaite atteindre cet objectif d’ici la fin de l’année. Visualisez la progression de la campagne de vaccination et les projections en chiffres. Article mis à jour régulièrement.
Depuis plusieurs semaines, la Tunisie a connu une accélération de la propagation du virus et fait partie des pays les plus endeuillés de cette période. Cinq graphiques pour comprendre la crise... et les risques d'une cinquième vague à l'automne.
“Nous sommes débordés”, confesse une pharmacienne épuisée par la campagne vaccinale. Face à un manque de moyens dans les centres de vaccination, les objectifs du gouvernement de 3 millions de vacciné·es pour le 30 juin paraissent irréalistes. Reportage.
Durement frappé·es par la quatrième vague de la pandémie, les habitant·es de Kairouan vivent au rythme de l’urgence sanitaire. Chaque jour, le gouvernorat épuise 10.000 litres d’oxygène selon le directeur régional de la santé et les hôpitaux sont saturés. Reportage.
Le 27 juin 2021, le taux de positivité des tests Covid-19 dépasse les 85% à Siliana selon les données du Ministère de la santé, alors que seulement 14 tests ont été réalisés ce jour-là. inkyfada a voulu confronter les chiffres avec différents acteurs sur le terrain pour comprendre l’action de l’État dans la lutte contre le Covid-19 dans ce gouvernorat.
25 juillet, les pleins pouvoirs aux mains de Kaïs Saied
Le 25 juillet 2021, le président de la République Kaïs Saied active l'article 80, limoge le Chef du gouvernement, suspend toutes les activités de l'Assemblée et prend les pleins pouvoirs. Quels sont les enjeux d'une telle décision ? Quelles sont les dérives
possibles ? inkyfada a essayé depuis le 25 juillet de revenir sur les conséquences et les incertitudes du 25 juillet.
Le 25 juillet au soir, Kaïs Saïed a annoncé l'application de l'article 80 de la Constitution. Cet article permet d'instaurer un état d'exception dans le cas d'un "péril imminent". Inkyfada a établi une comparaison entre le texte et le discours du président de la République.
Le 25 juillet 2021, le président Kaïs Saied s’est emparé de l’Article 80 de la Constitution pour déclarer l’état d’exception. Si elle est saisie, la Cour constitutionnelle est alors la seule à pouvoir statuer sur le maintien ou non d’une telle situation. Mais cet organe, prévu pour arbitrer les conflits institutionnels, n'a jamais vu le jour.
Le 22 septembre 2021, Kaïs Saïed publie un décret présidentiel annonçant que le président de la République se charge de la réalisation de projets d'amendements liés aux réformes politiques, dans le cadre des mesures exceptionnelles adoptées le 25 juillet 2021. Ces infographies reviennent sur le projet étatique de Kaïs Saïed et sur sa vision du régime politique.
Scandales Environnementaux
La Tunisie ne sait que faire de ses déchets. Manque de stratégie, corruption, et immobilisme sont à l'origine de pollutions et de nuisances insoutenables. Affaire des déchets italiens, déversement des eaux usées dans la mer, mouvements sociaux liés aux
décharges, en 2021, inkyfada a couvert de près l'actualité environnementale du pays.
Depuis plusieurs mois, une importante affaire d’importation illégale de déchets ménagers venus d’Italie secoue le pays. Outre le scandale environnemental, de nombreux documents obtenus par inkyfada et le réseau d’investigation italien IrpiMedia corroborent
la piste d’un vaste réseau de corruption.
Inkyfada, le média d’investigation italien IrpiMedia et la télévision publique italienne RaiNews24 reviennent sur la genèse italienne de la vaste affaire de corruption autour des déchets italiens, avec l’entrée en jeu de nouveaux protagonistes. Près d’un an après l’arrivée des premiers déchets ménagers importés illégalement d’Italie fin mai 2020, la majeure partie de la cargaison est encore aujourd’hui bloquée au port de Sousse.
À Agareb, dans la région de Sfax, l’air est irrespirable. La réouverture d’une décharge relance un mouvement citoyen qui demande sa fermeture définitive. La réponse a été la répression.
Depuis plus de deux décennies, les plages de la banlieue sud de Tunis sont régulièrement interdites à la baignade pour cause de pollution. Que contiennent ces eaux ? Inkyfada a eu accès à des analyses qui détaillent la nature de cette pollution marine et les risques qu’elle présente pour la santé humaine et la biodiversité.
En 2018, la Tunisie aurait importé plus de 240 tonnes de pesticides à usage agricole bannis ou bien sévèrement restreints dans l’Union européenne. À partir d’une base de données établie par les organisations Greenpeace UK et Public Eye, inkyfada fait le point.
Le 4 mars 2021, une réunion de négociations s’est tenue entre la Société tunisienne de l’Electricité et du Gaz (STEG) et les habitant·es du village de Borj Essalhi au Cap Bon. Au cœur du litige, l’implantation du site éolien de Sidi Daoud il y a plus de 20 ans, qui a entraîné de nombreuses injustices selon ces dernier·es. Inkyfada est allée à leur rencontre. Reportage.
Les Pandora Papers en Tunisie
Menés par ICIJ, en collaboration avec 150 médias dont inkyfada, les Pandora Papers sont la plus grande collaboration journalistique jamais réalisée, réunissant plus de 600 journalistes dans 117 pays. L'enquête est basée sur une fuite de documents
confidentiels provenant de 14 institutions spécialisées dans l’offshore qui fournissent des services à des particulier·es et des sociétés fortuné·es cherchant à créer des sociétés écrans, des trusts, des fondations et d'autres entités dans des juridictions
à fiscalité faible ou nulle.
Depuis octobre 2021, inkyfada a rendu publique l’enquête sur 9 personnalités parmi une trentaine de Tunisien·nes mentionné·es dans les Pandora Papers qui ont eu recours à des montages opaques pour ouvrir des sociétés offshores dans des paradis fiscaux.
Les autorités n'ont toujours pas réagi à ces documents.
Quel est le lien entre le Thon Manar, la Banque de l’Habitat, et une société cachée dans les îles Vierges par laquelle transite des millions de dollars ? Le discret multimillionnaire Rached Horchani, à la tête d’un des groupes les plus prolifiques en Tunisie, n’a pas résisté à l’appel des paradis fiscaux.
inkyfada a mené l’enquête sur 9 personnalités parmi une trentaine de Tunisien·nes mentionné·es dans les Pandora Papers qui ont eu recours à des montages opaques pour ouvrir des sociétés offshores dans des paradis fiscaux. À partir des documents fuités, plusieurs hommes d’affaires, personnalités politiques et fugitifs ont été identifiés.
Parmi les noms de Tunisien·nes présent·es dans les 11,9 millions de documents des Pandora Papers, un se distingue en particulier par le mystère qui l’entoure. Mohamed Allani, porté disparu depuis 2004 et propriétaire d’un bateau de plaisance, le Kilani.
Nos Highlights
En 2021, nous avons produit quelques expériences immersives qui ont mis l'accent sur des récits personnels ou collectifs pour revenir sur des événements comme le 14 janvier ou le conflit inter-clanique de Aïn Skhouna.
Nous avons aussi pu cartographier les données de la pauvreté en Tunisie pour établir une répartition des inégalités au sein de la population. Il était aussi question de la publication de liste officielle des martyr·es et blessé·es de la Révolution qui
a fait l'objet d'une série qui revient sur les enjeux autour de la justice transitionnelle.
Quelles sont les délégations les plus pauvres en Tunisie ? Où se situent les plus riches ? Existe-t-il une corrélation entre pauvreté et accès aux infrastructures ? Pour comprendre, inkyfada a réalisé une cartographie interactive en se basant sur les données de l’INS.
Après 10 ans d’attente, la liste officielle des martyr·es et blessé·es de la Révolution a été publiée au Journal officiel le 19 mars 2021. 129 martyr·es et 634 blessé·es sont reconnu·es par l’État. Qui était chargé de rédiger cette liste ? Comment ? Que prévoit-elle ? Dans ce premier épisode, inkyfada a voulu clarifier ce processus et vous expliquer les dessous d’une liste qui se trouve au cœur de la mémoire collective tunisienne.
Pendant un an, Inkyfada est revenue sur les événements du 14 janvier 2011 à Tunis, à travers des récits personnels d’individus qui y étaient, en proposant une documentation alternative de l’Histoire contemporaine, basée sur plusieurs perspectives. Des
extraits ont été assemblés pour créer une cartographie sonore de cette journée qui a vu le destin de tout un pays basculer.
Les Rubriques Permanentes
Cette année, nous avons renforcé la rubrique "Stouchi" qui revient sur et détaille les revenus et dépenses de Tunisien·nes appartenant à des catégories socio-professionnelles différentes. C'est une rubrique qui nous a permis, un dimanche sur deux, de
découvrir une nouvelle et unique histoire. En plus des "Stouchi", nous avons pu réaliser deux séries à caractère historique: "Gens suspects" qui retrace des éléments du vécu de personnes fichées par les services de renseignement français en Tunisie
entre les années 1910 et 1930, ainsi que “Le dessous des dates” qui s’intéresse à des dates clés de l’histoire contemporaine de la Tunisie, essayant de reconstituer le récit d’une mémoire individuelle ou collective au prisme d’un contexte ou d’un événement
marquant à l’échelle nationale.
Mahmoud* a 28 ans. Propre sur lui, le jeune homme n’est pas très grand mais est bien bâti, ce qui lui est utile pour son activité : la contrebande d’essence.
Albert Bessis est surtout connu pour sa participation aux négociations pour l’autonomie interne de la Tunisie en 1955. Le parcours nationaliste de l’avocat tunisien d’origine juive remonte cependant au début du 20e siècle, lorsqu’il prend part, entre autres, à la création d’un comité judéo-musulman fortement surveillé par les pouvoirs coloniaux.
Le 1
er juin 1955, le port de La Goulette accueille une marée humaine venue acclamer le président du Néo-Destour, Habib Bourguiba, suite à une absence de trois ans. La liesse populaire fait penser à une réaction spontanée mais cette journée a été orchestrée
jusque dans ses moindres détails par le parti nationaliste.
Inkyfada Podcast
Cette année, inkyfada podcast a réalisé de nombreuses séries de podcasts sur des sujets qui soulèvent des problématiques contemporaines telles que la consommation du plastique, le féminicide en Tunisie et le quotidien des jeunes de quartiers
exposés au deal, mais aussi pour revenir sur certains aspects de notre patrimoine à travers les séries "Tbarbich" et "Ija Ya Zmen". Nous avons, par la même occasion, initié un espace de commentaire sur l'actualité à travers la série "inkytalk",
à l'occasion du 25 juillet et les décisions de Kaïs Saied.
Ce podcast met en scène deux aliens de la planète [(-CH2-)n], quasi détruite par le plastique ramené par des humain.es. Les deux protagonistes sont venu.es enquêter sur la provenance de cette matière, son cycle de vie et comment l’humanité est en train de l’apprivoiser. On suivra leur quête dont l'objectif est d’analyser ce phénomène en Tunisie et leurs rencontres avec des tunisien.nes membres de la faction Guérilla Pacifiste pour un Avenir Radieux sans Plastique.
Cette série raconte l’histoire de femmes victimes de violences conjugales qui, pour certaines, ont causé leur mort. C’est le cas de Refka Cherni, tuée par son mari en mai 2021 au Kef. Dans ce podcast, des proches de femmes victimes de féminicide ainsi que des femmes victimes de violences témoignent afin de remettre ces drames au cœur du débat public.
La série "L’byessa” est un conte sonore des temps modernes, qui met en ondes le quotidien sans filtre de deux dealers de “zatla” dans un quartier du Grand Tunis. L’auditeur·trice suivra les aventures épiques et réelles de deux personnages hors du temps, qui vendent du rêve à leurs concitoyen·nes, dans un pays où l’on ne songe plus.
Inkytalk, l'émission de la rédaction sur des sujets d'actualité.
Jnouss, corps-objet, corps en lutte est une série de podcasts féministe intersectionnelle. Dans chaque épisode, cette série retrace les récits intimes, les réflexions et les combats de personnes qui ont vécu un moment charnière où leur expérience privée bascule sur la place publique, où les violences qu’elles ont vécues individuellement se transforment en une lutte collective.
Tbarbich, la série mensuelle qui nous plonge au coeur de la culture populaire tunisienne et dans ses différentes expressions. Contes, chansons, danses et personnages, découvrez des histoires éparpillées dans les recoins des mémoires.
Ija Ya Zmen est une série de contes tunisiens racontés par Saïda El Khadhra - danseuse et chorégraphe populaire - commentés par Hazar Abidi. Ces contes, faisant partie d’une tradition orale en perdition, ont été récoltés par l’équipe d’inkyfada podcast dans le but de les conserver et leur donner une lecture sociologique, anthropologique, féministe et décalée.
Ce documentaire sonore en cinq chapitres est une plongée inédite dans les rouages de la justice antiterroriste tunisienne. Il prolonge le documentaire "Daech, le dilemme de la justice" et compile plus de deux ans d’enquêtes et d’entretiens pour tenter d’éclairer les enjeux de l’antiterrorisme en Tunisie.
Cette série de podcasts propose une plongée dans la langue arabe, à travers le point de vue de journalistes, militantes féministes, traductrices et académiciennes arabophones. À l’occasion d’une série d’ateliers organisés par inkyfada, ces dernières décortiquent la langue et tentent de la déconstruire. Au cœur des rouages linguistiques, elles interrogent les systèmes de domination liés au genre et les différentes manières d’y résister.