Dans le secteur des hydrocarbures, la recherche et l’exploitation d’hydrocarbures constituent l’une des premières étapes de la longue route vers l’énergie. En Tunisie et en Afrique du Nord, Medex Petroleum Limited fait partie des majors. Cette société, dirigée par l’homme d’affaires Ahmed Bouchamaoui, a été créée en 1995 à Chypre et basée à Paris.
Au milieu des milliers de documents fuités grâce aux Pandora Papers, inkyfada a découvert qu’une filiale du groupe Medex a été enregistrée aux îles Vierges britanniques le 17 janvier 2000. Les premiers directeurs de Medex Petroleum (North Africa) Ltd sont les hommes d’affaires tunisiens Ahmed et Raouf Bouchamaoui ainsi que Tarek Mekada, leur associé.
Contrat de nomination des directeurs, daté du 17 janvier 2000.
Sur le même sujet
Elle permet au groupe d’opérer en Afrique du Nord. Une autre société du même groupe, Medex Petroleum (Tunisia) Ltd (ex M.P Zarat Limited), a quant à elle été enregistrée aux Îles Caïmans et basée à Tunis sans qu’inkyfada ait pu obtenir plus d’informations sur ses activités.
Une affaire de famille
Ahmed Bouchamaoui n’est pas le premier à s’investir dans le secteur pétrolier. L’entreprise familiale Bouchamaoui Industries est créée en 1948 par Ahmed Bouchamaoui - un homonyme de la même lignée. Elle est à l’origine une entreprise de génie civil basée à Bouchamma (Gabès). “Au cours des années 1970, l'évolution de la société, d’un entrepreneur dans le bâtiment et le génie civil à un entrepreneur industriel dans le secteur de l'énergie, a été un développement naturel, étant donné la croissance des activités d'hydrocarbures en Tunisie et dans les pays voisins”, décrit le site internet de l’entreprise.
Outre une proximité familiale avec le secteur, le Ahmed Bouchamaoui mentionné dans les Pandora Papers est aussi l’héritier du groupe Al Majd Holding fondé par son père, feu Abdelmajid Bouchamaoui. En 2007, il cède la place à ses deux frères Maher et Hichem Bouchamaoui pour se consacrer au développement du groupe familial à l'international, notamment à travers Medex Petroleum Ltd. Ahmed Bouchamaoui est aussi à la tête du groupe Al Kassm Holding qui opère dans le domaine de l’exploitation des ressources minières en Afrique du Nord. En 2007, il intègre également le comité directeur de l’Espérance Sportive de Tunis, en tant que vice-président.
Des déboires avec la justice
En 2012, la gestion de la société Medex Petroleum (North Africa) - enregistrée aux îles Vierges britanniques - se complique pour Ahmed Bouchamaoui et Tarek Mekada (le nom de Raouf Bouchamaoui n’est plus mentionné dans les autres documents). Un défaut de paiement d’une facture de Trident Trust complique en effet l’obtention d’un “certificat de régularité” pour les besoins d’un audit des comptes de l’entreprise par le bureau de Tunis.
Après plusieurs échanges infructueux avec la filiale tunisienne de Medex, c’est finalement Jean-Philippe Berthet, l’avocat de la société qui promet d’honorer la facture impayée et demande expressément la délivrance du certificat. “L'audit des états financiers sont requis dans le cadre d'une opération importante qui est en attente”, précise-t-il.
Mais la situation est loin d’être réglée car en 2005, un nantissement sur les actions de la société (l’équivalent d’une hypothèque sur des valeurs mobilières) avait été porté au registre de l’entreprise pour garantir auprès d’une banque une transaction commerciale qui n’a jamais abouti. Or, précise l’avocat, “le nantissement a été oublié et ni Medex Petroleum Ltd ni Medex Petroleum (North Africa) Ltd n'ont jamais pris les mesures nécessaires pour effacer ce nantissement du registre des actions”.
Trident indique alors à l’avocat la marche à suivre : “Vous aurez besoin d’une attestation bancaire signée indiquant que l’obligation a été satisfaite ainsi que des résolutions nous autorisant à libérer les actions”. Sans réponse, la société sera finalement “gelée” le 1er novembre 2012 pour non-paiement des taxes gouvernementales.
Plus tard, entre 2014 et 2017, les associés et leur avocat tentent d’obtenir la réactivation de leur société. Après de multiples va-et-vient, un certificat de régularité est finalement établi. Au sujet de ces nombreux déboires, les principaux protagonistes n’ont pas répondu aux demandes de clarification d’inkyfada.
Sans que le lien ne soit réellement établi, la période de cette ”opération importante” mentionnée par l’avocat concorde avec la mise en vente par Medex Petroleum (North Africa) de sa participation dans une concession de recherche et d'exploitation d’hydrocarbures en Algérie. Cette concession a été signée en 2002 sous le régime du partage de production avec la Sonatrach, la compagnie pétrolière nationale algérienne. L’enjeu : des actifs estimés par Medex à 500 millions de dollars.
Les déboires administratifs de l’entreprise coïncident aussi avec des difficultés opérationnelles en Algérie. En effet, la société a accumulé plusieurs millions de dollars de dettes avant même la mise en production des premiers puits et se déclare incapable d’honorer ses engagements. Pour se sortir d'affaires, Medex annonce la même année son intention de céder ses actifs, spéculant sur le potentiel que recèlent les gisements. Mais impossible de trouver d’acquéreur : l’offre est jugée trop élevée par plusieurs compagnies pétrolières intéressées.
Les difficultés de la société s’aggravent et elle se retrouve dans l’incapacité de payer ses prestataires parmi les sociétés de services pétroliers déclenchant des procédures judiciaires. Dans un échange de mails datant d’octobre 2013, il est fait référence à une procédure d’arbitrage engagée par Schlumberger, une multinationale française spécialisée dans les services pétroliers. Elle tente de récupérer auprès de Medex Petroleum (North Africa) une dette de 3,6 millions de dollars. En 2014, la cour d’arbitrage statue en faveur de Schlumberger, sans qu’aucune information n’ait pu être établie sur le paiement effectif de cette amende.
En 2015, la Sonatrach porte aussi son affaire devant la Cour arbitrale internationale pour l’annulation pure et simple du contrat avec Medex qui riposte en réclamant un dédommagement. Le tribunal arbitral s’est prononcé le 13 décembre 2016 en faveur de Sonatrach qui remporte ainsi la bataille.
Ahmed Bouchamaoui, un habitué des îles Vierges britanniques
Ahmed Bouchamaoui n’en est pas à son coup d’essai. En 2016, inkyfada révélait dans le cadre des Panama Papers que son nom était apparu dans les documents d’une société, Inersa Investments INC, enregistrée aux îles Vierges britanniques en 1995.
Sur le même sujet
Selon les documents de Mossack Fonseca, l’homme d’affaires et son père Abdelmajid (décédé) obtiennent une procuration générale leur octroyant les plein pouvoirs pour gérer la société Inersa Investments INC. Cette procuration prévoit notamment la création d’un compte bancaire.
Son cousin et associé Raouf Bouchamaoui a lui aussi été cité dans les Panama Papers.