De prime abord, rien ne destinait Yahya à devenir téléconseiller en Grèce. En Tunisie, il a suivi un cursus scientifique mais pour diverses raisons, le jeune homme peine ensuite à trouver des opportunités dans sa branche. Par nécessité, il commence à travailler dans les centres d’appels tunisiens de Teleperformance. “Une fois que tu as commencé dans les call centers, tu te retrouves à y faire carrière malgré toi”, commente le jeune homme.
Un jour, un de ses cousins, travaillant pour Teleperformance à Athènes le contacte. “Il m’a demandé si ça m’intéressait de venir travailler en Grèce (...) Il pouvait me parrainer et me faire venir d’ici deux semaines. Je me suis dit que cela pourrait être une nouvelle expérience…”.
Comme Yahya, de nombreux·ses Tunisien·nes ont rejoint les centres d’appels de Teleperformance à Athènes ces dernières années. Les raisons sont multiples : désir de quitter la Tunisie, espoirs d’améliorer leur revenu, de meilleures conditions de vie en perspective… Mais pour beaucoup, ce projet s’est soldé par une profonde déception. Les critiques sont nombreuses, entre des salaires jugés faibles, un quotidien éprouvant, et les contraintes de la carte de résidence.
Dans le cadre de cette enquête, inkyfada a sondé une centaine de Tunisien·nes travaillant à Teleperformance Hellas à travers un appel à témoignages. Parmi les personnes interrogées, une expression revient régulièrement : “Esclavage moderne”.
Pour dénoncer ces conditions de travail, des employé·es de Teleperformance et d’autres centres d’appels en Grèce ont décidé de lancer une initiative en janvier 2024. “On a commencé par faire une pétition en ligne”, raconte Zied*, l’un des organisateurs du mouvement, “en moins de 24h, on a récolté plus de 400 signatures !”. La lettre réclame notamment un réajustement des salaires ainsi qu’une allocation alimentaire.
Rapidement soutenue par SETIP, un syndicat grec, le mouvement prend de plus en plus d’ampleur et a annoncé une grève ce jeudi 8 février, pour laquelle Zied espère “plusieurs centaines de personnes”. L’initiative a également été soutenue par l’UGTT et le syndicat français Sud-Solidaires.
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Un recrutement et une arrivée sur mesure
“Si on m’avait dit que dans un ou deux mois, je travaillerais dans un call center en Grèce, je ne l’aurais pas cru !”, s’exclame Sofiane*. Le jeune homme se rappelle très bien de son arrivée à Athènes, 15 mois auparavant. Tout est arrivé très vite. Alors qu’il vivait encore en Tunisie, un ami le contacte et lui demande s’il serait intéressé à l’idée de travailler dans un centre d’appel en Grèce. “J’avais déjà travaillé dans des centres d’appels donc je me suis dit ‘Pourquoi pas ?’”.
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Comme Yahya, Sofiane rejoint Teleperformance à travers un système dit de “parrainage”. Son ami le recommande à l’entreprise, gagnant une prime au passage. Ce système est très courant au sein de l’entreprise : sur 120 personnes interrogées par inkyfada, plus de la moitié explique avoir été recrutées de cette manière.
D’autres sont contacté·es par des chercheur·ses de tête qui les repèrent sur Linkedin, postulent à des offres ou travaillent déjà dans des centres d’appels de Teleperformance en Tunisie. “Moi je travaillais à Teleperformance à Sousse”, raconte Rafik*, “si tu parles bien en anglais, on t’encourage à aller en Grèce. Ton CV est dans la base de données de tous les centres de Teleperformance”.
Ils et elles sont ensuite contactés par un·e recruteur·se. Alors qu’il était dans un café avec des amis, à Tunis, Sofiane reçoit un appel d’un numéro inconnu. Au bout du fil, un homme lui indique, en anglais, travailler à Teleperformance et lui propose de passer un test vidéo le lendemain. “Le jour même, on m’a félicité et on m’a dit que j’étais pris. Et on m’a expliqué que j’allais être ‘relocalisé’. Sur le coup, je n’ai pas mesuré tout ce que cela impliquait”.
Dès que le recrutement est validé, les formalités administratives se mettent en place. Visa, billets d’avion… En à peine quelques semaines, tout est prêt pour leur départ.
“Dans l’avion, on n’était que des Tunisiens”, se souvient Aymen*, arrivé à Athènes en 2021. “Tous en route pour Teleperformance !”
Même si les Tunisien·nes restent assez peu nombreux en Grèce - 2164 selon les données de l’ambassade -, leur nombre a plus que doublé en cinq ans. Beaucoup attribuent cette augmentation aux recrutements de la multinationale . “90% des Tunisiens qui vivent à Athènes sont là pour Teleperformance !” considère Aymen “Les 10% restants, c’est du regroupement familial ou des employés de Webhelp [ndlr : un autre centre d’appels]”.
“Dès que je dis à un Grec que je suis tunisien, il me répond ‘Ah, Teleperformance ?’”, raconte le jeune homme avec un sourire.
À leur arrivée, ces futures recrues sont d’abord accueillies dans un hôtel pour y suivre une formation de deux semaines afin de se familiariser avec le travail. “Quand tu rentres dans la chambre d’hôtel, l’ordinateur est déjà là, il t’attend”, décrit Sofiane.
Il leur faut aussi organiser leur nouvelle vie, dans ce pays qu’ils et elles découvrent généralement pour la première fois. “Teleperformance organise tout, c’est tout un système”, continue-il. Formalité administrative, ouverture d’un compte en banque, assurance… Tout est mis en place pour que les nouveaux·elles agent·es soient rapidement opérationnel·les.
“C’est de l’esclavage moderne”
Après cette formation, les agent·es commencent leur travail, au sein de la mission qui leur est attribuée. Opération Facebook, Netflix, Google… Les plus grandes marques internationales ont recours à Teleperformance. Entre les employé·es, le bouche-à-oreille va vite : “Apple, c’est l’horreur, il ne faut pas y aller”, “J’ai entendu que Facebook était plutôt bien”, etc.
Les tâches varient d’un·e travailleur·se à l’autre. Certains répondent par téléphone ou par chat aux client·es qui rencontrent des problèmes techniques, d'autres traitent des publications sur les réseaux sociaux, ou encore font de la prospection pour vendre des abonnements mobiles…
Un travail souvent décrit comme pénible par les employé·es, malgré la certification “Great Place to Work”* obtenue par Teleperformance en 2023. “Best Place to work alors que tu y laisses ta santé mentale”, raille Sofiane. L'enchaînement de dizaines d’appels par jour, la pression des client·es, le fait de dépendre des enquêtes de satisfaction lui ont notamment déclenché des vertiges et des acouphènes. “On travaille 40h par semaine et on a le droit à 45 minutes de pause par jour”, indique-t-il. Les appels s’enchaînent et ne doivent pas dépasser “les six minutes, au risque d’être pointés du doigt”.
Pour lui, les managers représentent une pression constante, soulignant la moindre erreur. “Là tu aurais dû sourire”, “tu n’as pas dit le nom de la compagnie”... Peu importe la situation, “le seul objectif, c’est que le client soit satisfait”, commente Rafik.
Les performances des employé·es sont en effet basées sur les enquêtes de satisfaction de la clientèle, ce qui représente une certaine injustice pour plusieurs personnes interrogées. “Parfois, la demande est impossible ! Par exemple, tu ne peux pas répondre à une demande telle que ‘donnez-moi mon mot de passe”, continue Rafik.
“Ou bien imaginez que quelqu’un achète un téléphone. La batterie ne marche pas. Il va contacter le service technique à distance qui lui explique qu’il y a un défaut de batterie et qu’il faut la changer. Le client va s’énerver sur le produit et juger cela, plus que le conseiller”. L’employé·e craint alors d’être pénalisé·e, de recevoir des sanctions, un bonus plus faible ou de ne pas se faire renouveler son contrat.
Les conditions de travail sont par ailleurs soumises aux aléas de la demande. “Si le flux d'appels diminue, on nous force à prendre des congés, parfois non payés, entre deux missions”, ajoute Yahya.
“C'est de l'esclavage moderne”, dénonce une autre travailleuse interrogée par inkyfada. “On a besoin de demander à nos superviseurs la permission pour faire nos besoins. Zéro sens de l'humanité, aucune notion de travail d'équipe. Nous n'avons pas de syndicat pour défendre les droits des employés, [il y a du] harcèlement sexuel de la part des responsables et des traitements de faveurs”.
D’autres travailleur·ses sont plus nuancé·es ou estiment que le seul bémol est le salaire, jugé insuffisant. “Tout dépend des opérations en fait”, commente Chayma*, une ancienne employée. De son côté, elle dénonce surtout les conditions managériales et l’impossibilité de trouver des solutions en cas de différend avec ses supérieur·es.
En moyenne, les 120 personnes interrogées donnent une note de 2,2/5 pour décrire leurs conditions de travail.
Teleperformance n’a pas donné suite aux demandes d’interviews d’inkyfada et n’a pas non plus répondu aux questions envoyées par mail concernant les conditions de travail des employé·es.
"Un salaire qui ne suit pas le coût de la vie en Grèce"
Peu importe leur rôle et la diversité de leur tâche, Sofiane, Chayma, Aymen, etc. sont logé·es à la même enseigne : en tant qu’interlocuteur francophone, ils et elles sont payé·es 1045 euros brut, soit 850 euros net*. D’après les différents témoignages, les travailleur·ses francophones sont les plus mal payé·es : les locuteur·trices de langue plus rare, comme l’hébreu ou le finnois, bénéficient de “bonus de langue” plus avantageux.
Ces revenus peuvent être revus à la hausse avec les primes et les performances. “Je sais que je suis plutôt chanceux car je suis considéré comme un ‘Best Performer Employee’”, indique Aymen. “Donc avec les primes, je gagne entre 900 et 1000 euros net, ce qui est plus confortable”.
Des employé·es affirment cependant que les augmentations pratiquées par Teleperformance seraient faussées en raison de ces primes : “nos salaires sont divisés en deux parties : salaire de base et salaire variable”, explique un employé, “à chaque fois que le gouvernement grec impose une augmentation des salaires, Teleperformance augmente la partie de base du salaire et diminue l'autre partie variable afin que le salaire augmente aux yeux du gouvernement mais reste toujours le même pour nous les employés”. Interrogée à ce sujet, Teleperformance n’a pas fourni de réponse à inkyfada.
Sur les 120 personnes interrogées, on obtient un salaire médian de 840 euros. Pour la plupart, ce salaire est jugé insuffisant pour suivre le coût de la vie en Grèce et de l’inflation, particulièrement importante depuis la crise du Covid-19. En 2022, l’inflation de la Grèce avait dépassé les 10%, son taux le plus élevé depuis 25 ans.
La prison du permis de travail
À leur arrivée en Grèce, les Tunisien·nes* viennent avec un visa de travail, d’une validité de trois mois. Par la suite, ils et elles obtiennent un permis de résidence, leur permettant de vivre légalement en Grèce et leur donne accès à l’ensemble de l’espace Schengen. Bémol : ce permis précise qu’ils et elles peuvent travailler uniquement dans leur secteur d’activité actuel, en l'occurrence, les centres d’appels.
“Pour résumer, on ne peut travailler qu’à Teleperformance”, déplore Yahya.
Plus exactement, les détenteur·ses de ce permis “Specific Purpose”* peuvent travailler dans moins d’une dizaine d’entreprises en Grèce, au sein d’un marché dominé par Teleperformance et Webhelp, la multinationale concurrente. Avec peu de perspectives d’emplois en Grèce, la plupart des personnes interrogées préfèrent rester travailler à Teleperformance, de peur de perdre leur permis de résidence. À chaque renouvellement, il leur faut en effet prouver qu’ils et elles continuent à travailler dans le secteur.
“En plus, entre les renouvellements, on doit parfois attendre plus de six mois”, rapporte Yahya, “et en attendant, on a un ‘blue paper’ ou un ‘white paper’, qui nous permet de bouger nulle part à part en Tunisie ou en Turquie [ndlr : pays sans visa pour les Tunisiens]”. Ces récépissés provisoires ne leur donnent ainsi aucun accès à l’espace Schengen, à part la Grèce. Sur les 120 personnes interrogées par inkyfada, les trois quarts attendent que leur permis soit renouvelé, et près de la moitié l’attendent depuis plus de six mois.
La résidence permanente - qui donne accès à l’ensemble du marché de l’emploi - n’est demandable qu’au bout de cinq ans. La procédure s’accompagne d’un test culturel et linguistique. “La langue est un obstacle”, estime une employée qui travaille à Teleperformance depuis six ans, "je n’ai pas le temps de l'apprendre avec les conditions de travail…”.
L’incertitude au quotidien
Certaines des personnes interrogées par inkyfada espéraient voir leur situation se stabiliser au fil du temps. Mais en réalité, ils et elles ont le sentiment de vivre en permanence dans l’incertitude, notamment en raison de la précarité de leur contrat.
“Dès qu’une mission se termine, on ne sait pas quand est ce qu’on pourra retourner au travail”, rapportent les personnes interrogées par inkyfada. La majorité des employé·es signent des contrats de quelques mois seulement, généralement entre trois et six mois. Une fois leur mission terminée, la plupart passent plusieurs semaines - voire mois - en attente ou parfois sans même savoir s’ils et elles seront réembauché·es pour une nouvelle mission.
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De plus, restreint·es par les modalités de leur permis de résidence, ils et elles ne peuvent pas travailler ponctuellement ailleurs. “Une fois, je me suis retrouvée à ne pas travailler pendant deux mois”, raconte Rafik, “j’ai fini par travailler au noir”.
“C’est vraiment la pire chose à Teleperformance : les CDD. On te dit : ‘va te reposer 2 ou 3 mois et on te rappelle’. Et donc tu te retrouves trois mois au chômage… Tu t’imagines parler à ton propriétaire et lui dire : je pars et on se retrouve dans trois mois ?’”.
La plupart des employé·es enchaînent ainsi les CDD (contrats à durée déterminée) pendant des années. “Tant qu’on est en CDD il font ce qu’ils veulent”, résume cyniquement un employé. Fait notable : les contrats, qu’ inkyfada a pu consulter, ne sont pas conclus avec Teleperformance mais avec d’autres compagnies faisant office d’intermédiaires du nom de LMW, ManPower, Randstadt KSM et For People.
Zied a par exemple signé ses trois premiers CDD avec Teleperformance. Lorsque le quatrième a été renouvelé, le contrat était au nom de l’une de ces entreprises intermédiaires. Or, selon le code du travail grec, tout·e employé·e ayant signé trois CDD ou ayant travaillé trois ans avec la même compagnie est en droit d’avoir un contrat permanent. Les différentes personnes interrogées estiment que changer ainsi de compagnie entre les différents contrats pourrait être un moyen pour Teleperformance d’échapper à cette législation et de ne pas titulariser ses employé·es.
Contacté par inkyfada, le cabinet d’avocats grec·ques Iason Skouzos - TaxLaw précise que l’enchaînement de CDD est possible dans des cas très spécifiques, “si cela est justifié par la forme, la nature ou l'activité de l'employeur ou de l'entreprise ou par des raisons ou des besoins particuliers. Ces raisons doivent être indiquées dans le contrat de renouvellement ou découler des circonstances”. Par ailleurs, pour ne pas être considérés comme successifs, les contrats doivent être au minimum séparés de 45 jours. Dans le cas contraire, ils doivent en effet être requalifiés en CDI (contrat à durée indéterminée).
De la même manière, le recours à des agences de travail temporaire ou d’intérim, comme Randstadt ou LMW, répond à une législation précise et encadrée, censée protéger le droit des employé·es, précise le cabinet.
“Le recours à différents employeurs directs, tels que des agences d'intérim, pour chaque renouvellement, afin de contourner les restrictions susmentionnées, peut s'avérer être un subterfuge peu coûteux”, résume-t-il.
Malgré plusieurs relances, Teleperformance Hellas n’a pas donné suite aux demandes d’interview et n’a pas non plus répondu aux questions envoyées à ce sujet par inkyfada.
Certain·es employé·es ont pu obtenir le précieux sésame du CDI, comme Aymen. “Mais je suis une exception”, rappelle le jeune homme. Autour de lui, la plupart de ses collègues restent précaires. Eya* fait également partie des rares chanceux·ses à avoir été titularisée rapidement. La jeune femme, ingénieure de formation, détient un Bac +5 et est parfaitement polyglotte. Sa surqualification pour le poste et ses bonnes performances expliqueraient sa titularisation.
Elle admet par ailleurs avoir rejoint Teleperformance dans l’espoir de partir en Europe, après plusieurs échecs pour trouver un travail dans sa branche. “J’ai postulé plusieurs fois aux Etats-Unis, en France, en Suisse… À chaque fois, j’arrivais à la dernière étape des entretiens et dès qu’on se rendait compte que j’étais basée en Tunisie et qu’il allait falloir me relocaliser, on me refusait”, déplore la jeune femme. Le système de Teleperformance, qui s’occupe de l’ensemble des démarches pour faire venir des Tunisien·nes en Grèce, lui est donc apparu comme un bon moyen de travailler en Europe, malgré les limites du permis de résidence.
Quelles alternatives ?
Face à cette situation, la multinationale concurrente Webhelp apparaît pour certain·es comme une bonne alternative. “Webhelp donne des CDI, contrairement à Teleperformance”, indique Rafik. Cependant, selon les témoignages, les conditions de travail restent similaires et les salaires sont sensiblement les mêmes.
“J’ai quitté Teleperformance car j’en avais marre du management”, commente Chayma*. “Au bout de quelque temps, je suis partie pour Webhelp. Qui est-ce que j’ai retrouvé là-bas ? Mon ancienne manageuse !”, raconte la jeune femme en riant.
Sur les 120 personnes interrogées, moins d’un quart envisagent de chercher un autre emploi en Grèce. Si la possibilité se présente, la plupart envisage plutôt de chercher une opportunité ailleurs en Europe. Mais d’après les témoignages, partir vers un autre pays européen est extrêmement difficile. “Si j'ai envie de reprendre des études en France, je dois retourner en Tunisie et faire toute la procédure Campus France depuis Tunis”, donne Yahya en guise d’exemple.
Aymen, de son côté, a même essayé de basculer vers d’autres bureaux de Teleperformance, en Allemagne, où “les employés sont au moins trois fois mieux payés pour le même travail”. Le jeune homme se renseigne pour être recruté et transféré. Mais il comprend rapidement que la relocalisation n’est pas possible pour les travailleur·ses non européen·nes, en raison du fameux “Specific Purpose”.
Cependant, ils et elles sont encore moins nombreux·ses à envisager de rentrer en Tunisie. “La Grèce représente un échappatoire”, décrit Rafik, “la vie que je mène ici, je ne pourrais pas l’avoir en Tunisie. Certains veulent la liberté. D’autres veulent fuir la police, d’autres s’habillent comme ils veulent, il n’y a pas de loi 52 ou de pénurie de sucre…”
La plupart continue donc de travailler à Teleperformance, en espérant que leurs conditions s’améliorent, notamment avec la grève du 8 février. “J’encourage les gens, car tout ce qu’on demande, ce sont nos droits”, témoigne Zied. Alors qu’il contribue à l’organisation de la grève, Zied est directement exposé aux conditions de précarité que le mouvement cherche à dénoncer. L’énième CDD qu’il a signé avec Teleperformance vient de s’achever et il est censé reprendre une mission d’ici quelques mois. Malgré tout, il tient à s’investir . “On doit dépasser notre peur”, conclut-il.