Le 13 juillet 2023, devant les grilles de la cour d’appel de Tunis, sous un soleil de plomb, une centaine de manifestant·es scandent ces slogans et réclament la libération des prisonnier·es politiques, accusé·es de “complot contre la sûreté de l’État” et en détention depuis quatre mois.
Depuis des mois, un vent de répression parcourt la Tunisie. Cette vague d’arrestations s’ajoutent à plusieurs autres poursuites à l’encontre de journalistes, d’activistes et des atteintes à l’indépendance de la justice. 2023 a également été marquée par un déferlement de haine inédit à l’encontre des migrant·es subsaharien·nes en Tunisie dont les droits les plus élémentaires ont été bafoués. inkyfada fait le bilan de la situation des droits et libertés en Tunisie, deux ans après le coup d’État de Kaïs Saïed.
Procédures et droits bafoués
Pas ou peu de preuves, importants dispositifs policiers, mauvaises conditions de détention… Qu’ils et elles soient poursuivi·es dans l’affaire du complot ou pas, les accusé·es voient leur droits fondamentaux bafoués à tous les niveaux par les autorités lors des procédures judiciaires.
Aussi appelée “affaire des 17”, l’affaire du complot accuse donc 17 opposant·es, cadres et hauts fonctionnaires “et toutes celles que l’enquête révélera”, selon le dossier. La liste des accusations est longue, et les accusé·es sont poursuivi·es en vertu du Code pénal ainsi que de la loi anti-terroriste de 2015.
Les chefs d’accusation incluent, entre autres, “formation d’une organisation terroriste”, “fourniture d’armes et d’explosifs”, “attentat ayant pour but de changer la forme du gouvernement”, ou encore “commission d’une offense contre le Président de la république”.
Certain·es des accusé·es voient leurs biens personnels saisis, notamment leurs téléphones portables, des carnets de notes et documents, ou encore des cartes de stockage. Des extraits de conversations Whatsapp et Signal sont également utilisés lors des interrogatoires, et ce, en dépit du caractère illégal de ces pratiques.
Sur la douzaine de détenu·es, seul·es Chaima Issa, Lazher Akremi et Noureddine Boutar, - ce dernier sous condition de paiement d’une caution d’un million de dinars - ont été libéré·es.
Les infographies suivantes présentent cinq des accusés ainsi que les faits et les preuves utilisées pour les accuser.
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Une deuxième vague d’arrestations touche cette fois plusieurs membres et cadres du parti Ennahdha, dont son leader Rached Ghannouchi, et d’autres membres tels que Sahbi Atig, Ali Laarayedh et Habib Ellouze. Les motifs des arrestations sont multiples et incluent des motifs tels que “apologie du terrorisme” et “blanchiement d’argent”.
D'après les déclarations de plusieurs proches et avocat·es des personnes arrêtées, les perquisitions ont été menées tôt le matin ou tard le soir par un nombre important de forces de police. À plusieurs reprises, certain·es accusé·es se voient refuser la présence de leur avocat pendant la garde à vue, comme cela fut le cas en mars 2023 pour Mohamed Fourati, cadre d’Ennahdha, dont la situation a été dénoncée par l’avocate Ines Harrath.
Lors d’une visite à Jbel Jloud en février 2023, Kaïs Saïed bafoue leur présomption d’innocence en affirmant que “ceux qui osent acquitter” ceux qu’il qualifie de “réseaux criminels sont leurs “complice”.
Dans un communiqué publié par Amnesty International, l’organisation estime que cette déclaration “contribue à créer un climat d’intimidation pour la magistrature”, et ce, suite à la révocation de 57 juges par Kaïs Saïed en juin 2022, qui ne fait que s’ajouter aux multiples attaques de Kaïs Saïed contre la justice depuis deux ans.
“L’État en lui-même, ses institutions et tous les secteurs de la société ont été cassés de façon systématique”, commente Mouhieddine Cherbib, défenseur des droits humains et président du Comité des droits de l’homme et des libertés en Tunisie (CRDHLT).
Des conditions assimilables à de la torture
Khayem Turki, Kamel Letaief, Issam Chebbi, Jawher Ben Mbarek et d’autres, sont derrière les verrous. Les avocat·es de la défense ont vivement critiqué les conditions de détention des accusé·es dans l’affaire du complot, soulignant l'utilisation de caméras de surveillance 24 heures sur 24 pour surveiller les détenu·es ainsi que les conditions de leur transport, qu'ils ont qualifié de traitement assimilable “à de la torture”, rapporte l'avocate Islem Hamza.
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Pour protester contre son arrestation et ses conditions de détention, Sahbi Atig, cadre au sein du parti Ennahdha, a entamé une grève de la faim le 12 mai, quelques jours après son arrestation. Ces semaines de privation ont fortement détérioré son état de santé, faisant craindre le pire pour ses proches. Ni le pouvoir ni la justice n'ont pris de mesures pour protéger Sahbi Atig, qui a finalement suspendu sa grève le 10 juillet.
D'autres prisonniers politiques, à l’instar de Habib Ellouze et Jawher Ben Mbarek, développent des problèmes de santé en détention. Selon Ines Harrath, venue visiter Ellouze en détention, le cadre aurait présenté des “symptômes effrayants, tels qu'un engourdissement au bras et à la jambe d'un côté”.
Jawher Ben Mbarek quant à lui, manifestait des symptômes d’un “accident vasculaire cérébral”. Islem Hamza, à l’origine de la publication Facebook concernant l’état de santé de Ben Mbarek, et le Comité de défense des détenus politiques dénoncent “le retard délibéré de l'administration pénitentiaire dans l'intervention sanitaire malgré la sonnerie d'une cloche”.
“Ce grave incident est considéré comme une preuve concluante de la fausseté des affirmations de l'administration que la caméra de surveillance installée dans les salles de détention des prisonniers politiques ‘a été placée pour les protéger d'éventuelles agressions et pour leur apporter une aide urgente en cas d'urgence médicale’”.
Des affaires politiques
Le soir même de la manifestation devant les grilles de la Cour d’appel de Tunis, d’autres regroupements devant les prisons de la Manouba et d’El Mornaguia s’organisent. Sous les drapeaux tunisiens, les chants résonnent. Leurs proches réservent un accueil bruyant à Chaima Issa et Lazher Akremi, qui viennent d’être libéré·es.
Mais ce n’est qu’une victoire en demi-teinte. Malgré leur libération, il et elle n’ont pas le droit d’apparaître en public et de quitter le territoire tunisien.
De plus, les autres personnes poursuivies pour exactement les mêmes faits, restent en détention alors qu’elles sont poursuivies pour les mêmes raisons. “Pour Lazher Akremi, il y avait un vice de procédure dans son mandat de dépôt. Mais tous les dossiers sont identiques, c’est du copier-coller. C’est pour cela qu’ils sont libérés au compte-goutte. Ce sont des décisions politiques, plus que judiciaires”, commente l’avocate Dalila Ben Mbarek Msaddek.
“Il y a cependant une volonté de se dessaisir de l’affaire du complot. Il semble que le pouvoir veuille les libérer, mais ne sache pas comment faire sans se décrédibiliser”.
Elle ajoute que c’est pour cette raison que “les décisions d’interdiction du traitement médiatique de l’affaire du complot et les interdictions d’apparition en public ont été prises”.
L’affaire des 17 est ainsi emblématique, compte tenu de l’opacité des instructions et la gravité des peines encourues. Mais l’affaire du complot n’est pas le seul dossier à avoir fait des victimes de façon arbitraire. Depuis le 25 juillet 2021, de nombreuses autres actions en justice ont été engagées, contre des membres de partis de l’opposition, des syndicalistes, des membres de l’appareil judiciaire lui-même etc.
Les infographies suivantes présentent cinq personnes poursuivies par la justice tunisienne pour divers motifs.
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Soulèvements pacifiques et violences policières
Malgré ce contexte, les mouvements de revendication et les activistes ne se découragent pas. D’après le r apport sur les mouvements sociaux, suicides, violences et migrations datant de mai 2023 du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), “le nombre de mouvements de protestation a enregistré une augmentation de 45% par rapport aux mois de mai et avril 2022 [...] et sont liées à des mouvements sociaux avec des revendications bien connues, traditionnelles et accumulées depuis des années”.
Parmi ces mouvements de protestation, l’on peut citer celle du 14 janvier, date du 12ème anniversaire de la révolution, de la journée de colère des journalistes organisée par le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) du 16 février, la marche anti-raciste du 25 février, ainsi que la démonstration de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) du 4 mars.
Certaines protestations ont entraîné des violences de la part des forces de police. Sortis manifester tous les soirs dans le quartier de Ettadhamen pendant une semaine pour réclamer justice après la mort en octobre 2022 de Malek Sellimi, 24 ans, une trentaine de jeunes ont été arrêtés par le ministère de l’Intérieur. Avant de tomber dans le coma, Malek avait témoigné des maltraitances policières qu’il a subi.
Plusieurs violences policières sont régulièrement recensées depuis la dernière décennie. Mais sous le règne de Kaïs Saïed, ces violences se seraient aggravées d’après l’organisation I Watch .
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Les libertés de la presse et d’expression réprimées
Depuis le 25 juillet 2021, les libertés de la presse et d'expression en Tunisie, autrefois considérées comme des acquis de la révolution, connaissent un recul marqué. L'exécutif a intensifié ses poursuites à l'encontre des journalistes, témoignant ainsi d'une pression grandissante visant à museler les médias et les professionnel·les de l'information.
Le 13 février dernier, Noureddine Boutar, directeur de Mosaïque FM, impliqué dans “l’affaire des 17”, a été arrêté et sa résidence a été perquisitionnée par les services de sécurité. Face à cette situation, Mosaïque FM a exprimé sa "stupéfaction" et dénoncé fermement les intimidations, les arrestations et la campagne de diabolisation et de stigmatisation dirigée contre la station et son équipe, dans un communiqué du 14 février.
Le représentant de Reporters Sans Frontières (RSF) en Afrique du Nord, Khaled Drareni, a réagi en déclarant que “l'arrestation de Noureddine Boutar envoie un message violent aux médias et vise à terroriser et soumettre les journalistes, rappelant les heures sombres de la dictature de Ben Ali”.
L'avocate Dalila Ben Mbarek Msaddek, dans une interview accordée à Express FM, a révélé que Noureddine Boutar a été interrogé sur divers aspects de la radio, dont la ligne éditoriale, le choix des chroniqueurs, la direction, les finances et ses parts dans la station. Boutar sera finalement libéré plus de trois mois après, le 24 mai.
Lors de l’organisation du référendum du 25 juillet 2022, le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a enregistré 42 cas d’interdiction de travail et les agressions physiques contre les journalistes sont au nombre de 29, dont 14 commises par les forces de sécurité.
Sur une période allant d’octobre 2021 à octobre 2022, l’organisation a également répertorié 30 cas d’incitation à la haine et à la violence par des représentant·es du gouvernement, des hommes et femmes politiques, la Présidence, et les partisan·es du Président.
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Interrogé au sujet des retombées en matière d’investissement espérées lors du sommet de la francophonie par un journaliste de Mosaïque FM, Kaïs Saïed a saisi l'occasion pour attaquer la radio et accuser les médias de diffamation, les invitant à se concentrer avant tout sur "la liberté de penser".
Outre les dispositions du Code pénal et de la loi anti-terroriste, les journalistes et les opposant·es font également face à une répression supplémentaire en vertu du décret 54.
Présenté comme un outil de lutte contre la propagation des fausses informations, ce décret facilite en réalité la censure des critiques à l'encontre du régime. Il devient ainsi un moyen supplémentaire pour restreindre la liberté d'expression et faire taire les voix dissidentes. Sur la base de ce décret, au moins “une vingtaine de procès contre des journalistes” sont en cours, selon le président du SNJT, Mahdi Jlassi.
Les infographies suivantes présentent cinq des personnes poursuivies en vertu du décret 54 ainsi que les motifs de plainte et les plaignants.
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L’État se base notamment sur l’article 24 pour poursuivre les voix de l’opposition, et cela, grâce aux définitions floues et vagues de termes comme “fausses informations” et “rumeurs”. L’article 9 inquiète d’autant plus qu’un précédent juridique a suscité l’indignation il y a quelques mois. En effet, après avoir été condamné une première fois à un an de prison pour avoir refusé de divulguer ses sources, le journaliste Khalifa Guesmi a vu sa peine allongée à cinq ans en cour d’appel. Guesmi était accusé de “divulgation d’informations”.
Un grand nombre d’organisations et d’associations à l’échelle locale et internationale appellent à son abrogation, qualifiant ce décret de “liberticide”.
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L’interdiction de quitter le territoire, un outil de répression
La privation de la liberté de circulation constitue également une menace pour des milliers de Tunisien·nes. Bien que ces mesures de contrôle administratif étaient déjà répandues, leur utilisation à l'encontre de personnalités politiques, parmi lesquelles d'ancien·nes ministres et député·es est désormais monnaie courante. En août 2021, Amnesty International recensait déjà une cinquantaine de cas d’interdictions de voyager. Opposant·es, chef·fes d’entreprises, juges…
À titre d’exemple, Saïda Ounissi, ancienne députée du parlement dissous et membre du parti Ennahdha, a indiqué en juin 2022 que des agents de la police aux frontières l’avait empêchée de se rendre à l’étranger à plusieurs occasions, sans donner d’explication ou de montrer de décisions de justice.
Les témoignages de l’avocate Ines Harrath, de l’ancien président de l’Instance Supérieure Indépendante pour les Élections (ISIE) Nabil Baffoun ainsi que de Ayachi Zammel, ancien député, sont d’autres exemples de ces restrictions de libertés.
Ces décisions sont en violation avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), dont la Tunisie est signataire. De plus, conformément à la loi n° 75-40 du 14 mai 1975, qui encadre la délivrance de documents de voyage, les autorités judiciaires ont l'exclusivité pour octroyer une interdiction de voyager. La législation prévoit également l'obligation de communiquer clairement les motifs de cette interdiction aux personnes concernées, en leur permettant d'être rapidement informées de cette décision et en leur accordant le droit de la contester.
L’outil législatif est également utilisé contre la société civile, qui subit une campagne de dénigrement et une répression de plus en plus exacerbée. La liberté d’association s’est ainsi retrouvée menacée par le projet de réforme du décret-loi n° 2011-88 du 24 septembre 2011 - portant sur l’organisation des associations -. L’objectif de cette réforme était de contrôler la création d’une association, la conditionnant à l’intervention de l’administration, ainsi que d’interdire les aides et dons étrangers sans l’autorisation de la Commission tunisienne d’analyses financières.
Pour l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), le projet “semble témoigner d’une volonté des autorités tunisiennes de se doter d’outils juridiques pour contrôler et éventuellement museler la société civile”.
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Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'Homme a également exprimé sa profonde préoccupation et publié un communiqué au sujet de l'aggravation de la répression à l'encontre des opposants politiques et de la société civile en Tunisie. En guise de réponse, Nabil Ammar, ministre des Affaires étrangères, de l'Immigration et des Tunisiens à l'étranger, a exprimé son rejet total de cette déclaration et affirme que le Haut-Commissariat aurait dû “dû diligenter une enquête approfondie sur la véracité et l'objectivité de ses positions avant de les rendre publiques”.
Ammar insiste également sur l'importance de s'abstenir de toute “ingérence” dans les affaires intérieures du pays et de ne pas influencer le cours de son système judiciaire.
Le 5 juin 2023, pendant la 53ème session du Conseil des droits de l'homme, quatre organisations de défense des droits humains ont appelé ce dernier à agir de toute urgence face à la détérioration de la situation des droits humains en Tunisie.
Human Rights Watch, l'une des organisations signataires, demande spécifiquement au Conseil de presser la Tunisie de mettre fin à la répression de la contestation pacifique et de la liberté d'expression. De plus, l'organisation demande la libération et l'abandon des poursuites contre toutes les personnes détenues et poursuivies uniquement en raison de leurs activités politiques pacifiques et de l'exercice de leurs droits fondamentaux.
Deux ans après le coup d’État, “c’est un bilan catastrophe” pour Mouhieddine Cherbib. Il ajoute que “tous les idéaux de la démocratie ont été détruits”. L’activiste insiste sur les questions sociales, qu’il juge “primordiales”.
Des discours racistes aux déportations dans le désert
Ce n’est pas la première fois que la Tunisie est épinglée à l’échelle internationale. La gestion de Kaïs Saïed des enjeux migratoires a été marqué par un virage xénophobe en février 2023. Accusant les migrant·es subsaharien·nes en Tunisie d’un projet de complot visant à “visant à modifier la composition démographique du pays”. “Kaïs Saïed a mis le feu aux poudres”, résume Cherbib.
Cette prise de parole, qui a succédé à une campagne raciste active sur les réseaux sociaux, a entraîné un déferlement de haine contre les Subsaharien·nes. Expulsé·es, licencié·es, violenté·es… Amnesty international dénombre pas moins de 840 victimes de ces violences, et une augmentation des cas de détention arbitraire au centre de Ouardia a également été constatée.
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Plus récemment, en juillet 2023, dans la ville de Sfax, point de départ des migrations vers l’Europe, des migrant·es sub-saharien·nes ont été chassé·es, violenté·es et déporté·es dans le désert par les autorités. Depuis quelques jours, des vidéos de cadavres de migrant·es dans le désert sont publiées tous les jours, suscitant l’indignation.
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Les autorités ont également été fortement critiquées dans la ville de Zarzis, connue pour être une zone de départs importants vers l’Europe. Plusieurs mouvements sociaux ont eu lieu après le naufrage de 17 migrant·es tunisien·nes en Méditerranée le 21 septembre 2022. Le 18 octobre, l’UGTT appelle à une grève générale pour réclamer justice et vérité pour les naufragé·es du “drame de Zarzis”.
Quasiment un mois plus tard, le 19 novembre, alors que Djerba accueille le 18ème sommet de la Francophonie, une marche pacifique réclamant la vérité sur ce même drame, est réprimée par les forces sécuritaires présentes sur place. Les forces de l’ordre dispersent les manifestant·es à coups de gaz lacrymogènes et ont fait preuve de “répression sécuritaire” selon 28 associations.
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Cet événement cristallise de nombreux enjeux autour des décès en Méditerranée et de la question migratoire en général. D’après le FTDES, le nombre de mort·es et de disparu·es sur les côtes tunisiennes a atteint 608 depuis le début de l'année, “reflétant la persistance de la crise humanitaire le long des côtes tunisiennes”. Au 30 juin 2023, les gardes-côtes tunisiens ont intercepté 32.792 migrants.
La question migratoire est au cœur des pourparlers entre Kaïs Saïed et l’Europe. Récemment, les autorités tunisiennes ont conclu un accord avec l’Union européenne après des semaines de négociations. Dimanche 16 juillet, Kaïs Saïed s’est finalement entendu avec Ursula von Der Leyen, Mark Rutte et Giorgia Meloni.
Dans le cadre de ce mémorandum - signé dans l’opacité la plus complète, sans même l’organisation d’une conférence de presse - une somme de 105 millions d'euros sera allouée en vue de contrer les activités des passeurs, renforcer la gestion des frontières et accélérer le rapatriement des demandeurs d'asile déboutés.
Les autorités tunisiennes recevront ce financement sous forme de bateaux de recherche et de sauvetage, de véhicules, de radars, de drones et d'autres équipements de patrouille.
“Kaïs Saïed a signé un accord avec une fasciste [ndlr : Giorgia Meloni] ! C’est un drame pour toutes les personnes qui ont un désir d’émigration”, dénonce Cherbib.
Sous le règne de Kaïs Saïed, les droits humains continuent ainsi à être bafoués et sont de plus en plus menacés. À coup de décrets-loi, de projets de réforme et d’instrumentalisation de la justice, les deux dernières années du mandat du président ont consacré un recul important des libertés en Tunisie.