Dès qu'elle a été annoncée, la consultation E-Istichara a été présentée comme un champ ouvert aux citoyen·nes pour leur permettre de présenter leurs opinions sur six axes :
Les affaires politiques, l'économie, les affaires sociales, l'éducation et la culture, le développement durable, et la qualité de vie.
Depuis, aucune explication ou clarification de la méthodologie de cette consultation n'a été fournie.
En apparence, la consultation cible tous les citoyen·nes âgé·es de plus de 16 ans. Méthodologiquement, il est nécessaire de tenir compte de la représentation des groupes constituant la société pour pouvoir en tirer des conclusions. Si l'on s'intéresse aux formes possibles d'étude des orientations et opinions de la société, il est convenu que l'étude des tendances d'opinion et les sondages reposent principalement sur des questions fermées permettant des résultats quantitatifs. Ces résultats supposent l'identification d'un échantillon représentatif à travers lequel tous les segments et catégories de répondant·es sont représenté·es.
Dans cette consultation électronique, cette méthodologie n'a pas été retenue étant donné que les participant·es ne constituent pas un échantillon représentatif, que ce soit au niveau des groupes sociaux, du genre, ou au niveau de la répartition géographique.
Les chiffres montrent que la participation générale à la consultation nationale - pourtant présentée comme une opportunité de consulter l'ensemble du peuple - n'est pas représentative : elle ne compte que 534.915 participant·es, soit à peine 4,4% du nombre total de Tunisien·nes.
Les premières semaines, la consultation démarre modestement jusqu'à atteindre 16.000 inscriptions le 21 janvier. Mais à peine cinq jours plus tard, le nombre d'inscrit·es passe à moins de 1500. Le lendemain, le président de la République, Kaïs Saied apparaît à la télévision pour communiquer quelques chiffres sur les taux de participation.
Durant plusieurs mois, la participation reste faible et stagne. Pour justifier ces chiffres, la présidence publie un communiqué le 22 février. Pour justifier ce désintérêt, la présidence explique que les citoyen·nes seraient exposés à des difficultés à cause de choix techniques et que la consultation serait sabotée par celles et ceux qui cherchent à museler et faire avorter cette première expérience en Tunisie.
Cependant, cette faiblesse a continué au cours des semaines suivantes malgré cette communication et la rencontre entre le Président de la République et Nizar Bennaji, le ministre des Technologies de la Communication à la même date, qui visait à trouver des moyens de faire réussir cette consultation.
Sur 534.915 inscriptions, 168.705 femmes ont participé, soit à peine plus de 30% des inscrit·es. Ce chiffre est très faible, compte tenu du fait que la proportion de femmes et d’hommes dans la société tunisienne est presque égale ( 51,2% femmes et 48,8% hommes), tandis que les hommes représentent 68,5% du total des participant·es à la consultation.
Cette grande différence se traduit inévitablement par des résultats non représentatifs ou, au mieux, insatisfaisants, compte tenu de l'absence d'une représentation proportionnelle des deux sexes.
Infographie 1 : Répartition de la population tunisienne selon le sexe.
Infographie 2 : Répartition des participant·es à la consultation nationale selon le sexe.
Durant toute la durée de la consultation, le nombre d'inscrit·es par jour n'a généralement pas dépassé la trentaine par heure en moyenne. Certaines plages horaires affichent moins d'une inscription car les données prennent en compte même les heures où personne ne s'est inscrit. Il est à noter que les dimanches entre 11h et 13h comptent plus de 70 inscriptions par heure en moyenne, ce qui en fait la plage horaire la plus fréquentée.
Vers la fin de la consultation, la cadence d'inscription a beaucoup augmenté, et ce pour tous les jours de la semaine, en particulier entre 10h et 17h. Un pic a par exemple été atteint le dernier jeudi de la consultation entre 11h et 12h. Outre l'approche de l'échéance du 20 mars, l'annonce de l'accès gratuit à Internet à compter du 7 mars a pu contribuer à cette augmentation. Cependant, cette interprétation reste à confirmer, sachant que la plupart des régions bénéficient d'une couverture 3G qui dépasse les 90% et atteint même les 100% dans certains gouvernorats.
La consultation a porté sur la tranche d'âge des 16 ans et plus, qui a été divisée en six groupes. Rapporté à l'ensemble des participant·es, la catégorie des 30-39 ans a enregistré le plus fort taux de participation avec 25%. Le groupe d'âge suivant arrivant en deuxième position, à savoir les 40-49 ans avec environ 23%. Enfin, la participation des 20-29 ans n'a pas excédé les 17%.
La répartition géographique de la participation à la consultation place Siliana en tête avec un taux de 14,5%, suivie du Kef et de Béja avec respectivement à peu près 11% et 10%. Tandis que les taux de participation les plus bas sont enregistrés à Médenine, Bizerte et Nabeul avec respectivement 3,58%, 4,03% et 4,13%.
Les taux de participation dans les régions ont donc varié entre 3,58% et 14,55%, et malgré l'augmentation rapide du nombre des participant·es au cours des deux dernières semaines de la consultation, ces chiffres sont restés faibles dans toutes les régions.
Toutes les données présentées précédemment, en tenant compte en plus de l'absence de méthodologie et de l'idée de participation citoyenne effective, nous amènent à conclure qu'il n'est pas possible de parler de représentativité qui reflèterait un réel poids populaire de cette consultation. Elle ne présente ainsi pas une idée claire des priorités des citoyen·nes et n'est qu'un prétexte utilisé par le Président pour poser les bases d'un système conçu avant même le lancement de cette consultation.