Idem pour le précédent gouvernement de Hichem Mechichi. Depuis le 25 juillet - date à laquelle le Président Kaïs Saied a limogé le gouvernement, gelé les activités du Parlement et s’est arrogé le pouvoir exécutif - , les discussions avec le FMI au sujet des réformes/conditions économiques ont été suspendues.
Les visions de Kaïs Saied et du FMI s’opposent radicalement en ce qui concerne l’austérité. Le premier aspire à rationaliser les importations et limiter les privilèges accordés aux hauts fonctionnaires tandis que le FMI conditionne le financement de la Tunisie par la compression des dépenses publiques, notamment celles orientées vers les subventions et les salaires.
Or, au vu du déficit de plus de 9 milliards prévu par la loi de finances rectificative pour l’année 2021, les décideur·euses s’accordent à dire que la situation financière actuelle impose un recours inéluctable à l’endettement pour combler ledit déficit.
De ce fait, les conditions posées par le FMI constituent un véritable défi à relever par le gouvernement actuel, entre son besoin d'emprunter et sa capacité à se conformer à ces conditions, compte tenu des impacts socio-économiques que de telles mesures impliquent pour les classes à faible revenu.
Un ralentissement économique sans précédent
L'économie tunisienne a subi une contraction du PIB réel de 9,2% en 2020, avec un rebond du taux de chômage à 16,2% fin septembre 2020, d’après un communiqué publié par le FMI fin février 2021.
L’organisation confirme également l’aggravation des fragilités socio-économiques en Tunisie et déclare que ses administrateur·trices s’attendent à ce que la situation continue à évoluer négativement et ce, en dépit des prévisions de reprise de la croissance de manière modeste en 2021.
Bien que le Fonds souligne l’exacerbation des fragilités sociales en Tunisie, ses recommandations visant à réduire le déficit budgétaire mettent l’accent sur la nécessité d’alléger la masse salariale et de limiter les subventions énergétiques tout en accordant la priorité aux dépenses allouées à la santé publique, à l’investissement ainsi qu’à la préservation des dépenses sociales ciblées.
Par ailleurs, ses administrateurs notent qu’il est probable que la dette publique de la Tunisie atteigne un niveau insoutenable, c'est-à-dire qu’il serait ”impossible à la Tunisie d’honorer ses engagements à moins que ne soit adopté un programme de réforme solide, crédible et bénéficiant d’un large soutien”.
Le Fonds appelle également le gouvernement tunisien à adopter un système fiscal plus équitable et plus propice à la croissance. Ainsi, le FMI conditionne l'approbation du prêt à la Tunisie par la mise en œuvre de l’intégralité de cet agenda et ce, outre l’adoption d’un plan visant à réduire ce qu'ils considèrent comme “les risques budgétaires et financiers des entreprises publiques qui sont dès lors appelées à renforcer leur gouvernance et à améliorer leur information financière et leur transparence”, selon les termes du communiqué.
Comparaison entre la dette du FMI et le stock de la dette extérieure
Source : Encours de la dette extérieure, Banque mondiale
Quelle attitude le gouvernement Bouden adopte-t-il face aux exigences du FMI ?
Inkyfada a appris qu'un comité composé de la Banque centrale et de plusieurs ministères, dont ceux des Finances, des Affaires étrangères et de l'Economie et de la planification, tient actuellement une série de réunions en vue d’élaborer le plan qui fera l’objet de négociations avec le FMI. Les discussions s'articulent autour d'une dizaine d'axes qui ont trait à la masse salariale, aux subventions, à la restructuration et à la digitalisation des entreprises publiques.
En même temps que l’annonce du programme “intégré”, la Cheffe du gouvernement Najla Bouden a également affirmé que le gouvernement s’emploie actuellement à mettre en place un environnement propice à l’adaptation du cadre législatif et réglementaire relatif à l’entrepreneuriat dans le but de simplifier les démarches administratives et d’accélérer le rythme de suppression des autorisations administratives qui entravent l’investissement.
Le volet de la digitalisation des établissements occupe une place de choix dans le nouveau plan officiel. Bouden a indiqué dans la même déclaration que le gouvernement œuvre actuellement à réformer l'administration sur l’organisation, les méthodes de travail et l’usage des technologies numériques.
La Cheffe du gouvernement a également parlé du lancement, des “réformes nécessaires” à mettre en œuvre. Ces dernières, qui concernent la fonction publique, comprendront la mise en place de mécanismes de gestion par objectifs des ressources financières et humaines ainsi que l'amélioration de la performance et de la gouvernance des entreprises publiques.
Comment le gouvernement précédent a-t-il traité avec le FMI ?
Etant donné que le gouvernement a pris sur lui l’élaboration d’un nouveau plan conforme aux exigences du FMI, le programme du gouvernement précédent - soit celui de Mechichi - est désormais caduc. Mais il fournit néamoins des informations sur la ligne directrice du FMI en matière de financement des gouvernements. Elle s'appuie sur des règles que ses administrateurs considèrent comme des “réformes économiques susceptibles de garantir la soutenabilité de la dette”. La réaction du gouvernement Méchichi aux exigences du Fonds visait, en effet, à modifier certaines orientations clés des politiques socio-économiques de l'Etat selon un programme qui s’articule autour de 5 axes majeurs.
Le premier axe du plan du gouvernement précédent a trait à la libération de l’économie des pratiques anticoncurrentielles et à l’amélioration du climat des affaires. À cet effet, le gouvernement avait préconisé de supprimer les autorisations, de simplifier les démarches administratives, de digitaliser les différents processus auxquels font face les investisseurs dans leur parcours et de généraliser les transactions électroniques à toutes les étapes. Il s'est également engagé à simplifier la gouvernance publique de l’investissement et à optimiser le rendement des agences publiques à travers la révision du rôle des institutions existantes.
Face aux réformes proposées par le gouvernement précédent, un collectif de des membres de la société civile tels que Al Bawsala, Oxfam et Avocats Sans Frontières a lancé la campagne “Yezzi ma Rhantouna”
“Le gouvernement précédent n'a procédé à aucune évaluation critique du schéma de développement économique du pays et de ses fondements érodés, à l'exception d'une référence timide au régime des autorisations. En revanche, il a plutôt fait l'éloge de la disponibilité d’une main-d’œuvre tunisienne qualifiée tout en considérant son coût compétitif comme un avantage dans le cadre du “nivellement par le bas”, en négligeant le fait que cette compétitivité ne peut constituer à elle seule une solution. Pire encore, l’éloge de cette situation est révélateur de l'absence totale des droits socio-économiques et de l’intention d'améliorer les conditions de vie des citoyen.nes des priorités du gouvernement”, fait valoir le groupe.
Le gouvernement s’est, à cet effet, dit prêt à favoriser une fiscalité susceptible de stimuler l’investissement privé et de garantir une meilleure visibilité aux opérateurs économiques à moyen et long terme, tout en s’assurant de passer à un système fiscal plus efficient à même d’élargir l’assiette fiscale grâce à une série de mesures.
“Le plan envisage une amnistie des pénalités fiscales et de recouvrement avec le paiement de 20% du montant de redressement”, décrit Amine Bouzaiène, expert en fiscalité et militant au sein de l’association Al Bawsala . D’après lui, cette démarche perpétue la tradition législative adoptée depuis l'ère de Ben Ali qui consiste à multiplier les amnisties alors qu'aucune de ces mesures n'a fait l'objet d'une étude préalable ou d'une évaluation ultérieure pour en déterminer les effets.
Par ailleurs, le troisième axe repose sur la refonte de la politique de subvention et des mécanismes de compensation étant donné que la Caisse Générale de Compensation “grève le budget de l’Etat de manière de plus en plus marquée”. Le champ de la réforme annoncée précédemment couvrira les produits alimentaires de base et le gaz de pétrole liquéfié (GPL) pour être étendu à l’électricité et au gaz liquide dans un second temps.
Cette réforme prévoit la levée de la subvention sur une période de deux ans selon quatre vagues d’ajustement des prix. À chaque fois, le montant du transfert en cash sera réévalué, avec pour objectif cible de parvenir à zéro subvention et de passer aux “prix réels” d’ici 2024 et de remplacer l’ancien système de subvention des prix par un cash transfert pour les ménages.
Le quatrième axe vise à remobiliser la fonction publique et à optimiser son rendement. Les auteur·trices du plan ont préconisé plusieurs pistes basées essentiellement sur le passage de la gestion des ressources humaines à la gestion des compétences. Dans la même lignée, Bouden avait justement évoqué la mise en place de mécanismes de gestion par objectifs des ressources financières et humaines. Il était également prévu de négocier d'autres mesures qui favoriseraient la réduction du nombre des fonctionnaires et, par conséquent, l’allègement de la masse salariale.
De son côté, le Secrétaire Général de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), Noureddine Taboubi, a précisé quelques jours plus tard que le gouvernement Bouden prévoit en effet la réduction de la masse salariale dans la fonction publique de 10 % et le gel des salaires pendant les cinq prochaines années.
Il envisage également la levée des subventions sur les produits de base en plus de la cession de certaines entreprises du secteur public. Ce qui démontre que le gouvernement actuel est, à l’instar de son prédécesseur, sur la voie d’obtempérer aux exigences du Fonds.
Quant au cinquième axe du plan du gouvernement Méchichi, il repose sur l'implémentation de réformes radicales au niveau des entreprises et établissements publics et la refonte de leur mode de gouvernance.
Des réformes économiques versus une pression accrue sur les plus vulnérables
Alors que très peu d’informations ont filtré sur les détails du plan du gouvernement actuel, inkyfada a tenté de contacter le ministère des Finances à maintes reprises sans obtenir la moindre réponse. Ce qui nous amène à revenir sur le plan du gouvernement précédent qui avait également impliqué la Banque Centrale, partie prenante dans les négociations en cours.
Le plan du gouvernement Mechichi avait été élaboré en réponse aux cinq conditions essentielles du Fonds. Celles-ci se basent sur la libération de l’économie des pratiques anticoncurrentielles et l’amélioration du climat des affaires ; la réduction de la masse salariale et la restructuration ou la privatisation des entreprises publiques en état de faillite, conjuguées à l'adoption d'une politique fiscale compétitive, en plus du consensus de l’ensemble des parties prenantes sociales, ce qui implique la nécessité de l'approbation de la Centrale patronale (UTICA) et de l’UGTT.
Ce dernier point constitue une nouvelle condition et il y a lieu de penser que son absence a été l’une des principales raisons pour laquelle la Tunisie n'avait pas précédemment mis en œuvre les réformes économiques qui s’imposent sous le gouvernement Youssef Chahed.
En ce qui concerne la libéralisation économique et l'amélioration du climat des affaires, Amine Bouzaiène estime que les plans approuvés par le Fonds profitent le plus souvent aux riches au détriment des franges sociales les plus déshéritées.
Il explique à cet égard que “le gouvernement précédent avait suggéré la suppression du taux de l’impôt sur les sociétés de 35 % applicable notamment sur le revenu des sociétés opérant dans les secteurs de rente (Banques, sociétés d’assurance, télécommunications et industries extractives) et l'adoption des taux de 10% et 15%. Cela renforce l’idée que les réformes préconisées ont été taillées sur mesure pour servir les intérêts des grandes entreprises et des plus riches. Il est à noter que ces mêmes réformes visent en même temps à accroître la pression fiscale sur les ménages, notamment à travers la taxe sur la valeur ajoutée (TVA)”.
Recettes fiscales entre 2010 et 2020
Alors qu’il est attendu que les options économiques du gouvernement soient traduites dans le cadre de la loi de finances pour l’année 2022, le projet de loi n'a pas fait l'objet d'un débat public du fait du gel des activités du Parlement. Cela va à l’encontre de la Constitution qui indique que l’adoption de la loi de finances pour l'année suivante doit intervenir le 10 décembre au plus tard.
Outre la révision des dispositions fiscales qui sera précisée par la loi de finances pour l’année 2022, le FMI exhorte le gouvernement tunisien à réduire la masse salariale dans la fonction publique de 17,4 % à 15 % du PIB d'ici 2022. À cet égard, Seif Ben Tili de l’organisation Oxfam déclare qu’une " telle réduction est trop importante dans un laps de temps court”.
“La plupart de ces mesures sont en réalité des tactiques visant à imposer des emplois précaires d'autant plus que le secteur privé a échoué jusqu'à présent à créer des emplois décents et stables”, précise-t-il.
“Cela précipitera les fonctionnaires, victimes de “mesures innovantes visant à réduire la masse salariale” dans la précarité, avec tout ce que cela implique quant à l’exacerbation des impacts sociaux consécutifs à de nouvelles vagues, de crises sanitaires et d’autres problématiques auxquelles la Tunisie pourrait faire face à l'avenir”, renchérit-t-il.
Cette problématique concerne aussi la subordination du financement de la Tunisie par le Fonds à la révision de la politique de subvention des produits alimentaires et des hydrocarbures. “S”il est vrai que les subventions énergétiques devraient diminuer, étant donné qu'une grande partie de ces subventions profite aux grandes entreprises et aux familles fortunées, il n’en demeure pas moins vrai que leur substitution par une compensation sélective affectera les classes moyennes de manière disproportionnée”, déclare Nabil Abdo, conseiller Senior en politiques auprès du bureau d'Oxfam International à Washington dans une interview accordée à Inkyfada.
“L'adoption d’une telle méthode sélective serait de nature à faire supporter aux classes moyennes une charge financière plus importante pour l'énergie et les denrées alimentaires, ce qui ne manquera pas de grever leur pouvoir d'achat davantage, notamment au vu des autres mesures proposées”, ajoute-t-il.
En outre, Nabil Abdo estime que le gouvernement devrait substituer le système des subventions par un système de protection sociale global, et non pas par une approche caritative ou privilégiée au profit de ceux qui méritent cette protection. Abdo justifie cela par l’étroite corrélation entre le prix des produits de base de celui d’autres produits. Il avance qu’il serait dès lors difficile d’estimer la charge de compensation vu que les prix sont soumis à des variables très erratiques et impactantes telles que les situations monopolistiques et les réseaux de distribution, etc.
Quelle place pour les droits humains dans les négociations ?
Le collectif de la société civile a critiqué la façon dont le FMI a traité avec le gouvernement Mechichi soulignant l’impact du recours à l’endettement extérieur et des engagements financiers internationaux sur le respect des droits humains. Un rapport soumis à l'Assemblée Générale des Nations Unies en juillet 2019 indique que “les institutions financières internationales peuvent être tenues responsables de complicité avec les réformes économiques qui bafouent les droits de la personne”.
"Le gouvernement [ndlr : Mechichi] qui avait soumis un plan de réformes au FMI est celui sous lequel les organisations de la société civile ont constaté une violation des droits de l’Homme. Ces violations prenaient souvent la forme de violences policières contre les manifestants, les jeunes défavorisés et les défenseurs des droits de l’Homme ; soit la même attitude adoptée par le gouvernement actuel qui vient de reprendre les négociations sur fond de répression des manifestations des habitants d’Agareb, de harcèlement des militan.tes et d’étouffement de toute voix contestataire”, déclare Lamine Benghazi, avocat et militant au sein d'Avocats Sans Frontières.
"L'absence de la dimension participative fragilise la structuration de l'Etat de droit en Tunisie. Il est aussi fort probable que la situation des droits de l'Homme se dégrade fortement partout dans le pays tout au long de la mise en œuvre du plan de réformes stipulé dans le futur accord entre la Tunisie et le FMI”, poursuit-il.
La Tunisie et le FMI
L’endettement de la Tunisie auprès du FMI remonte à 1964. Néanmoins, le rythme d’endettement a connu une accélération après 2011 avec deux prêts obtenus en seulement trois ans : en 2013 sous le gouvernement Ali Larayedh qui avait obtenu un prêt de 1,7 milliards de dollars auprès du Fonds. Le deuxième prêt remonte, quant à lui, à 2016 sous le gouvernement Habib Essid. Ce prêt portait à l'époque sur une enveloppe de 2,9 milliards de dollars décaissés, suite à l’approbation du Fonds, sur neuf tirages : le premier d’un montant de 319,5 Millions de dollars en 2016 et les huit tirages restants par tranches semestrielles.
“Hormis la réforme des subventions, aucun objectif ou mesure spécifique n'a été mentionné. Cela prouve que le plan manque de sérieux sur ce point d'autant plus que les réformes visent à comprimer les dépenses publiques et à mettre en place des mesures fiscales susceptibles d’alléger le fardeau pesant sur les riches aux dépens des ménages”, déclare Mehdi Barhoumi de l’organisation International Alert et également membre de "Yezzi Ma Rhantouna".
Barhoumi estime également que “tout plan de réformes qui n'incluerait pas parmi ses objectifs l'amélioration des services publics, notamment la santé et l'éducation, et une augmentation significative des dépenses sociales, ne pourrait constituer un terrain favorable à une reprise économique globale mais ouvrirait, a contrario, la voie à des tensions et à des explosions sociales dans le futur”.
Par ailleurs, il est à noter que la crise mondiale survenue n’a pas été sans répercussion sur l'économie tunisienne qui avait également enregistré une récession sans précédent suite au déclenchement de la pandémie de Covid-19. Par conséquent, le Conseil d'Administration du FMI avait approuvé, en avril 2020, le décaissement de 745 millions de dollars en faveur de la Tunisie au titre de l’instrument de financement rapide (IFR). Ces ressources étaient supposées répondre aux besoins urgents de financement du budget et de la balance des paiements, causés par la pandémie.
Depuis 2011, les agrégats économiques n’ont cessé de se dégrader en dépit des réformes annoncées par les gouvernements successifs. Ainsi, l'encours de la dette publique a quadruplé en 10 ans alors que le taux d’endettement a doublé en passant de 40,7% à 84,3% du PIB entre 2010 et 2020. La part de la dette extérieure du pays s’est, quant à elle, accrue à 55,6% du PIB en 2020.
Évolution de la dette publique entre 1986 et 2021
Cette détérioration continue de la situation économique a conduit à la dégradation de la notation souveraine de la Tunisie de B2 à B3, assortie de perspectives négatives, selon le rapport de l'agence de notation Moody's daté du 23 février 2021. Cette notation a encore été revue à la baisse à Caa1 tout en maintenant des perspectives “négative”, en date du 14 octobre 2021. Selon Moody’s, cette notation reflète l’affaiblissement de la position du pays et les risques accrus quant à sa capacité à honorer ses engagements.
Alors que les chefs des gouvernements successifs attribuent les causes de la crise économique aux troubles sociaux et terroristes, la crise sanitaire Covid-19 est depuis régulièrement utilisée pour justifier la détérioration de la situation économique, alors que même avant cela, les Tunisien·nes manifestaient dans la rue contre la hausse des prix, la propagation de la pauvreté et l’accroissement du taux de chômage, tel qu’il ressort des rapports mensuels du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES).
Un rapport publié par l'organisation Oxfam qui œuvre pour l’équité sociale fait ressortir une contraction de la contribution des entreprises dans le total des recettes fiscales de 37% entre 2010 et 2018 contre une augmentation de la part des ménages de 10% au cours de la même période. Malgré ce constat, la panoplie des réformes proposées persiste à mettre davantage de pression sur les franges sociales les plus modestes.
Par ailleurs, les données relatives à la structure de la dette extérieure, entre 2017 et 2020, montrent un accroissement des parts de la dette multilatérale et bilatérale de 49,8% et 14,3% à 53% et 16,3%, respectivement, contre une régression de la part des prêts sur les marchés financiers internationaux de 35,9% à 30,7% ; ce qui traduit les difficultés croissantes pour l’accès au financement sur ces marchés en raison de la hausse des taux d’intérêt appliqués sur ces prêts à des niveaux excessifs suite aux dégradations successives de la notation souveraine du pays.
En outre, les chiffres montrent que les emprunts extérieurs d’appui budgétaire ont été majoritairement mobilisés auprès de sept bailleurs de fonds internationaux en 2019. À leur tête l'Arabie Saoudite, avec un montant de 1.495 millions de dinars, suivie par l'Union européenne avec une enveloppe de 800 millions de dinars. Il est à signaler qu’à l’heure où les exigences formulées par le FMI sont évoquées, aucune information n’a filtré sur les conditions imposées, par exemple, par l'Arabie Saoudite.
Ceci est probablement dû au fait que le FMI fait partie du système des Nations Unies qui fait que son approbation d’accord de prêts à n'importe quel pays constitue une sorte de feu vert pour les pays donateurs pour fournir, à leur tour, des aides financières. Il apparaît dès lors impératif que le gouvernement actuel passe par le Fonds pour convaincre le reste des bailleurs de fonds internationaux.
Au vu du flou qui continue d’envelopper le plan du gouvernement actuel, les orientations économiques générales ne semblent pas différer de celles adoptées précédemment. Ces dernières étaient restées tributaires de la politique d’endettement dans le but de combler le déficit budgétaire grandissant et des pressions croissantes exercées sur les classes sociales les plus vulnérables. Même dans l’hypothèse où le gouvernement se soumettrait aux diktats du Fonds, rien ne garantit l’approbation de son financement par ce dernier d'autant plus que l’une des conditions explicites exige l’élaboration d’une feuille de route politique clairement définie pour la période à venir.