En 2015, l’affaire des Swissleaks tunisiens, révèle que Samir Abdelli possède un compte en banque à la HSBC Private Bank en Suisse, ouvert en 2006. Au moment où l’affaire avait éclaté, il affirmait ne pas s’en souvenir, son compte était pourtant crédité de 80.000 dollars à l’époque. Il indiquait également que n’étant pas résident en Tunisie, il n’était pas en infraction avec le Code des changes. Finalement il expliquait que le compte était sans doute lié à son activité d’avocat. Quoiqu’il en soit l’homme laissait croire qu’il n’était pas en lien avec la HSBC. Pourtant c’est par le biais de la banque que l’avocat était relié à une société offshore, dont il est devenu actionnaire.
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Faygate Corp : Samir Abdelli actionnaire
Crédit : ICIJ
Faygate corp. est une société enregistrée au Panama, créée en novembre 2006 avec un capital de 10.000 dollars divisés en 100 actions. Elle cessera ses activités en octobre 2014, selon les documents qu’Inkyfada a consultés. Samir Abdelli était alors candidat à la présidence de la République.
A la création de la société, un premier certificat d’actions au porteur est émis, pour l’intégralité des 100 actions. L’émission de ce type d’actions anonymes ne permet même pas à la société de connaître leur détenteur, seul l’intermédiaire financier peut avoir accès à ces informations.
La HSBC Private Bank Suisse avait ensuite pris contact avec Mossack Fonseca pour signifier qu’un client souhaitait acheter deux sociétés, dont Faygate corp. Début 2007, Samir Abdelli devient un des actionnaires de Faygate Corp.
Abdelli associé de Tewfik Bendjedid
En février 2007, un document de la HSBC Private Bank Suisse adressé à Mossack Fonseca demande ainsi l’émission de deux autres certificats d’actions. Un des certificats est établi au nom de Tewfik Bendjedid, domicilié à Alger, avec 60 parts et un autre au nom de Samir Abdelli, domicilié à Gammarth, avec 40 parts. Comme pour l’affaire des Swissleaks, Samir Abdelli déclare qu’il était résident à Dubaï, à l’époque.
Tewfik Bendjedid est le fils de l’ancien chef d’Etat algérien, Chadli Bendjedid. Le très discret homme d’affaires s’est associé avec les frères Fechkeur du groupe Red Med, un groupe spécialisé dans les prestations de services pétroliers dans le Sud algérien. Le groupe possède également une petite compagnie aérienne, Red Star Aviation, spécialisée dans le transport du personnel des compagnies petrolières.
L’homme d’affaires traîne une réputation sulfureuse. Il est cité dans plusieurs affaires dont la plus célèbre est celle des détournements de plusieurs millions de dollars de la Banque Extérieure Algérienne, BEA, dans les années 80-90. Tewfik Bendjedid sortira indemne de cette affaire même si son nom avait été abondamment cité.
Interrogé le 29 mars 2016 dans son cabinet par Inkyfada, sur ses relations avec Tewfik Bendjedid, Samir Abdelli répond simplement qu’il a été son avocat. Quand on lui rappelle la réputation sulfureuse de Bendjedid, Abdelli se contente de dire “qu’il s’agit de vieilles histoires de plus de 20 ans”.
Si Samir Abdelli partage un temps la “propriété” de Faygate avec Tewfik Bendjedid, il se retrouve rapidement avec toutes les actions en sa possession : en octobre 2007, un quatrième certificat d’actions est émis au nom exclusif de Samir Abdelli.
Il apparait clairement que Samir Abdelli est détenteur d’actions dans une société dont le siège est au Panama, tout en étant domicilié en Tunisie et en exerçant ses activités dans un cabinet situé aux Berges du Lac II, à Tunis.
Malgré plusieurs relances pour comprendre l’activité exacte de la société Faygate Corp., l’avocat se contente de répondre qu’il avait agi dans le cadre de son activité professionnelle et ne donne aucune précision.
Shrack Holding, du “prêt-à-porter” pour un montage “haute couture”
On retrouve Samir Abdelli dans des documents concernant une seconde société, Shrack Holding. Créée au mois de mars 2006 avec un capital de 10.000 dollars et 100 actions au porteur, Shrack Holding suit le schéma de Faygate corp., une sorte de société “prête à l’emploi”.
En février 2014, l’avocat envoie de son bureau un fax à la HSBC Private Bank, où il demande le transfert de la gestion de ce qu’il appelle “ma” société Shrack Holding, domiciliée au Panama, à un employé de Bedrock, un bureau d’investissement privé, prestataire de services d’investissement et de conseils.
A peine Samir Abdelli a-t-il pris contact avec la HSBC, qu’un email est envoyé à Mossack Fonseca, signalant le transfert de gestion à Monsieur T. à Bedrock Monaco, un bureau d’investissement présent également à Londres et à Genève.
Le 7 février 2014, un email est également envoyé par un employé de Mossack Fonseca, à l’employé de Bedrock, en charge de Shrack, pour qu’il confirme le changement de gestionnaire.
Une semaine plus tard Monsieur T. le gestionnaire de Shrack écrit pour demander un changement de nom urgent pour la compagnie. Shrack s’appelle maintenant Global Petroleum Management, comme on peut le lire dans les minutes d’une réunion des gestionnaires de la société.
Global Petroleum Management : Dans les méandres des montages financiers
Au regard des documents consultés, Samir Abdelli est avocat pour la société Global Petroleum Management établie au Panama, après que la société a changé de nom.
Mais le montage financier est autrement plus complexe, car à peine deux mois plus tard, le 11 avril 2014, les actions au porteur sont toutes transférées à Metropole Palace Fondation qui devient actionnaire à 100%. Les fondations sont un moyen alternatif permettant de créer des entités écrans. Plus particulièrement au Panama où les fondations sont protégées par des lois strictes de confidentialité. Toute personne qui divulgue des renseignements à leur sujet peut être condamnée à une amende ou emprisonnée.
En juin 2015, dans un email envoyé par une employée de Bedrock Group Monaco, il est demandé à Mossack Fonseca de fournir une résolution “autorisant le client (M. Samir Abdelli) à ouvrir un compte en banque” auprès de la banque Edmond de Rothschild (Bahamas) LTD, avec un droit de signature individuelle.
Samir Abdelli bénéficie alors d’une procuration (“power of attorney”) lui permettant d’agir au nom de la société et de gérer le compte bancaire “jusqu’à ce qu’il soit notifié un changement à la banque”.
Global Petroleum Management et le petrole tunisien.
Retour en Tunisie: En mars 2014, Global Petroleum Management mandate Monsieur T. comme représentant légal pour négocier un accord avec CRESCENT Petroleum Company International Limited, une compagnie pétrolière émiratie, concernant le champs pétrolier Zarat, en Tunisie.
Ce champ appartient à l’ETAP, l’Entreprise publique tunisienne d’activités pétrolières et son permis de recherche est détenu depuis plus d’une vingtaine d’années par le groupe pétrolier international PA Resources, qui opère en grande partie en Afrique du Nord. Le 3 avril 2014, l’Assemblée constituante vient perturber ce statut-quo en refusant un énième renouvellement du permis de recherche. Les députés invoquent un rapport de la Cour des comptes qui avait alors révélé plusieurs irrégularités en ce qui concerne les extensions à répétitions du permis de recherche de PA resources. PA ressource finit par obtenir gain de cause et signe encore avec L’ETAP pour un nouveau plan de développement du champ. La nature des négociations entre Global Petroleum Management et CRESCENT Petroleum Company n’est pas connue.
L’avocat d’affaires, une figure centrale
Lors de notre entretien, Samir Abdelli se voulait charmeur. Sa technique est simple. Comme pour l’affaire Swissleaks, il reçoit cordialement, écoute, ne répond pas vraiment, prétend l’oubli, sourit nerveusement, se frotte les mains, attend que son interlocuteur se lasse et s’en aille et promet de réfléchir.
Puis dans un deuxième temps il reprend contact et demande des précisions. Samir Abdelli pretexte l’oubli et minimise : rien de grave, tout est légal. Dans un email adressé à Inkyfada, l’avocat qui a accepté de répondre à certaines de nos questions précise :
“Les avocats en exercice en Tunisie ou ailleurs (…) et qui agissent au nom et pour le compte de leurs clients et/ou confrères étrangers, sont légalement habilités en ladite qualité à agir en tant que tels et en particulier représenter et assister la clientèle internationale aux quatre coins du monde dans le cadre de leurs activités réelles, légales et pour lesquelles ils sont légalement mandatés”.
Il affirme également ne pas se rappeler des détails, alors même que les activités sont récentes, mais assure que pour toutes ces sociétés il agissait en sa qualité d’avocat d’affaires.
“Je suis amené dans ce cadre à gérer sur le plan juridique certaines activités de mes clients.”
Il explique qu’à la demande de ses clients il peut contacter un confrère dans un de ces pays “pour la création d’une ou plusieurs entreprises. Il fait alors appel à des cabinets de conseils spécialisés qui peuvent faire le nécessaire en ce qui concerne le siège social, les administrateurs, eux-mêmes des avocats ou notaires, et jusqu’au compte bancaire.”
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La frontière entre sa profession et les sociétés qu’il gère semble parfois mince, son statut d’actionnaire d’une de ces sociétés offshore, aujourd’hui dissoute, en témoigne.
Mais l’avocat a trouvé une autre ligne de défense pour justifier l’ouverture de sociétés au Panama :
“Il ne s’agit pas d’évasion fiscale ou de blanchiment d’argent. L’intérêt premier à mes yeux est la facilité avec laquelle on peut créer une entreprise et obtenir dans un temps record (le jour-même) les documents officiels de l’entreprise (registre du commerce, siège social, Board et comptes bancaires). Pour nos clients c’est un argument commercial de taille”.
Pour autant, ce que l’avocat et candidat à l’élection présidentielle de 2014 ne mentionne pas, c’est la complexité des montages et leur caractère opaque concernant les détenteurs d’actifs ou les mouvements de leurs fonds. Cette opacité facilite de fait l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent.