Mise à jour : Revirement officiel et report du départ de la flottille
Le ministère de l’Intérieur tunisien a publié un communiqué qualifiant désormais l’attaque contre l’Alma de « acte prémédité », en annonçant l’ouverture d’enquêtes pour identifier « qui a planifié, qui a comploté et qui a exécuté » l’opération. Cette position marque un tournant net par rapport au premier incident visant le Family, où les autorités avaient parlé d’un simple départ de feu accidentel lié à un gilet de sauvetage et à un mégot de cigarette.
Dans le même temps, les organisateur·rice·s de la flottille Global Sumud ont annoncé le report du départ initialement prévu le 10 septembre à 16h. Ils invoquent des raisons logistiques et météorologiques, précisant que les préparatifs se poursuivent malgré les attaques successives et que la volonté de rejoindre Gaza demeure intacte.
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Cette attaque survient moins de 24 heures après celle qui a visé le Family, navire amiral de la flottille, au large du port de Sidi Bou Saïd. Les autorités tunisiennes avaient alors rejeté la thèse d’une action hostile, évoquant un départ de feu accidentel dans un gilet de sauvetage. Mais elles n’ont, pour l’heure, formulé aucune réaction officielle concernant l’attaque du Alma.
La diffusion de vidéos et les témoignages des passager·ères des deux navires contredisent pourtant la version avancée par Tunis et renforcent la thèse d’attaques coordonnées au drone.
Déroulement des faits
Des vidéos publiées par les organisateur·trices de la flottille, puis relayées sur les réseaux sociaux, montrent le projectile incandescent qui s’est abattu sur le pont de l’Alma, déclenchant un incendie rapidement maîtrisé par l’équipage. Selon les militant·es présent·es à bord, le drone a survolé le navire quelques instants avant de larguer son engin explosif.
Vidéo de l'attaque sur le Alma publiée sur la page Instagram du Global Sumud Flotilla, 9 septembre 2025.
Les restes de l'engin explosif ont été retrouvés sur place, et l’un des composants métalliques porte un numéro de série clairement visible sur les enregistrements.
Vidéo de l'appareil explosif retrouvé sur le Alma, publiée sur la page Instagram du Global Sumud Flotilla, 9 septembre 2025.
La veille, un scénario similaire s’était produit sur le Family, navire amiral de la flottille battant pavillon portugais. Youssef Omar, activiste présent à bord, raconte qu’”un drone a largué un engin explosif, provoquant un incendie partiel à bord”. La militante Yasmine Najjar a confirmé que l’équipage allait bien et qu’aucune victime n’était à déplorer.
Vidéo de l'attaque sur le Family publiée sur la page Instagram du Global Sumud Flotilla, 8 septembre 2025.
D'autres vidéos filmées depuis le Family documentent la chute d’un objet enflammé et l’explosion qui s’ensuit. Une caméra de surveillance embarquée enregistre même le vrombissement d’un moteur de drone, suivi d’un bruit d’impact et de cris appelant à l’aide. Miguel Duarte, militant portugais, décrit : “Un drone est passé à environ quatre mètres au-dessus de nous. Il s’est arrêté au-dessus de la proue, puis a lâché une bombe. L’explosion a été énorme”.
Vidéo de l'attaque sur le Family publiée sur la page Instagram du Global Sumud Flotilla, 8 septembre 2025.
Le Family et le Alma étaient alors ancrés à 1,1 km du palais présidentiel de Carthage. Sur le navire amiral Le Family se trouvaient plusieurs personnalités, parmi lesquelles Greta Thunberg et l’eurodéputée Rima Hassan. Parti d’Espagne le 7 septembre, le navire accompagnait d’autres bateaux de la flottille Global Sumud, censée quitter Tunis le 10 septembre en direction de Gaza.

Réactions et silence des autorités
Moins de trois heures après les faits visant le Family, la direction générale de la Garde nationale publiait un communiqué niant tout "acte hostile " ou "attaque extérieure ". Selon ses premières constatations, l’incendie aurait été déclenché par un gilet de sauvetage enflammé par un briquet ou un mégot. Le ministère de l’Intérieur a corroboré cette version, en soulignant l’absence de victimes et en appelant à ne pas se laisser influencer par des rumeurs.
Ces explications ont suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux, où de nombreux internautes se sont moqué·es de l’hypothèse du "mégot de cigarette ", la jugeant absurde face aux vidéos largement diffusées montrant des projectiles enflammés s’abattant sur le navire.
Mais à ce jour, l’État tunisien n’a fait aucun commentaire sur les causes de la seconde attaque visant le Alma, et s’est contenté d’annoncer que “des unités de la Garde maritime se sont rendues sur place”.
Ce silence contraste fortement avec la réactivité du démenti sur le Family, et tranche avec la déclaration du ministère des Affaires étrangères, qui s’est exprimé, le jour même, pour condamner l’attaque israélienne sur la capitale du Qatar, Doha. Selon une déclaration de Netanyahu, la frappe visait des dirigeants du Hamas présents sur place.
“Une atteinte à la souveraineté tunisienne”
Des membres de la flottille, des militant·es tunisien·nes et étranger·ères, ainsi que Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l’ONU pour les droits humains en Palestine, estiment qu’il s’agit bel et bien d’attaques coordonnées au drone, menées dans les eaux territoriales tunisiennes.
Albanese avertit que si ces attaques sont confirmées, elles constitueraient "une violation grave de la souveraineté tunisienne, dans un pays pourtant considéré comme refuge sécurisé pour la flottille. "
Jawaher Channa, membre du comité d’organisation, accuse directement Israël : “Le régime sioniste est le seul qui oserait mener une attaque lâche contre notre bateau, en violation flagrante du droit international”.
“S’ils nous traquent jusque dans nos propres ports, c’est la preuve qu’ils nous redoutent. Nous sommes sur la bonne voie”, ajoute Chenna.
Le 2 septembre, Thiago Avila, membre de la direction de la flottille, avait déjà signalé la présence de drones au-dessus des navires près des Baléares, évoquant une menace similaire à celle qui avait frappé le navire Conscience auparavant.
Attaques répétées et précédents historiques
Les attaques contre le Family puis le Alma ne sont pas des incidents isolés. En mai dernier, le Conscience, autre navire de la Flottille de la liberté, avait déjà été visé par deux drones dans les eaux internationales au large de Malte, après avoir quitté Bizerte. L’attaque avait causé un incendie et des dégâts structurels, sans faire de victimes.
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C’est dans ce contexte que de nombreux·ses militant·es et observateur·rices pointent Israël comme principal suspect. Le pays a en effet un long passif avec les flottilles internationales : l’assaut mené par les forces de l’occupation contre le Mavi Marmara en 2010, au large des côtes turques, avait provoqué la mort de neuf membres de l’équipage.
La Tunisie elle-même a été directement visée par les forces de l’occupation à plusieurs reprises. Le 1er octobre 1985, un raid aérien a frappé le siège de l’OLP à Hammam-Chatt, faisant 65 mort·es, dont 15 Tunisien·nes, et plus d’une centaine de blessé·es. En 1988, l’assassinat d’Abu Jihad à Sidi Bou Said, puis celui d’Abu Iyad en 1991 à Carthage, ont durablement marqué la mémoire collective du pays.
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Départ imminent
Les organisateur·rice·s de la Global Sumud Flotilla réaffirment leur détermination : le départ est fixé au mercredi 10 septembre à 16 h de Tunis, selon le planning actualisé du convoi. Malgré les attaques par drone des 8 et 9 septembre, la flottille se prépare à lever l'ancre, avec les derniers contrôles mécaniques, les évaluations météorologiques et la validation de la préparation des participant·es encore en cours.
Thiago Ávila, membre du comité de pilotage, témoigne : “Nous sommes déterminé·es et indéfectibles. Notre mission est claire: exposer le nettoyage ethnique en cours à Gaza et manifester notre solidarité avec le peuple palestinien”.