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Malgré la mise en place d’un confinement général dans le gouvernorat pour contenir l’arrivée de la quatrième vague qui frappe actuellement le pays, l’État peine à faire appliquer ces mesures. “ Ils décident d'un confinement général. Normalement, tout devrait être fermé, mais dans les faits rien ne l’est” explique Hichem Ftouhi.
À Siliana, l’État teste moins qu’à l’échelle nationale
Plus de trois semaines après l’entrée en vigueur de ces mesures et alors que le confinement est toujours en vigueur, les capacités hospitalières sont toujours soumises à saturation. “Tous les hôpitaux sont saturés, que cela soit l'hôpital régional ou les hôpitaux de circonscription” explique Adel Hadedi, le directeur régional de la santé de Siliana, précisant que tous les lits à oxygène et le service de réanimation sont occupés.
Le taux de positivité des tests PCR et antigéniques reste lui aussi très préoccupant et témoigne d’une forte circulation du virus. “ Depuis le 7 juin on a une situation avec un taux de positivité très élevé, autour de 60-70%” explique le directeur régional de la santé.
Depuis ces nouvelles mesures, le ministère de la Santé a brièvement repris la publication des chiffres par gouvernorats entre le 22 juin et le 8 juillet, en y ajoutant le nombre de tests réalisés. Ces données montrent ainsi que les autorités sanitaires ont réalisé en moyenne 122 tests par jour pour 100.000 habitants dans le gouvernorat de Siliana, soit en dessous de la moyenne nationale de 135 tests par jour pour 100.000 habitants. C’est beaucoup moins que dans d’autres gouvernorats, comme celui de Tunis, où en moyenne 313 tests par jour pour 100.000 habitants ont été effectués.
Sur la même période, le taux de positivité des tests à Siliana a oscillé entre 41,8% et 85,7%, bien au-dessus de la moyenne nationale. Entre le 24 juin et le 30 juin, Siliana a maintenu le plus haut taux de positivité des tests en Tunisie.
Ces chiffres interrogent sur la politique de tests en place à Siliana, alors que le nombre de tests effectués à l’échelle nationale sont déjà très bas comparés à d’autres pays ( au 23 juillet, la Tunisie est classée 132ème en termes de nombre de tests rapportés à la population). “ Tout le monde ne doit pas faire de test, ce sont les sujets qui ont des symptômes qui doivent se faire tester”, estime le directeur régional de la santé. Si une personne a des symptômes, elle doit consulter un médecin qui prescrira alors un test rapide ou PCR pour confirmer le diagnostic en cas de suspicion.
Une infirmière réalise un test antigénique sur une personne suspectée d’avoir le Covid-19 à l’hôpital de Bargou. Sur les trois tests réalisés précédemment par cette dernière et disposés à gauche sur la table, deux sont positifs.
Devant l’hôpital de Bargou, situé à moins de 20 kilomètres de l’hôpital régional de Siliana, de nombreuses personnes attendent de pouvoir se faire tester. Sous leurs masques, plusieurs d’entre elles attestent avoir des symptômes du Covid-19 et s’être rendues à l’hôpital pour confirmer leurs suspicions. Avec des candidat·es aux tests déjà symptomatiques, le taux de positivité des tests est ainsi plus élevé. Le 6 juillet dernier, celui-ci atteignait 85% dans la délégation de Bargou, selon Anis Boualeg, le directeur de l’hôpital de circonscription.
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Adel Hadedi reconnaît l’absence d’une politique massive de tests tout en rappelant au passage qu’il s’agit de la stratégie nationale et non d’un choix relevant de la région.
Face à la crise, un manque d’accès au matériel de santé et la lenteur de la vaccination
En plus de l’absence d’une politique massive de tests, les hôpitaux du gouvernorat ont des moyens limités. Le directeur régional de la santé estime qu’au niveau des hôpitaux, “ on a un certain nombre de concentrateurs mais ils ne sont disponibles que pour les malades hospitalisés”. “ On n’a pas suffisamment de concentrateurs pour les livrer à domicile” ajoute-t-il. À l’hôpital d’El Krib, la raison avancée est quant à elle légale, “je ne peux pas donner de concentrateurs d’oxygène pour la maison car c'est contre la loi. Les concentrateurs de l'hôpital, tu ne peux pas les donner aux patients” affirme Kais Ferjaoui, le directeur de l’hôpital.
Pour faire face aux difficultés d’accès au matériel de santé des individus et organisations s’activent pour se substituer au service public. “J'ai des amis qui sont en train de collecter des dons pour acheter des concentrateurs d'oxygène pour les fournir aux gens qui n'ont pas d'argent” explique Hichem Ftouhi. Il relate que les malades qui ne peuvent pas obtenir de place dans les hôpitaux saturés n’ont d’autre choix que de rester chez eux et elles, et de se procurer un concentrateur d’oxygène.
“Ici à Siliana, les propriétaires de concentrateurs les louent à 200 dt par semaine”.
“Il y a plusieurs associations, surtout des jeunes, qui font avec de faibles moyens” explique Hichem Ftouhi. Pour leurs campagnes de sensibilisation, les Scouts tunisiens vont se déplacer dans l’ensemble du gouvernorat, “nous sommes des bénévoles, des associations qui n’ont pas de moyens”. “On ne peut même pas fournir une bouteille d’eau ou à manger aux bénévoles”, ajoute-t-il.
L’hôpital régional de Siliana est le seul du gouvernorat à disposer d’un service de réanimation.
Cette situation est renforcée par le faible taux de vaccination dans la région. Au 23 juillet 2021, seulement 25% de la population du gouvernorat était inscrite sur la plateforme evax. À peine plus de 10% de la population avait reçu une première injection et seulement 5,5% de la population - 12,630 personnes - avait complété totalement la vaccination.
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Dans certains centres de vaccination, “les patients attendent leur tour sous le soleil, sans abri pour se protéger. Ils attendent sur le trottoir pendant des heures et des heures” décrit Hichem Ftouhi. Selon lui, c’est une des raisons pour laquelle certain·es habitant·es du gouvernorat convoqué·es par evax ne se présentent pas au rendez-vous vaccinal. “Ils ne veulent pas y aller car ils voient que les conditions sont médiocres”.
Résultat, “chaque jour, à la fin de la journée, il reste des doses”. Pour pallier ces mauvaises conditions, les Scouts tunisiens vont “fournir des grandes tentes pour les utiliser comme abri pour que les patients trouvent une place à l'ombre", explique-t-il.