Une citation du père d’Hermann était inscrite entre les photos : “Souvenez-vous toujours de votre cher frère Hermann, mort en héros en Afrique. Blessé le 22 février 1943, il est décédé à l'hôpital de campagne le 27 février de la même année.”
Sous le texte, se trouve une photo de la tombe d’Hermann. Il s’agit d’une simple croix en bois portant son nom, sa date de naissance et de décès, entourée de trois pots de fleurs posés sur un sol poussiéreux. Cette image a été prise à Sfax, où Hermann a été initialement enterré après avoir succombé à ses blessures causées par un éclat d’obus lors des combats près de Kasserine.
La page avec la photo d'Hermann dans l'album photo de ma tante. Dans le coin supérieur gauche, on peut voir une photo de famille d'Hermann, ses frères et sœurs, ses parents et ses grands-parents. Sur la photo, on peut voir Hermann en haut à gauche.
Hermann Franz était mon grand-oncle. Il faisait partie des 170 000 soldats allemands qui ont combattu en Tunisie pendant la Seconde Guerre mondiale et des plus de 8 500 qui sont morts en Tunisie pendant cette même guerre. Assise dans le salon de ma tante, en regardant les photos d'Hermann, je me suis demandée : que faisaient les soldats allemands comme mon grand-oncle en Tunisie pendant la Seconde Guerre mondiale ? Et comment cela a-t-il affecté la vie des Tunisien·nes à cette époque ?
Comment la Seconde Guerre mondiale a-t-elle été introduite en Afrique du Nord ?
"Mes chers ! Chaleureuses salutations d'Afrique. Nous sommes arrivés à destination. Nous nous attendions à ce qu'il fasse très chaud ici, mais nous avons été déçus car nous pouvons encore porter un manteau. Pour l'instant, nous attendons qu'on vienne nous chercher. À notre gauche, il y a de l'eau et à notre droite, des pierres et du sable". Hermann Franz dans une lettre à sa famille début mai 1942. À cette époque, lui et son unité venaient d'arriver en Libye.
Les soldats allemands ont été envoyés en Afrique du Nord principalement pour soutenir leur allié, l'Italie. En juillet 1940, l'Italie est entrée en guerre aux côtés de l'Allemagne, contre la Grande-Bretagne et la France. Le dictateur fasciste Benito Mussolini avait déjà déclaré son objectif de faire de l'Italie une grande puissance internationale, ce qui impliquait l'expansion de ses colonies dans des pays tels que l'Égypte et la Tunisie.
Pour atteindre cet objectif, en septembre 1940, l’Italie lance une offensive majeure contre les troupes du Commonwealth britanniques qui étaient stationnées en Égypte. Mussolini et son armée y sont rapidement vaincus. Afin d’éviter l’effondrement de son allié Italien, Adolf Hitler se voit contraint d’envoyer des troupes allemandes à Tripoli en février 1941. S’ensuivirent alors deux années de combats que mon grand-oncle Hermann rejoint en mai 1942. Six mois plus tard, l’alliance de l’Axe, composée des troupes allemandes et italiennes, est lourdement battue par la Grande-Bretagne lors de la bataille d'El-Alamein en Egypte.
Après quoi, pendant une courte période, Hermann a eu l'espoir de rentrer chez lui et de retrouver sa famille. Le 22 novembre 1942, Hermann écrit à sa famille :
“Le meilleur dans tout ça, c'est que nous devions être évacués d'Afrique dans les prochains jours. Je ne vous ai rien écrit parce que je voulais vous faire la surprise. Maintenant, cela n'arrivera probablement pas. Tout était parfaitement emballé, y compris de la bonne nourriture, qui est maintenant brûlée. Je n'ai que des couvertures, un manteau et les vêtements que je porte.”
L'historien militaire spécialisé dans l'histoire de l'Allemagne nazie et la Seconde Guerre mondiale, Peter Lieb, m'a expliqué que, bien qu'il ait été prévu de se retirer temporairement d'Afrique du Nord, Hermann n'était probablement pas au courant de cette décision. "Je suis convaincu que votre grand-oncle n'était pas informé, mais comme dans toutes les armées, les rumeurs circulent constamment et partout. Les armées sont les plus grands lanceurs de rumeurs au monde", a-t-il déclaré.
La Tunisie se transforme en champ de bataille
À peu près au même moment que la défaite d'El Alamein en Égypte, les Alliés ont lancé l'opération "Torch" avec 107 000 soldats britanniques et américains débarquant au Maroc et en Algérie, pour ensuite se diriger rapidement vers la Tunisie. Pour les Alliés, une victoire en Afrique du Nord aurait été une étape essentielle en vue de vaincre plus tard le Reich allemand. Pour Hitler et Mussolini, en revanche, l'opération "Torch" était une catastrophe stratégique, car elle menaçait toute la Méditerranée occidentale depuis le sud.
"Si les Alliés avaient pris l'Afrique du Nord, ils auraient débarqué dans le sud de l'Italie peu après, ce qui aurait menacé le territoire italien", explique Peter Lieb. L'objectif de l'Axe était donc d'éloigner le plus possible les soldats britanniques et américains de Tunis.
Ainsi, à partir de novembre 1942, "les Allemands et les Italiens ont fait parvenir à Tunis des quantités incroyables de matériel et de personnel", explique Peter Lieb. Au total, 137 000 soldats allemands, 40 000 soldats italiens, 495 chars et environ 975 pièces d'artillerie ont été envoyés par avion en Tunisie entre novembre 1942 et avril 1943.
Parachutistes allemands à Tunis en novembre 1942 - Wikimedia Commons
En même temps, en novembre 1942, l'armée blindée dirigée par le maréchal Erwin Rommel se retire de plus en plus vers l'ouest à travers la Libye, atteignant la frontière tunisienne entre la mi-janvier et fin janvier 1943.
Alors que l'Allemagne et l'Italie envoyaient des renforts au nord de la Tunisie, Rommel et son armée arrivaient par le sud. Mon grand-oncle Hermann faisait partie de celle-ci et a écrit à sa famille le 29 janvier 1943 :
"Nous sommes (...) déjà en Tunisie. La Libye appartient maintenant au Tommy*. Je suis sûr que vous avez tous grimacé lorsque vous avez appris que Tripoli avait été évacuée. Nous nous y attendions depuis longtemps déjà. La région qui s'étend d'Alicurata* à Tripoli est particulièrement belle. Nous nous y sommes sentis très à l'aise. En Tunisie, nous n'avons pas à nous plaindre non plus. La situation s'améliore de jour en jour. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point c'est agréable de revenir dans une région où il y a de vraies villes et où le sol est couvert de végétation après avoir vécu si longtemps dans le désert".
Entre le 17 novembre 1942 et le 13 mai 1943, la Tunisie a été le théâtre d'une bataille majeure de la Seconde Guerre mondiale. D'un côté, l'Allemagne et l'Italie ont combattu la Grande-Bretagne et ses troupes du Commonwealth, tandis que de l'autre côté, ils se sont opposés aux États-Unis et aux Forces françaises libres. Ce conflit n'a pas seulement opposé deux coalitions, mais aussi deux idéologies mondiales : le national-socialisme et le fascisme contre la démocratie.
Une nouvelle puissance d'occupation
À l'arrivée des Alliés et des forces de l'Axe en Tunisie en novembre 1942, le pays était encore sous domination coloniale française. Cependant, l'Italie revendiquait également la souveraineté sur la Tunisie, ce que les Allemands voulaient empêcher par crainte que les Italiens ne soient pas très populaires au sein de la population tunisienne.
Mais l'Allemagne n'était pas non plus intéressée par une occupation directe du pays. "La priorité de l'armée allemande était les batailles, c'était de gagner la guerre. Ils n'avaient pas beaucoup de temps pour faire de la politique. Tout se passait au combat", explique Fayçal Cherif, professeur d'histoire militaire à l'université de la Manouba et auteur d'une thèse sur la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, au lieu d'occuper directement le pays, l'Allemagne a mis l'administration coloniale française à son service. "Pendant six mois, les Allemands ont tout organisé ici en Tunisie", raconte le professeur.
La nouvelle puissance d'occupation était assez populaire parmi la population tunisienne. "Une grande partie de la population ne voyait peut-être pas les Allemands comme des libérateurs, mais comme une puissance qui pouvait signifier la fin de la colonisation. Les Allemands sont les adversaires des Britanniques et des Français, et l'ennemi de mon ennemi est mon ami, pour ainsi dire", explique Peter Lieb.
Hermann en a également fait l'expérience et a écrit dans une lettre qu'il a envoyée de la Tunisie à sa famille : "Les Arabes nous aiment beaucoup, nous sommes accueillis chaleureusement partout où nous allons"
Les Allemands ont d’ailleurs utilisé leur popularité auprès de la population locale pour cibler indirectement les Britanniques et les Français par la propagande. Selon Fayçal Cherif, cette propagande disait aux gens : “Nous ne cherchons pas à vous coloniser. Nous sommes ici seulement pour vaincre les forces françaises, britanniques et américaines.” Environ 5000 hommes originaires d’Algérie, du Maroc et de Tunisie ont même rejoint les combats du côté allemand, tandis que d’autres ont combattu aux côtés des Alliés dans les troupes coloniales françaises.
Le quotidien d'un pays déchiré par la guerre
“Mes chers amis ! Je laisse derrière moi des jours marqués par plusieurs combats difficiles. Malheureusement, certains camarades ont perdu la vie. C'est ainsi que les choses devaient se passer. J'ai eu de la chance jusqu'à présent, mais espérons que la chance du soldat continuera à m'accompagner dans les jours à venir. (...) Je voulais vous rassurer et vous dire de ne pas vous inquiéter si vous ne recevez pas de courrier de ma part pendant un certain temps. Bien à vous, Hermann” - Hermann le 21 février 1942 dans ce qui sera sa dernière lettre. Un jour plus tard, il est mortellement blessé.
Les combats entre les puissances alliées et les puissances de l'axe dans toute la Tunisie ont eu un impact considérable non seulement sur la vie des soldats, mais aussi sur la vie des Tunisien·nes de l'époque. De nombreuses personnes ont dû quitter leurs maisons ravagées par les bombardements, faisant de milliers de personnes des réfugiés dans leur propre pays. En même temps, la mobilité des personnes en Tunisie était fortement limitée par les combats, les trains ayant été affectés uniquement au transport des troupes et une grande partie de l'infrastructure ayant été détruite.
Bâtiments détruits à Sousse après un raid aérien en 1943 - Wikimedia Commons
De plus, les bombardements successifs des villes et des villages ont entravé la logistique des transports et le travail sur le terrain. Les batailles en mer empêchent les navires d'importation d'atteindre la Tunisie. En conséquence, les produits de base se sont raréfiés, l'inflation a fortement augmenté et le marché noir a commencé à prospérer.
Alors que le prix officiel d'un kilo de pain était à l'époque de 4,40 francs tunisiens, la même quantité était vendue au marché noir entre 20 et 60 francs tunisiens. Le prix du sucre a augmenté de près de 3800% et celui du poulet de plus de 500%. Dans le même temps, le rationnement alimentaire est devenu de plus en plus strict, chaque personne ne recevant que 300 g de pain par jour et 500 ml d'huile par mois.
"Devant les magasins, où l'on vendait parfois quelques produits, il y avait toujours des files d'attente interminables, d'où les soldats en uniforme étaient immédiatement servis", décrit Fayçal Cherif dans son livre "La Tunisie dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale". Les quelques denrées restantes étaient donc souvent achetées par les puissances étrangères occupant le pays, ce qui aggravait encore la situation de la population locale.
La situation désastreuse de la guerre a également entraîné l'apparition d'épidémies telles que le typhus*, qui a causé la mort d'environ 863 personnes entre 1942 et 1943. À titre de comparaison, avant la guerre, de 1935 à 1939, seuls 33 décès au total ont été causés par le typhus.
Le niveau de vie dans le pays se détériore progressivement en raison de la pénurie de carburant et des bombardements des chemins de fer, des routes, des ports et des centrales électriques. Les écoles ont dû fermer et le chômage a augmenté. Pour de nombreux·ses Tunisien·nes, la seule possibilité de gagner un peu d'argent et de se procurer des biens de première nécessité est de travailler pour les Allemands et les Italiens, par exemple en déblayant les rues des décombres et en extrayant les morts ou les blessé·es enterré·es sous les bâtiments détruits.
Selon la Convention de La Haye concernant la guerre sur terre, qui définit les règles de conduite de la guerre, le travail forcé n'est pas explicitement interdit, mais il doit faire l'objet d'une compensation. Si une partie des Tunisien·nes musulman·nes ont été payé·es pour leur travail au service de la puissance d'occupation allemande, la situation était différente pour les Tunisiens juifs. À partir du 6 décembre 1942, le service du travail obligatoire (S.T.O.) est imposé aux Juifs de Tunisie, en particulier à ceux qui vivant à Tunis.
Des Juifs au travail forcé à Tunis en décembre 1942 - Wikimedia Commons
L'historienne Dorsaf Nehdi écrit dans sa thèse : "Beaucoup de jeunes juifs ont essayé de se cacher pour échapper au travail forcé dans les camps allemands. Ce n'était pas facile, car les nazis avaient des yeux partout. Seuls quelques-uns ont échappé à la main de fer des nazis". En conséquence, des milliers d'hommes juifs ont été forcés de travailler dans les camps allemands en Tunisie et n'ont pas pu les quitter pendant toute la durée de l'occupation allemande.
Cependant, de nombreux Tunisiens juifs ont également trouvé refuge auprès de Tunisien·nes musulman·es et ont ainsi pu échapper à la répression allemande. En plus de devoir travailler pour les autorités d'occupation, la communauté juive de Tunisie a dû payer des amendes collectives et la Grande Synagogue de Tunis a été transformée en entrepôt. La communauté italo-juive vivant en Tunisie à cette époque a été épargnée des mesures adoptées par les autorités militaires allemandes à l'encontre des Juifs tunisiens.
Les lettres d'Hermann depuis le champ de bataille
"Chère maman, je te félicite chaleureusement pour ton anniversaire. Je souhaite tout particulièrement que tu te rétablisses rapidement et que tu restes longtemps avec nous. J'espère que l'année prochaine, nous aurons l'occasion de fêter ton anniversaire ensemble dans la paix. Je te souhaite encore une fois le meilleur. Votre fils, Hermann Franz".
Quelques mois après la mort d'Hermann, son père - qui était mon arrière-grand-père - a transcrit à la main toutes les lettres de son fils aîné et en a fait un livre. Il y a ajouté les photos qu'Hermann avait prises, une liste des batailles auxquelles il avait participé, ainsi que toutes les lettres relatives à sa mort que le médecin-chef et l'un des camarades d'Hermann avaient écrites à la famille.
Le livre que le père d'Hermann a constitué après sa mort et dans lequel il a rassemblé toutes les lettres et les informations sur le séjour d'Hermann en Afrique du Nord.
La façon dont Hermann écrit me rappelle celle de mon jeune frère. Il y a une certaine légèreté dans la façon dont il décrit le temps et les régions qu'il traverse. Il est très attentionné, félicitant les membres de sa famille pour leur anniversaire ou sa mère et sa grand-mère pour la fête des mères. Dans certaines lettres, on peut sentir à quel point la maison et la famille lui manquent.
J'ai de la peine pour ce jeune homme qui n'avait que 19 ans lorsqu'il est devenu soldat et pour la famille à laquelle il a été arraché. Mais en lisant ses lettres, je me demande aussi s'il était honnête, s'il pouvait l'être. À quel point était-il convaincu de l'idéologie oppressive sous laquelle il se battait et que je méprise tant ?
Dans son livre "Guerre en Afrique du nord", Peter Lieb parle de l'idéologie des soldats allemands comme Hermann à cette époque : "Les Alliés ont trouvé une plus grande affinité pour le régime nazi parmi les prisonniers allemands en Afrique du Nord que plus tard, en 1944, en Europe de l'Ouest. Les soldats de Rommel étaient encore confiants dans la victoire, au moins jusqu'en 1942. Pour beaucoup d'entre eux, le national-socialisme n'avait pas encore perdu de son éclat".
Cette conviction que la guerre n'est pas encore perdue se retrouve également dans les lettres d'Hermann, bien qu'il ne parle généralement pas beaucoup de ses réflexions sur la guerre. Comme il n'y a plus personne qui ait connu personnellement mon grand-oncle, je ne peux pas savoir à quel point il était convaincu de l'idéologie et du régime pour lesquels il se battait. Grâce au code postal de Hermann indiqué au-dessus d'une de ses lettres, Peter Lieb m'apprend qu'Hermann faisait probablement partie du " Brandenburg Training Regiment", une unité spéciale qui combattait souvent à l'arrière du front. Il m'apprend également que les soldats de cette unité spécifique étaient souvent des volontaires.
Photos d'Hermann pendant la guerre en Afrique du Nord
Il est possible qu'Hermann se soit porté volontaire pour le service militaire, même si nous ne pouvons pas en être sûrs. Dans l'une de ses lettres, Hermann écrit à son jeune frère Rudi pour lui faire part de ses réflexions sur la guerre. Il semble désabusé, comme si la guerre n'était pas ce qu'il attendait :
"Vous, les jeunes, vous ne voyez la guerre qu'en termes de Croix de fer et autres décorations dues à l'insouciance de votre jeunesse. Toutes ces paillettes ne sont pas de l'or, et je m'y suis déjà habitué. Vous apprendrez aussi vos leçons à la dure ! Je ne veux pas passer pour un lâche, mais laisse-moi te dire ceci : quiconque a connu la vraie nature de la guerre sait ce qui se passe. Sois heureux pour le temps que tu passes à la maison, tu dois admettre que j'ai parfois raison. Tu sais ce que je ressentais avant." - Hermann à son jeune frère Rudi, le 13 octobre 1942.
La dernière offensive
En février 1943, les Allemands et les Italiens entament ce qui sera leur dernière offensive. Ils comptaient percer le front des troupes américaines et françaises afin d'avancer plus loin vers le nord-ouest de la Tunisie et de l'Algérie. Le Deutsches Afrikakorps* et parmi eux, mon grand-oncle Hermann, avancent vers Kasserine où se déroule, à la mi-février, la bataille de Kasserine.
Au cours de cette bataille, le 22 février, Hermann a été blessé par un éclat d'obus qui a transpercé sa paroi abdominale jusqu'au côlon. La blessure s'est produite dans la rue entre Kasserine et Tébessa, à 15 ou 20 kilomètres de la frontière algérienne. Cinq jours plus tard, le 27 février, Hermann est décédé dans un hôpital de campagne des suites de ses blessures.
Ses parents ont été informés de sa mort le 11 mars 1943. Le père d'Herrmann a même noté l'heure à laquelle il a reçu la lettre : "entre 18 et 19 heures".
Lettre écrite par le médecin-chef Prof. Gißel, informant les parents de Hermann de son décès.
Après la mort d'Hermann, le médecin-chef et l'un des camarades d'Hermann ont échangé des lettres avec son père dans lesquelles ils expliquaient les circonstances de sa mort et envoyaient des photos de sa tombe ainsi que deux lettres qu'Hermann avait écrites mais qu'il n'avait pas encore envoyées à sa famille. Selon le médecin-chef, à l'hôpital de campagne, "il [Hermann] lui-même n'avait aucune idée de la gravité de son état. (...) Il est mort en pensant qu'il pourrait rentrer chez lui sur le prochain navire-hôpital et qu'il avait hâte de revoir ses parents".
La capitulation de l'Allemagne et de l'Italie à Tunis
Après l'échec de leur dernière offensive à Kasserine, il était clair que l'Allemagne ne serait plus en mesure de maintenir son contrôle sur la Tunisie. Après quelques semaines supplémentaires de combats, les troupes allemandes et italiennes se sont finalement livrées en Tunisie le 13 mai 1943.
La couverture du New York Times du 8 mai 1943 - Wikimedia Commons
Entrée des troupes alliées à Tunis défilant devant la cathédrale Saint-Vincent-de-Paul et Sainte Olive de Palerme - Wikimedia Commons
Selon Fayçal Cherif, environ 90 000 personnes avaient alors perdu la vie en Tunisie, la plupart d'entre elles étant des soldats alliés ou des soldats de l'axe. Cependant, 8 000 civils tunisiens figuraient également parmi les morts. Environ 250 000 soldats allemands et italiens ont été faits prisonniers de guerre par les Alliés. Après la capitulation des Allemands et des Italiens, ces prisonniers de guerre devaient, par exemple, aider à reconstruire les infrastructures tunisiennes détruites pendant les combats, selon Peter Lieb. Pour échapper à l'emprisonnement imminent, certains soldats allemands et italiens ont tenté de fuir par bateau vers l'Europe. D'autres sont restés en Tunisie même après la guerre. "De nombreux soldats allemands ont été cachés par la population. Ils se déguisaient en Tunisiens pour ne pas être reconnus", raconte Fayçal Cherif.
Des prisonniers allemands et leurs gardiens attendent dans un fossé près de Kairouan en avril 1943 - Wikimedia Commons
Soldats allemands rattrapés par la Royal Navy à une trentaine de kilomètres du Cap Bon après avoir tenté de fuir la Tunisie par bateau - Wikimedia Commons
Selon Peter Lieb, la Tunisie était une "zone de conflit extrêmement importante" pendant la Seconde Guerre mondiale. Au même moment que la Campagne de Tunisie se déroulait la bataille de Stalingrad, qui fut la première grande défaite des Allemands et l'un des tournants de la Seconde Guerre mondiale. La Campagne de Tunisie a influencé indirectement cette bataille, explique Peter Lieb : "On pourrait aller jusqu'à dire que si les Allemands avaient déployé leurs avions et leurs chars à Stalingrad au lieu d'envoyer leurs troupes en Tunisie, la bataille de Stalingrad aurait probablement pris une tournure différente".
Pour la Tunisie, la Campagne a également eu un impact durable. Fayçal Cherif et Peter Lieb s'accordent à dire que cette période a accéléré le mouvement d'indépendance tunisien. "Les Allemands et les Italiens ont enterré de nombreuses armes après leur défaite et ne les ont pas données aux Alliés. De nombreux Tunisiens ont utilisé ces armes pendant la révolution tunisienne de 1952 à 1954. Ils ont également appris comment faire la guerre, la stratégie et comment attaquer", explique Fayçal Cherif.
De plus, le fait que la puissance d'occupation allemande ait succédé, au moins pour une courte période, à la puissance coloniale française a eu un impact accéléré sur le mouvement d'indépendance tunisien. "C'est un phénomène que l'on peut observer à l'échelle mondiale, dans d'autres pays d'Afrique ou d'Asie de l'Est, parce que la population voit que ses dirigeants coloniaux ne sont pas invincibles", explique Peter Lieb.
Aujourd'hui, mon grand-oncle Hermann est enterré dans le cimetière militaire allemand de Borj Cedria avec 8561 autres soldats allemands morts pendant la Seconde Guerre mondiale en Tunisie. Ils ont d'abord été enterrés dans différents cimetières à travers le pays jusqu'à ce qu'en 1966, la Tunisie et l'Allemagne signent un accord pour établir le cimetière militaire de Borj Cedria. La récupération des restes et leur transfert ont été effectués en 1974 par le service de réinhumation de la Commission allemande des sépultures militaires.
Cimetière militaire allemand de Borj Cedria où Hermann Franz est aujourd'hui enterré
Après un trajet de près de 45 minutes depuis Tunis, nous arrivons au cimetière militaire de Borj Cedria. Il est situé au sommet d'une petite colline, avec vue sur la mer et le parc national du Djebel Boukornine. Le complexe se compose de six cours individuelles, chacune d'entre elles représentant l'emplacement original d'un des premiers cimetières militaires. Nous passons devant un mur de pierre portant l'inscription "Sfax". C'est là, sur un ossuaire portant le chiffre six, que nous trouvons le nom de mon grand-oncle, sa date de naissance et sa date de décès. Pour la première fois, plus de 80 ans après sa mort, un membre de la famille d'Hermann est venu se recueillir sur sa tombe.
La tombe de Hermann Franz dans le cimetière militaire allemand de Borj Cedria, enterré initialement à Sfax après sa mort en 1943..