Pourquoi ne vous êtes-vous pas présentée en Octobre 2011 ?
Je ne me suis pas présentée en octobre 2011 parce que le contexte à l’époque était très différent. J’avais alors 24 ans et j’étais plutôt concentrée à la rédaction de mon mémoire de master qui portait plus sur la banque africaine de développement que sur l’action politique. J’étais une jeune étudiante, je retournais en Tunisie progressivement depuis 2011 puisque ma famille a été longtemps exilée.
Les conditions de désignation des candidats étaient plutôt concentrées sur leur légitimité historique. Ennahdha, en 2014, a eu des conditions différentes. Le choix des candidats est désormais basé sur leurs compétences et leurs potentiels. Quant à moi je vis entre Tunis et Paris, j’ai une meilleure connaissance du terrain à la fois en France et en Tunisie.
Quelle est votre impression sur les trois années écoulées ?
La Tunisie a aujourd’hui ce système qui, selon la Constitution, donne une grande importance à l’Assemblée Nationale qui reste un contre-pouvoir. Mais après la révolution, on a pu voir que les décennies où le gouvernant était quelqu’un que l’on craignait, que l’on ne connaissait pas mais qu’au fond, on méprisait, avaient laissé leur marque : le gouvernant est quelqu’un qu’on en respecte pas. Et ce phénomène s’est élargi aux gouvernants en général et aux députés. Les passe-droits, la corruption, le mépris de ces dernières décennies a entretenu aussi ce non-respect et aussi une peur à l’égard du politique.
Pour les gouvernants qui ont accédé au pouvoir après la révolution, beaucoup étaient inexpérimentés, certains étaient vraiment issus des classes sociales les moins aisées et en dehors du politique comme Brahim Kassas, ancien chauffeur de taxi qui se retrouve aux cotés de militants politiques comme Ahmed Nejib Chebbi dans l’hémicycle de l’assemblée. Pour beaucoup de Tunisiens, cela a permis de désacraliser le politique et les gouvernants, de s’en moquer aussi ouvertement. Ces trois années qui n’étaient finalement que l’expression d’un ras-le-bol du politique moins exprimé auparavant, ont fini par donner l’image d’une classe politique peu crédible, à cause d’un manque de compétences mais aussi à cause d’un regard sans concession et parfois biaisée médias. Aujourd’hui, les Tunisiens ont vraiment besoin de retrouver confiance dans la politique.
Moi je pense que l’on peut faire les choses différemment. Finalement être jeune en politique et avoir pu regarder en tant que citoyenne ces trois années, me donnent le droit comme à tous ceux qui s’engagent d’avoir la prétention de dire « je veux faire de la politique autrement. » L’une de mes ambitions est d’ailleurs de vouloir redorer le blason des hommes et des femmes politiques en Tunisie.
Pourquoi vous-êtes-vous engagées en 2014 ?
Quand on est venu me proposer au début de rejoindre la liste électorale, on m’a dit qu’on aimerait m’offrir une position éligible. Pour moi, Ennahdha avait eu des résultats probants en France. Ce qui m’a motivée, c’est que c’était une occasion parfaite pour ces cinq prochaines années de véritablement consolider le processus démocratique en Tunisie et je me sentais à même de participer à ce prolongement.
Toutes mes recherches doctorales sont orientées sur la question tunisienne et je sentais que c’était une occasion en or de traduire dans l’action publique ce que je faisais dans le domaine académique.
La surprise, à la fois pour le public mais aussi pour moi était que le parti Ennahdha avait véritablement envie de donner une position de leadership à une jeune femme comme moi pour assumer cette charge. Donc j’ai accepté.