Deux phénomènes contradictoires apparaissent alors. A la fois, les gens veulent se débarrasser le plus vite possible de leurs poubelles, quitte à les jeter n’importe où et en même temps, beaucoup d’habitants ne supportent plus les décharges, supposées être les lieux de stockage des déchets. Le ras-le-bol des poubelles s’illustre donc dans un rejet total à la fois des déchets et des décharges.
Si une police de l’environnement doit voir le jour pour enrayer le phénomène des ordures dans l’espace public, il semble nécessaire qu’elle travaille avec les associations de protection de l’environnement qui oeuvrent sur le terrain.
Dans le cas des décharges, la question qui se pose à terme reste de savoir si la Tunisie peut continuer sur le modèle de la décharge contrôlée et la méthode par enfouissement. Cette méthode qui ne semble plus acceptée par les citoyens oblige à revoir la méthode de valoristaion des déchets: le tri à la source, le recyclage commencent à s’imposer.
L’impact social lié à l’implantation d’une décharge reste le plus grand enjeu, peu consultés sous Ben Ali, les Tunisiens revendiquent à présent un droit de regard sur l’emplacement et l’implation d’une future décharge. Ce facteur doit rentrer dans l’étude d’impact et de terrain qui précède la construction d’une décharge ou d’un centre de transfert.
La question du citoyen
“Avant personne n’osait mettre ses poubelles sur la route de Bizerte, maintenant c’est devenu une déchèterie où chaque voiture qui passe, jette son sachet” témoigne Souheil Sassi, secrétaire général de la commune d’Hay Ettadhamen.
La gestion des déchets et leur collecte a ainsi mis en exergue un facteur important depuis la révolution : la responsabilité du citoyen. A Bizerte, Saïd Ben Younes, éboueur, se plaint de ces points noirs anarchiques qui sont plus selon lui, le fait des gens habitants qui n’attendent plus les heures de passage pour sortir leur poubelles. Un cercle vicieux s’installe, au fur et à mesure que les poubelles sont ramassées, d’autres sont à nouveau déposées et les points noirs s’incrustent.
Sur la question des heures de passage, les avis divergent. Du côté des citoyens, beaucoup témoignent que les heures de passage ne sont plus aussi régulières qu’avant et qu’il n’y a jamais de communication sur le sujet. Du côté des municipalités, certaines assurent que les horaires sont très bien connues dans chaque quartier.
C’est finalement la municipalité d’Hay Ettadhamen qui tranche:
« Nous avons perdu la confiance des citoyens car les nombreuses grèves ont déréglé les horaires de passage tout comme le manque d’équipement qui a suivi après la révolution. La fermeture de certains centres de transfert a aussi augmenté le temps de trajet des éboueurs et a donc modifié tout le système »
Les municipalités accusent aussi le citoyen d’un laisser-aller et d’un manque de coopération :
« Quand il y a des grèves, on essaye de minimiser les dégâts et d’inciter les gens à ne pas sortir tout de suite leurs poubelles. Or, on ne peut pas forcer les gens à garder leurs détritus chez eux pendant deux jours. »
D’autres sont plus sévères, ils blâment le manque de civisme de certains habitants ainsi que l’impunité pour ceux qui ne respectent pas les règles.
« En centre-ville, ce n’est pas rare d’entendre et de voir quelqu’un jeter sa poubelle en pleine nuit du haut de son balcon parce qu’il a la flemme de la descendre. »
Dans un immeuble de Menzah 6, on peut même voir des pancartes dans le hall d’entrée pour inciter les gens à cesser cette pratique.
Les municipalités travaillent donc aujourd’hui en corrélation avec les associations sur des projets de sensibilisation.
Mounir Majdoub, Secrétaire d’Etat à l’environnement : « Les gens produisent d’avantage de déchets sans que le reste du système suive »
Ce phénomène, c’est celui de la contestation populaire qui est humain et social. On l’appelle d’ailleurs « NB » Not in my backyard. Il existe partout dans le monde. Personne ne veut avoir près de chez lui une décharge et essaye de l’éloigner un maximum de son lieu d’habitation. Près de 60 % des équipements municipaux après la révolution ont été saccagés, brûlés. Ce qui s’est passé aussi comme phénomène structurel et que l’on oublie souvent, c’est que la production de déchets, en termes de quantité et de volume, a augmenté. On ne parle pas du même volume de déchets qu’avant et après la révolution.
A l’époque, on parlait de 2 millions de tonnes de déchets, aujourd’hui on avoisine les 3 millions. Ce chiffre reste approximatif car nous n’avons pas de système de mesure annuel sur la quantité de déchets produits, nous faisons des estimations à partir des déchets qui arrivent en décharge. D’un côté, la quantité de déchets produits augmente, de l’autre la capacité des municipalités à enlever les déchets a diminué.
La capacité de recevoir en décharges contrôlées ne s’est pas améliorée. Pour la fin de l’année 2010, nous avions seulement 10 à 20 % d’augmentation des capacités de décharge. Donc les gens produisent d’avantage de déchets sans que le reste du système suive pour être efficace. Il y a également un autre phénomène plutôt social de post révolution, c’est la suppression du système de la sous-traitance qui n’était pas tout à fait bien géré avant. Il y avait un amalgame entre la sous-traitance, le travail d’intérim et les services.
Le problème concerne toutes les activités publiques sous-traitées et il y avait beaucoup de dépassements et d’abus à travers ce type de contrat de sous-traitance. Donc cela a mené à des grèves et des demandes de titularisation après la révolution.
Mais si vous avez fait des études au préalable avant d’installer les décharges, comment se fait-il qu’il y ait un tel blocage au niveau de la population aujourd’hui ?Avant la révolution, les études de terrain qui ont été faites ont complètement négligé l’aspect social. La proximité des riverains, la question du voisinage, ces enjeux n’ont pas été occultés mais ils ont été négligés car ce qui comptait le plus, c’était l’impact environnemental. Ce qui a manqué, c’est la consultation et le questionnement des riverains.
L’enquête ou la consultation publique a rarement été pratiquée avant l’implantation d’une décharge. Bien entendu après la révolution, les gens se sont libérés de certaines contraintes politiques et ceux qui vivaient à proximité des décharges -et à qui on a jamais posé la question : acceptez-vous ou non des décharges ?- se sont révoltés contre l’existence de ces lieux de nuisance, selon eux.
Il faut savoir traiter et atténuer ces nuisances conformément aux normes internationales et locales. Si la question de l’impact social ne faisait pas partie des préoccupations de l’époque d’avant la révolution, c’est aujourd’hui une donnée avec laquelle nous devons sérieusement composer.
Justement pouvez-vous nous expliquer dans quelles conditions le centre de traitement des déchets dangereux a été fermé en février 2011 ?La décharge de Jradou a été le premier cas de fermeture à cause des pressions de la population. Le centre a été fermé depuis le mois de février 2011, il y a un procès en cours et nous avons l’espoir de rouvrir ce centre. Les habitants accusaient le centre de nuisances sur leur santé mais cela n’a pas du tout été prouvé y compris par les experts désignés par le tribunal. Aucune pollution apparente, visible, prononcée n’a été détectée jusqu’à aujourd’hui. Ceci a été également le cas de la décharge de Guellala à Djerba qui est fermée depuis avril 2012.
Aujourd’hui dans quelle mesure la collecte des déchets est aussi la responsabilité des citoyens ?On peut dire que les citoyens sont en partie responsables dans la mesure où ils sortent leurs déchets à n’importe quelle heure de la journée et mettent leur sac le plus loin possible de chez eux. Mais ceci est un problème de gestion urbaine.
Justement, où est la police municipale pour mettre en place et superviser cette « gestion urbaine » ?Le terme de police municipale en tant que tel n’existe pas, nous n’avons pas eu de corps qui s’appelle police municipale. Ce qui existait avant la révolution, c’était les agents de contrôle de service sanitaire rattachés à la commune. On les appelait des agents de « contrôle de procédure ». Ce domaine était aussi victime de la sous-traitance et de certains abus, et dans la foulée de la révolution, en mars 2011, ces agents ont été mutés vers le corps de la police. Les raisons de cette mutation sont multiples et relèvent plus du ministère de l’Intérieur mais elles peuvent êytre expliquées par une volonté d’améliorer un statut professionnel et social.
En pratique, ces agents ont été annexés au corps de police et ils ont pratiquement arrêté de faire leur travail de contrôle des installations sanitaires ect…Ceci a duré trois ans jusqu’à l’arrivée du gouvernement provisoire qui a décidé que ce corps là, tout en gardant ses nouveaux statuts, soit mis de nouveau à la disposition des municipalités. Donc maintenant, nous pouvons dire que nous avons une « police municipale ».
Mais cette police est-elle présente ou pas ?Aujourd’hui, il y a une tentative de redéploiement de ces agents pour qu’ils fassent leur travail de contrôle. Ce sont des agents assermentés. Moi-même je les ai vus faire ces dernières semaines, il y a eu des centaines de verbalisation pendant ces deux derniers mois.
Où en êtes-vous aujourd’hui pour résoudre cette crise qui dure depuis trois ans?Il y a un plan d’action conjoint entre les différents ministères sur la questions. par contre il faut pousser à l’organisation rapide d’élections municipales. Ça devient une urgence. Nous espérons aujourd’hui que cela sera fait en 2015. Il ne faut pas laisser les municipalités sans gouvernance. Je pense que l’état doit quand même prendre ses responsabilités pour organiser des élections municipales et démocratiques. La troisième responsabilité de l’état c’est aussi de tracer des choix en matière de gestion et de traitement des déchets. Si aujourd’hui, le choix a porté sur l’enfouissement technique, il faut passer à un nouveau mode de réduction des déchets: réduction à la source et recyclage.
L’absence de police municipale
Le 26 juin 2014, après la réunion d’une cellule de crise, des mesures urgentes ont été annoncées par le gouvernement pour faire face à l’amoncellement des déchets surtout en période de grande chaleur. Parmi les mesures, le nouveau Premier Ministre a dit vouloir:
« Mener une campagne de propreté et de préservation de l’environnement, laquelle sera coordonnée par les gouverneurs, tout en engageant les équipes de la police municipale à mener des opérations intensives et qualitatives. »
Or c’est bien l’absence de police municipale qui fait défaut. Comme le confirme Mounir Majdoub dans son interview, après la révolution, les agents municipaux ont demandé à passer sous l’égide du Ministère de l’intérieur et non plus sous celle des municipalités.
Cette demande a été acceptée via un décret, le décret n° 2012-518 du 2 juin 2012, « relatif à la suppression du corps des contrôleurs des règlements municipaux et l’intégration des agents en relevant au corps de la sûreté nationale et de la police nationale. »
Selon Mounir Majdoub, le problème tenait aussi du fait qu’il n’y a jamais eu à proprement parler de vraie police municipale : “ Ces gens là étaient juste chargés de relever certaines infractions et une fois qu’ils ont été intégrés à la police, ils sont allés renforcer les corps de la police.”
Pour la municipalité de la Marsa, cela a créé un vide car la mairie n’a finalement plus d’agents pour faire respecter la propreté et la protection de l’environnement sur la voie publique.
« Nous n’avons personne pour sanctionner les citoyens qui jettent leurs ordures n’importe où ou qui ne respectent pas la voie publique. C’est bien beau de vouloir augmenter les amendes mais qui mettra ces amendes ? »
Du côté du ministère de l’Intérieur, il existe bien selon l’organigramme interactif publié sur le site, une direction des collectivités publiques et locales dont l’une des missions est : « d’établir les programmes relatifs à la propreté, à l’hygiène et à la protection de l’environnement, et de suivre leur exécution. » Or malgré nos demandes répétitives pour joindre ce service, nous n’avons pas eu d’interlocuteur pour répondre à nos questions.
Le ministère de l’Equipement, de l’aménagement du territoire et du développement durable a annoncé début mai le déploiement d’une police municipale qui peine finalement à être visible aujourd’hui et dont les missions restent floues.
La municipalité de la Marsa et celle de Bizerte admettent quand même avoir reçu des projets attrayants comme celui des « Casques Verts » initié par les Pays-Bas.
L’initiative vise à déployer des agents dans huit villes tunisiennes afin de former à la protection de l’environnement et communiquer avec les citoyens. Mais ces plans ne sont que ponctuels selon certains agents municipaux qui restent sceptiques :
« Nous avons eu des campagnes de propreté pendant un mois, des initiatives citoyennes mais le système nécessite une réforme plus profonde.”
Le problème d’absence de l’Etat est aussi visible dans la gestion des déchets de construction. Aujourd’hui, ils sont souvent amoncelés à côté des déchets ménagers, créant d’avantage de travail pour les éboueurs. Là encore, la question des pénalités attribuées aux citoyens ou aux entreprises qui déposent leurs déchets de construction dans la rue reste floue. Pour Ridha Brahim, directeur des études à l’Agence Nationale de Gestion des Déchets (ANGED) c’est un des plus gros enjeux actuellement
“Avant, les décharges acceptaient gratuitement les déchets de construction qui aidaient à l’enfouissement, les entreprises de construction prenaient généralement en charge avec l’aide de la municipalité leurs déchets et les amenaient directement dans la décharge. Nous voulions même ouvrir des carrières destinées uniquement à ces déchets. Mais la multiplication des constructions anarchiques a entraîné beaucoup de dépassements.”
A Sousse, une habitante témoigne de ces problèmes quotidiens. Elle a du passer une journée à la municipalité afin de convaincre les agents d’intervenir car son voisin avait déposé dans le container destiné aux déchets ménagers, l’ensemble de ses déchets de jardinage et de déblayage.
Là encore, ni l’Agence Nationale de Protection de l’Environnement (ANPE), ni les communes n’ont vraiment les moyens d’agir pour sanctionner les personnes concernées et l’absence de conscience citoyenne tout comme de police municipale alimentent un cercle vicieux où l’entassement des déchets en tout genre dans les rues, se poursuit.
L’associatif à la rescousse avec le tri sélectif
Si certains citoyens manquent de civisme, d’autres s’engagent activement dans la défense de l’environnement et sur la question des déchets. Ainsi le milieu associatif marque aussi son implication dans des campagnes de nettoyage souvent initiées par des jeunes comme au Kef avec l’opération T7éboha ou encore dans le cadre de nettoyage des plages.
Pour certaines municipalités, l’associatif joue désormais un rôle très important. La municipalité de la Marsa admet travailler de manière collaborative avec deux associations locales.
Au niveau national, SOS BIAA tente de sensibiliser aux dangers d’une crise sanitaire et des problèmes de pollution liés à la question des déchets. Au niveau local, les habitants se mobilisent parfois au sein d’un quartier pour améliorer le système de collecte comme dans le cas de l’association Tunisie Recyclage basée à la Marsa.
Jean-Baptiste Mesona, chargé de communication à Tunisie Recyclage, tente surtout de sensibiliser au tri sélectif afin de recycler. “Par exemple nous essayons de montrer aux gens les marques qui offrent des emballages recyclables. Ensuite, il faut communiquer sur les endroits où déposer ses bouteilles plastique vides”.
« Même si la filière de recyclage n’est pas vraiment installée en Tunisie, il faut essayer d’aller vers les points d’apport (sorte de cages en métal destinées à récupérer les bouteilles plastiques). La cage coûte dans les 300 dinars, chaque commune devrait pouvoir s’en procurer plusieurs.”
Les quelques 310 points destinés à recevoir des emballages plastiques, mis en place par les programmes Eco-Lef de l’ANGED, sont inégalement répartis sur le territoire tunisien. Selon les chiffres de l’ANGED, ils permettraient tout de même de récolter près de 10 000 tonnes de plastique par an.
Jean-Baptiste Mesona, comme Morched Garbouj de l’association SOS BIAA tentent de mettre en valeur un changement du système de collecte en réduisant à la source, les déchets. “Le porte à porte, la collecte à domicile, cela pourrait marcher à terme et éviter une surproduction de déchets comme ce que l’on vit depuis trois ans” ajoute Jean-Baptiste Mesona.
Les déchets recyclables sont ensuite en partie revendus à l’ANGED pour le plastique et à la société SOTUVER pour la verrerie. Une partie est retraitée sur place, l’autre, à l’étranger, du fait du manque de moyens. Pour le compostage il existe désormais également des usines locales comme à Gammarth mais cela reste à l’échelle locale et cette méthode peine à faire l’objet d’une politique nationale.
Problèmes sanitaires
Si chaque raison de fermeture soudaine d’une décharge par la population est spécifique, les revendications des habitants portent souvent sur les odeurs nauséabondes ou le risque d’un impact sanitaire et de pollution. Dans le cas où le rejet du lixiviat, le liquide résiduel qui provient du passage de l’eau à travers les déchets, est insuffisamment traité, certains habitants y voient un réel risuqe pour leur santé comme dans le cas de la décharge de Jbel Chakir. Or là encore, le manque d’études et de suivi sur cette question laisse la place à toutes les thèses sans preuves réelles de l’impact sanitaire des décharges.
« D’une façon générale, pour l’ensemble du pays, les problèmes de l’exploitation des décharges viennent du fait que les déchets ménagers contiennent beaucoup de matière organiques et beaucoup d’eau. Cela génère beaucoup de lixiviats et de biogaz à traiter » indique Patrick Winckel de la Société Tunisienne pour l’Environnement (STE).
Ce système présente des failles si le contrôle du lixiviat est délaissé et si les ordures ne sont pas correctement triées. En 2012, un rapport mené par l’Union Européenne sur le profil environnemental de la Tunisie pointait déjà les défaillances en matière de gestion des déchets :
« …Les mesures sanitaires appropriées pour le recouvrement avec de la terre et le traitement des lixivitats font défaut même dans les décharges contrôlées, les transformants en source de pollution(…) Le reste des déchets ménagers est éliminé en dépotoirs sauvages non contrôlés et les déchets industriels et médicaux (estimés à 18.000 t/an) sont souvent évacués conjointement avec les ordures municipales »
Même si selon le ministère de l’Environnement, les conséquences sanitaires des décharges n’ont jamais été prouvées, construire une décharge à proximité des habitations reste un problème et les revendications de la population souvent similaires d’une décharge à une autre, ne trouvent pas d’écho.
Quelles solutions?
Pour les associations comme SOS BIAA, il faut revoir le système en entier, à commencer par le tri à la source. Morched Garbouj insiste sur l’idée de sensibiliser le citoyen au tri sélectif.
« Il faut réduire les déchets dès le début car le système des décharges touche à sa fin. Entre les gens qui n’en veulent plus, le problème des fermetures et la saturation d’une décharge comme celle de Borj Chekir, il faut revoir toute la stratégie. »
Des projets alternatifs de compostage sont aussi en cours d’étude. Le premier centre pilote sera mis en place du côté de Béja vers la fin de l’année 2014.
Mais la construction de décharges ne doit plus se faire sans une étude sociale au préalable afin d’éviter le rejet des citoyens. Pour Ridha Brahim, l’ANGED peut apporter “assistance technique” notamment pour aider aussi les autorités locales et les communes à faire des études d’impact sur les sites destinés à accueillir des décharges.
Comme en témoigne le cas de la décharge de Guellala ou encore la saturation de la décharge de Borj Chakir, ces études d’impact n’ont pas mesuré l’ampleur des confrontations avec les citoyens qui entraînent les blocages des projets.
Consultation publique vs répression
Ridha Brahim, qui admet cette situation de blocage, encourage désormais à d’avantage de “consultation publique” afin d’inclure les citoyens dans le processus et de mieux communiquer sur la gestion des déchets. Cette nécessité de consulter d’avantage le citoyen a aussi été soulignée par Mounir Majdoub, Secrétaire d’Etat à l’Environnement. (voir l’interview ci-dessus)
« Les études d’impacts réalisées avant l’année 2005 n’ont pas traité le social. La notion de consultation publique est imposée à partir de cette année.”
Entre la communication et l’installation matérielle d’outils pour le tri sélectif, imposer le respect de la voie publique et de l’environnement, le rapport du citoyen à ses déchets est souvent lié à la perception qu’il a de l’Etat et de son pouvoir.
Tant qu’il se pose dans un rôle de défiance face à un Etat qui se montre soit absent soit répressif, les multiples campagnes de propreté et les plans d’action du gouvernement auront du mal à résoudre une certaine crise de confiance.
« Dans le cas du centre de transfert de la Pêcherie, fermée pendant deux ans et demi, les raisons étaient claires : le centre de transfert des déchets était à seulement quelques mètres d’une école, pourtant ce centre vient d’être rouvert de force malgré le refus des citoyens. » témoigne Yassine Annabi, bizertin et président d’une association locale, l’Association de développement régional de Bizerte.
(NDRL: selon nos informations, la Pêcherie aurait été rouverte il y a un mois, de force, suite à un décret du Conseil des Ministres.)
A Djerba, le blocage de la décharge a même donné lieu à des affrontements entre citoyens et forces de l’ordre le 11 juillet 2014.
Après moultes négociations, la décharge de Guellala à quelques kilomètres du centre à Djerba risque aussi d’être réouverte. Y-aura-t-il à terme d’autres solutions proposées aux citoyens qui habitent à côté ? En l’absence d’une réelle police municipale formée spécifiquement pour la question de l’environnement, la réponse semble rester répressive.
“Peut-être que l’Etat devrait opter pour des méthodes de compensation mais cela ne changera rien aux mauvaises odeurs et au mécontentement populaire” conclue un acteur du monde associatif.