Dans une famille aux conditions économiques inférieures à la normale, Houyam est née d'un père employé et d'une mère qui, pendant des décennies, a veillé sur les affaires familiales, à l'exception d'une courte période pendant laquelle elle a été couturière. Elle a rapidement quitté son emploi pour se préoccuper de ses deux filles et ses deux garçons dont les besoins augmentent avec l'âge.
Dans ce contexte familial empreint de sentiments et de solidarité, Houyem rêve d’" être indépendante financièrement, et vivre confortablement par ses propres moyens. Ceci afin de pouvoir prendre soin des autres et éviter de se retrouver à la merci des autres".
Houyem déclare : "Certaines jeunes filles sont élevées et croient qu'il faut avoir un partenaire pour atteindre une stabilité économique, posséder une maison, une voiture, voyager.. Mais depuis mes 16-17 ans, j'étais convaincue que j'allais me battre pour y parvenir toute seule."
À quinze ans, Houyem a choisi de suivre une formation littéraire, une discipline que beaucoup jugent limitée en Tunisie et vers laquelle ne se dirigent que ceux qui sont incapables de maîtriser les filières scientifiques. Mais elle était déterminée à le faire : elle s’est inscrite après le lycée en anglais d’affaire. Cette filière a pendant longtemps brisé les rêve de beaucoup d’étudiants, qui se sont retrouvés ensuite au chômage, et qui même en travaillant, percevaient un salaire maigre ne dépassant pas 600 dinars.
Après avoir obtenu une licence en anglais d’ affaire en 2014, Houyem avait le choix entre poursuivre son master ou chercher un emploi faiblement rémunéré. Malgré que les 600 dinars lui paraissent satisfaisants, elle a décidé de continuer ses études afin d’améliorer ses chances d’obtenir un meilleur emploi.
Peu après avoir commencé son master, elle a été contactée - à travers son ancienne université - par une organisation internationale chargée de suivre les élections en Tunisie en 2014, puisqu'elle faisait partie des cinq premiers de sa promotion. A la suite d’un entretien individuel, elle a travaillé comme interprète pendant 12 jours, entre les élections présidentielles et législatives, pour un salaire journalier de 80 dinars.
Parallèlement aux études, elle a travaillé en tant que traductrice freelance. Puis, elle a rejoint une entreprise à la Charguia, dans la capitale, en tant qu’assistante de direction. Ce travail lui convenait parfaitement puisqu’elle a trouvé un arrangement avec le directeur. Houyem se rendait donc à l’entreprise lorsqu’elle n’avait pas cours, et son salaire oscillait entre 40 et 60 dinars par jour.
A la fin de son master, la jeune fille s’est retrouvée face à une impasse. Sa colocataire allait se marier. Houyem devait donc payer l’intégralité du loyer, chose qu’elle n’était pas en mesure de faire.
Elle a dû retourner dans sa ville natale, où les opportunités d'emploi et de formation sont moins nombreuses. Cependant, grâce à un ami qui travaille dans un bureau de traduction, elle a pu y décrocher un stage facilement. Dans cet établissement, Houyem a été exploitée, puisque pendant quatre mois, elle ne percevait que 350 de salaire.
Tout de suite après, Houyem a fait ses valises avec joie, pour se rendre aux États-Unis après avoir été acceptée dans un programme d'échange culturel entre la Tunisie et les USA pour un mois et demi. Là-bas, les jours passent vite, et la jeune fille se retrouve dans le même bureau de traduction, mais avec un contrat et 500 dinars par mois, jusqu’à fin 2017.
En fait, ce salaire a évolué pour atteindre 900 dinars par mois après qu'il ne soit devenu un élément indispensable de l’équipe. Houyem traduisait environ 50 000 mots mensuellement. Cependant, la pression et l’exploitation matérielle la frustraient Elle a essayé de s’adapter à la situation, mais s’est finalement rendue compte qu’elle ne pouvait pas continuer à travailler dans le secteur privé. Elle a donc opté pour la société civile.
A cette époque, elle obtient un contrat avec une organisation internationale opérant à Tunis, avec un salaire mensuel de 1500 dinars. Cependant, elle a dû retourner à Tunis, om le loyer, et le coût de la vie ont augmenté. Au bout de deux ans, “l’environnement de travail s’est dégradé, et a commencé à devenir de plus en plus désagréable”, selon ses dires. Ceci l’a poussé à chercher un autre emploi.
Houyem quitte son travail à l’organisation internationale, et obtient à poste au sein d’une mission diplomatique, avec 3000 dinars de salaire, soit le double de son salaire précédent. Pour passer d’un emploi à l’autre, elle a dû ne pas travailler pendant un mois, ce qu’elle ne pouvait pas supporter. Elle a donc accepté une offre d'emploi pendant cette période pour 1500 dinars, avec une organisation avec laquelle elle a travaillé en 2014.
Son travail au sein de la représentation diplomatique n'a duré que 3 mois. Elle s'est ensuite rendue à Washington pour un programme de bourses d'un an entre janvier et décembre 2020. Comme à toutes les étapes de sa vie, Houyem n’a jamais eu de temps libre. Dès son retour de Washington, elle rejoint une ambassade européenne avec un contrat d’un an et un salaire mensuel de 3500 dinars. En réalité, ce contrat a duré deux ans et deux mois, à la suite de quoi elle a changé d’emploi, la soumettant à une période d’essai de 3 mois et un salaire de 3900 dinars. Houyem a récemment réussi sa période d'essai et signe un nouveau contrat de 4300 dinars par mois.
Avec un salaire qui lui permet une marge de dépense confortable, Houyem ne réfléchit pas beaucoup à la manière dont elle dépense son argent. Surtout qu’elle n’a pas de responsabilités importantes qui l’obligent à s’inquiéter. Ses frères et sœurs travaillent, et son père reçoit une retraite. Néanmoins, la jeune femme contribue mensuellement aux dépenses de la famille.
Pour ce qui est de sa méthode pour obtenir de bonnes opportunités d'emploi, Houyem dit que parfois elle recevait des recommandations de ses amis, mais qu'elle passait divers tests. Ses opportunités d’emploi exigent un haut degré de compétence.
Pour trouver de bonnes opportunités d'emploi, Houyem prend parfois les recommandations de ses amis, et consulte fréquemment les sites officiels des ambassades et les sites de recrutement. Elle a toutefois dû passer plusieurs tests, car ces emplois exigent un niveau de compétence élevé.
En plus de mener une vie financièrement confortable, Houyem a réussi cette année à acheter une voiture d’occasion pour 38 000 dinars. Elle a voyagé en France et en Belgique, dépensant plus de 4 500 dinars. Parfois, pour se reposer après une semaine chargée, elle passe le week-end dans un hôtel en Tunisie.
Zone grise
Concernant le manque de clarté dans sa carrière et sa situation économique, Houyem répond en souriant “A l’heure actuelle, je me réjouis encore de ce nouveau contrat. J’espère continuer à m’améliorer dans ma vie professionnelle et personnelle, à me garantir une vie confortable et à être satisfaite de ce que je fais.”
Futur
Houyem détourne le regard, fixant l'étendue de la mer et continue : “Parfois, je pense à quitter la Tunisie, mais je me rétracte et me dit que je ne retrouverai pas ce confort dans un autre pays, loin de mon entourage et de ma famille. Je vis actuellement seule, mais si je déménage, je risque de devoir partager un appartement, ce qui me met plutôt mal à l'aise.”
Si Houyem veut partir, c’est pour la qualité de vie hors de la Tunisie. Elle considère que même avec un bon salaire, il est impossible de se débarrasser des difficultés de la vie quotidienne, dans les rapports avec les administrations, les services financiers, et même la circulation dans les rues.
Houyem a un avenir prometteur grâce à son amour pour son travail et sa volonté de s’améliorer. La jeune trentenaire est convaincue que la compétence professionnelle crée de meilleures opportunités, et lui permet d’être un “profil” sollicité, peu importe les circonstances, il y aura toujours du travail à faire.