Pourquoi vous êtes-vous présentée en octobre 2011 ?
Je suis un homme engagé depuis mon plus jeune âge. Je fais partie des premières personnes ayant crée le mouvement islamique en Tunisie. A l’époque nous étions dans la clandestinité. Nous considérions que la société allait vers un modèle qui était en quasi opposition déclarée avec le modèle musulman. Je ne suis pas nouveau dans le militantisme. Bien sûr nous avons payé de notre liberté, nous avons été persécutés et privés de nos droits.
En 2011 nous sommes revenus chez nous. J’ai réintégré mon administration et l’occasion s’est présentée d’être candidat. J’ai répondu favorablement à cet appel pour servir la Tunisie. C’est comme ça que je vois l’appel de 2011. Je suis entré à l’ANC en 2011 pour servir mon pays et non pas un parti ou une opposition, mais mon pays. C’est pour cela que je n’ai pas eu de problème dans ma tache. J’ai voulu mettre l’intérêt général avant celui des partis.
Pour nous cette possibilité a été un don du ciel. Personne n’imaginait que Ben Ali s’en aille si simplement. Mais il ne faut pas trop regarder en arrière. C’est pour cela que la vendetta ne doit pas être une devise. Nous étions victimes d’un terrorisme d’Etat mais laissons Dieu juger. Il ne faut pas faire traîner cette malheureuse expérience car elle handicapera l’avenir.
Regardons plutôt comment construire la Tunisie avec une nouvelle vision, un nouvel objectif, à savoir : faire réussir notre pays pour ne pas revivre l’ère de la dictature.
Quelle a été votre expérience de ces trois années écoulées ?
C’est une expérience richissime ! D’abord du point de vue professionnel. Les critiques ont été fortes mais il faut se rendre compte que la société tunisienne n’était régie par aucune loi car tout était abrogé. Il fallait pourtant que le pays fonctionne. Nous avions un contrat moral pour un an. Mais il fallait que le travail soit fait et il fallait doter le pays d’une Constitution, qui a finalement été applaudie par tous.
Il fallait mettre en place un code électoral, des institutions… l’ANC l’a fait. La Tunisie est actuellement assise sur une base sûre, avec des lois qui légifèrent notre quotidien.
Au sein de la Commission des finances nous avons voté 6 budgets de l’Etat, 147 lois et passé des centaines d’heures à travailler… tout ceci est un travail énorme.
L’expérience est aussi riche humainement. Nous sommes arrivés (ndlr Ennahdha) avec l’idée que nous étions la majorité et que donc nous allions faire passer les lois que nous jugeons meilleures pour la Tunisie alors que le réalité est autre. Une fois présents en session plénière nous avons trouvé d’autres points de vue, d’autres idées. Nous avons finalement pu moduler et créer un modèle tunisien qui reflète le vrai quotidien des Tunisiens. Certains sont très attachés aux préceptes du Coran, d’autres sont farouchement contre et d’autres ont un point de vue entre les deux. A mon avis nous sommes arrivés à ce juste milieu qui est visible à travers le 1er article de la constitution qui nous unit tous.
Nous sommes unis autour d’un seul article qui va réglementer notre quotidien. Nous avons ramené des idées diamétralement opposées vers un juste milieu . J’espère que la prochaine législature aura aussi ce juste milieu.
Pourquoi ne vous présentez-vous pas en octobre 2014 ?
Etre membre du parti Ennahdha demande une discipline. Le parti a tracé des objectifs et a jugé utile que certaines figures le représentent plutôt que d’autres. Est-ce un bon ou un mauvais choix? Je ne sais pas. Moi je suis au service de la Tunisie.
Il est vrai que j’aurais souhaité finir ma tâche. Il y a plusieurs réformes que j’aurais aimé accompagner. Mais je pense pouvoir toujours servir le pays autrement : réintégrer l’administration, être un acteur actif au sein de la société…
Mais je pense aussi à une autre voie. Je me suis occupé de 6 budgets de l’Etat, dans une période difficile. De ce fait je suis tenté par une expérience internationale, dans les relations multilatérales. Je considère avoir un rôle à jouer en Tunisie. Et d’ailleurs j’envisage peut-être de me présenter devant les citoyens via une candidature aux élections présidentielles dans 5 ans.