Droits et Libertés

La Tunisie dénonce le "meurtre injustifié" de Abdelkader Dhibi à Marseille

La mort d'Abdelkader Dhibi, un ressortissant tunisien de 35 ans, continue de faire des vagues bien au-delà de Marseille. Abattu par la police française le 2 septembre après avoir poignardé plusieurs personnes dans le centre-ville, il est désormais au cœur d'un bras de fer diplomatique entre Paris et Tunis.
Par | 05 Septembre 2025
Selon le parquet de Marseille, l'incident commence après l’expulsion de Abdelkader Dhibi d'un hôtel pour non-paiement de son séjour. Armé de deux couteaux et d'une barre de fer, il attaque le gérant de l'hôtel et son fils, ainsi qu’un client et deux passants. Une patrouille de police en civil intervient rapidement et, face à la résistance de Dhibi qui refuse de déposer ses armes, les agents ouvrent le feu à six reprises. Touché par cinq balles, il décède lors de son transfert à l'hôpital. Le procureur précise que l'attaque s'est produite dans une zone très fréquentée, à Belsunce, et que la riposte policière “ a été immédiate compte tenu de la menace directe”.

Sans aucun antécédent de radicalisation, Abdelkader Dhibi présentait toutefois des antécédents judiciaires et des difficultés personnelles. Il avait été condamné en 2023 à La Rochelle pour violences avec arme contre un proche, et était connu pour sa consommation de cocaïne et d'alcool. Selon le parquet français, des troubles psychologiques auraient également pu influencer son comportement. Selon le procureur de Marseille Nicolas Bessone, ces éléments amènent à considérer l'incident sous un angle strictement sécuritaire, plutôt que terroriste.  

 Colère et indignation en Tunisie  

À Kasserine, la ville natale de Dhibi, la mort de l'homme suscite colère et indignation. Des manifestations au quartier Ezouhour, ont rassemblé des habitants exigeant l'ouverture d'une enquête indépendante et dénonçant ce qu'ils perçoivent comme une " exécution sommaire". La famille de Dhibi conteste aussi la version policière et accuse la police française d'avoir eu recours à une force disproportionnée. Dans une vidéo publiée par Diwan FM, le frère du défunt, Abderrahmen Dhibi, affirme que Abdelkader aurait pu être maîtrisé sans être tué, par exemple au moyen de gaz lacrymogène ou de tirs ciblant les jambes. 

Sur les réseaux sociaux en Tunisie, la mort d'Abdelkader Dhibi a aussi provoqué de vives réactions. La diffusion de la vidéo montrant l'instant où il est abattu par les forces de l'ordre a alimenté les débats et les accusations. De nombreux internautes y voient un acte de violence disproportionnée, voire un comportement raciste de la part de la police française. Pour plusieurs observateurs et proches de la victime, Abdelkader Dhibi se serait trouvé dans une situation de défense après une altercation, ce qui, selon eux, aurait rendu la riposte létale de la police injustifiée.

Un drame qui prend une tournure diplomatique  

Au lendemain du drame, le ministère tunisien des Affaires Étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l'Etranger a convoqué le chargé d'affaires par intérim de l'ambassade de France à Tunis pour lui adresser une protestation officielle. Selon le communiqué du ministère, la Tunisie considère la mort d'Abdelkader Dhibi comme un " meurtre injustifié" et exige que les autorités françaises mènent une enquête exhaustive, rapide et transparente afin d'identifier clairement les responsabilités.

La présidence de la république tunisienne a aussi réagi suite à cette affaire. Le président Kaïs Saïed a ordonné à l’ambassade de Tunisie à Paris de relayer la position officielle auprès des autorités françaises et de coordonner avec le consulat général à Marseille pour organiser le rapatriement du corps dans les plus brefs délais.

L'affaire dépasse désormais le cadre d'un simple fait divers pour devenir un enjeu diplomatique. La position des autorités tunisiennes, qui contestent fermement l'intervention policière et réclame des éclaircissements rapides, s'oppose directement à celle des autorités françaises, qui justifient l'intervention par la nécessité de neutraliser une menace immédiate. Au-delà de cette divergence d’interprétation, ce désaccord met également en lumière des tensions plus profondes entre Paris et Tunis, liées aux questions de migration, de sécurité et de coopération judiciaire.   

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