Le plus ancien prisonnier politique en France
Arrêté à Lyon en 1984, Georges Ibrahim Abdallah est condamné en 1987 à la réclusion à perpétuité pour "complicité" dans les assassinats de Charles Ray, attaché militaire américain, et de Yakov Barsimantov, responsable du Mossad en France, tués en 1982 à Paris. Les FARL avaient revendiqué leurs morts.
Militant marxiste-léniniste, Abdallah n'a jamais nié son engagement dans la lutte anticoloniale, et a toujours revendiqué son militantisme comme une réponse à l'occupation israélienne au Liban et en Palestine.
En 1999, Georges Abdallah devient pourtant libérable. À deux reprises, en 2003 puis en 2013, les juridictions françaises acceptent sa libération sous condition... mais celle-ci est systématiquement bloquée par des refus politiques, notamment celui de signer le décret d'expulsion vers le Liban. Le ministre de l'Intérieur de l'époque, Manuel Valls, s'y était opposé, évoquant des "raisons d'État" .
Une libération sous condition d'expulsion
La cour d'appel de Paris a finalement décidé de la libération de Georges Abdallah. La justice française, qui juge son comportement en prison exemplaire et estime qu'il ne présente plus "une menace terroriste sérieuse", a conditionné cette libération par son départ obligatoire de France et à une interdiction définitive de retour. Âgé de 74 ans, le militant libanais sera extradé vers Beyrouth via un vol fixé au 25 juillet 2025.
Jean-Louis Chalanset, avocat de Georges Abdallah, décrit cette libération comme une “victoire politique”, en rappelant qu’elle survient "malgré l'opposition des États-Unis".
En juin 2024, le gouvernement libanais avait officiellement réclamé sa libération suite à une décision du Conseil des ministres de confier au ministère de la Justice le suivi du dossier auprès des autorités françaises, estimant son maintien en détention "juridiquement injustifié".
Suite à l'annonce, le Liban a chargé son ambassade à Paris de faciliter son rapatriement, le renouvellement de son passeport et l’organisation de son départ par vol diplomatique spécial.


Un symbole des luttes anticoloniales contemporaines
Dès le début de son incarcération, Georges Abdallah est perçu par ses soutiens comme un prisonnier politique. Car si les faits qui lui sont reprochés – et qu’il a toujours niés – relèvent de la justice pénale, la peine prononcée, l'opposition persistante des autorités françaises à toute libération conditionnelle et l'influence déclarée d'acteurs étrangers, dont les États-Unis et Israël, ont contribué à faire de lui un symbole.
Au fil des années, il est devenu une figure majeure de la lutte anticoloniale, notamment dans les milieux de gauche, en France comme au Proche-Orient. Chaque année, des manifestations ont lieu devant la prison de Lannemezan (Hautes-Pyrénées), mais aussi à Beyrouth, à Tunis ou à Athènes pour réclamer sa libération.
Plusieurs ONG de défense des droits humains considèrent le cas de Georges Ibrahim Abdallah, parmi d’autres, comme emblématique des "dérives sécuritaires" de l'Europe. La Ligue des droits de l'Homme (LDH-France) a, à plusieurs reprises, dénoncé les conditions de sa détention et l'instrumentalisation politique de son cas.
"Une victoire symbolique"
L'annonce de la libération de Georges Ibrahim Abdallah marque une victoire symbolique pour celles et ceux qui l'ont soutenu depuis des décennies. Mais sa future libération ne clôt pas seulement un chapitre judiciaire : elle ravive les tensions autour du traitement des détenu·es politiques en France, et rappelle que certains procès ne se jouent pas uniquement dans les tribunaux, mais aussi dans les chancelleries et les rapports de force internationaux.
Pour Jean-Louis Chalanset, avocat de Georges Abdallah, cette décision “est à la fois une victoire judiciaire et un scandale politique qu’il ne soit pas sorti plus tôt, à cause du comportement des États-Unis et de tous les présidents français”.