Entre haine et fake news, quelle est l'influence des réseaux sociaux sur les politiques de l’Etat ?

Depuis plusieurs mois, Kaïs Saïed mène une campagne de répression contre ses opposant·es politiques, dont plusieurs ont été poursuivi·es en justice, voire jeté·es en prison. Pendant ce temps, sur les réseaux sociaux, plusieurs groupes et pages soutiennent Kaïs Saïed et expriment parfois des idées similaires au Parti nationaliste tunisien, diffusant des discours de haine et de fausses informations contre la société civile ou les minorités migrantes. Plongée dans ce cyber phénomène dont l’ampleur grandissante interroge. 
Par | 26 Janvier 2024 | reading-duration 20 minutes

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“Il faut mettre un terme à cela” : le 24 novembre 2023, Kaïs Saïed a prononcé un discours véhément contre les associations, leurs “financements étrangers” et leur agenda politique. Des accusations extrêmement similaires à celles du Parti nationaliste tunisien, qui dénonçait, depuis au moins mai 2022, les activités de la société civile.

Ce n’est pas la première fois que le président tunisien campe sur des positions similaires à ce parti ou qu’il prononce des discours contre la société civile ou les médias. L’année 2023 a par exemple été marquée par des violences à l’égard des migrant·es subsaharien·nes. En réaction, le pouvoir a accusé les médias de propager de fausses informations sur la situation migratoire : un communiqué conjoint entre le ministère de l’Intérieur, le ministère de la Justice et le ministère des Technologies de la communication a notamment été publié le 24 août 2023, annonçant "des poursuites judiciaires contre ceux qui propagent des rumeurs, des informations calomnieuses et mensongères sur les réseaux sociaux", qu'ils soient "à l'intérieur ou en dehors du territoire tunisien"

Ce communiqué s’inscrit dans la continuité du décret-loi présidentiel 2022-54, publié le 13 septembre 2022, qui vise à " lutter contre les infractions liées au système d'information et de communication”, avec une peine pouvant aller jusqu'à cinq ans de prison dans des cas de diffusion de “fausses nouvelles”. Depuis, au moins une vingtaine de personnes, principalement issues de la société civile, ont été poursuivies sur cette base.

Pourtant, ces menaces ne touchent pas les partisan·es du Président et son gouvernement. Wafa Chedly, avocate connue pour son soutien à Kaïs Saïed, contre qui plusieurs plaintes ont été déposées pour diffusion de fausses informations, n’a jamais été inculpée. Le Parti nationaliste tunisien, cœur de diffusion des propos haineux et de déclarations mensongères à l’encontre des migrant·es subsaharien·nes, n’a lui non plus jamais été auditionné.

“On a soi-disant un décret 54 et un gouvernement qui agit. Ce n’est le cas que pour les journalistes ou les opposants”, dénonce Falso, plateforme de recherche numérique qui lutte contre les fausses nouvelles et les rumeurs.

Avec ces mesures, Kaïs Saïed se pose ainsi en opposant aux fake news”. Pourtant, dans ses propres discours, il alimente des théories complotistes haineuses, comme cela a été le cas le 21 février 2023, lorsqu’il a qualifié les migrant·es subsaharien·nes de “hordes de migrants clandestins" qui arrivent en Tunisie afin de “changer la composition démographique du pays" et “détruire son identité arabo-musulmane”

Les propos du président ont été repris des milliers de fois, notamment sur Facebook et TikTok et ont donné de la visibilité à des discours racistes préexistants. Par exemple, le hashtag #القومية_التونسية, utilisé pour la première fois le 18 juin 2022 par le Parti Nationaliste tunisien via son compte TikTok, a obtenu 11 millions de vues entre le 28 janvier et le 27 février 2023, dont 9 millions durant la semaine du 20 au 26 février 2023.

“Les mercenaires de Facebook”

“En Tunisie, pour 12 millions d'habitants, on a 8 millions de comptes Facebook, et globalement 60% de la population a accès à Internet”, dénombre FALSO.

Si dans beaucoup de cas, la propagation de fake news se fait de manière involontaire, avec des individus qui ne font que repartager les publications qu'ils voient sur leur fil d'accueil, leur diffusion se fait parfois de manière intentionnelle. Pour Falso, il existe plusieurs situations de ce type : la plateforme distingue d'abord les informations véhiculées par ce qu'elle appelle "les mercenaires de Facebook". En clair, ce sont des individus profitant d'un grand nombre d'abonné·es pour revendre leur page Facebook ou pour y partager un certain contenu contre de l'argent. Les prix dépendent ainsi de la période, “pouvant arriver à 7000 ou 8000 dinars en cours d'élections”.

Selon le rapport de la Cour des comptes, analysant les financements de la campagne présidentielle de 2019, ces pages ont drastiquement augmenté pendant la période électorale, devenant même plus actives que les pages officielles des candidat·es. 

“En 2019 par exemple, en pleine campagne présidentielle, une page connue sous le nom de 'J'adore ma belle-mère parce qu'elle a donné naissance à l'amour de ma vie' a vu son nom changer pour 'Salma Elloumi présidente de la République'".

L’entreprise Fake News 

S'ensuivent les groupes dits "plus dangereux", qui en plus des fake news, peuvent propager des discours violents et haineux. Selon Falso, “ces derniers aspirent à être récompensés, non pas essentiellement par de l'argent, mais aussi et surtout par des postes au sein de l'appareil étatique”

Une des caractéristiques de ces groupes est leur similitude. Ils agissent à la manière d'une entreprise, entre plusieurs collaborateurs et différents réseaux, mais sans réelle hiérarchie esquissée. Les contenus partagés sont quasi-identiques, tout comme les sujets abordés dans les publications diffusées en direct. 

“Il y a une machine de désinformation. Je suppose qu'il n'est pas dangereux d’appeler cela de la propagande parce que c'est beaucoup de contenu et d'informations partagés en permanence pour diaboliser les opposants politiques”, estime Rima Sghaier, cyber-chercheuse tunisienne et analyste politique. 

Selon Falso, “on parle de plusieurs petits réseaux, avec minimum 1000 pages sous les mains de cinq principaux administrateurs et des connexions entre les différents réseaux. L'agrégation entre ces petits réseaux crée un grand réseau mafieux”.

À travers ses recherches, inkyfada a identifié plusieurs profils possédant des pages diffusant du contenu en soutien à Kaïs Saïed. À eux trois, Oussema Arfa, Nizar Oueslati dit “Dax” et Thameur Bdida cumulent des centaines de milliers d’abonné·es. Parmi ces membres importants sur Facebook, certains administrent des pages en commun, ayant une puissance et une influence sur le réseau social grâce à leur nombre d’abonnés conséquent.

Ces utilisateurs Facebook qui cumulent des milliers d’abonnés, possèdent parfois plusieurs pages à leur nom, afin de toucher une audience plus large.

Contacté par inkyfada, Oussema Ben Arfa, n’a pas souhaité répondre aux questions et s’est contenté de nier être en lien quelconque avec Nizar Oueslati Dax. Contacté également, ce dernier n’a jamais répondu.

Quant à Thameur Bdida, il déclare “utiliser les réseaux sociaux et apporter son soutien à Kaïs Saïed depuis 2015”. Pour lui, les réseaux sociaux ont une force de frappe importante dans le pays. “Nous pouvons faire beaucoup de choses avec les réseaux sociaux dans toute la Tunisie, Facebook est très puissant.” Après avoir répondu aux  premières questions d’ inkyfada, Thameur Bdida n’a pas souhaité donner suite à nos demandes. 

Certaines personnes administrent plusieurs pages similaires, cumulant des centaines de milliers d'abonnés. Oussema Arfa et Nizar Oueslati Dax gèrent à eux deux 10 pages en commun.

De Facebook à Carthage

En 2014, Kaïs Saïed commence de plus en plus à se faire connaître sur la scène politique. Son discours antisystème le rapproche de jeunes voulant “refaire une Révolution qu’ils n’ont initialement pas faite”, pour reprendre les mots du politologue Hamadi Redissi. Rejetant ainsi les partis traditionnels, Kaïs Saïed a su compter sur la nouvelle ère digitale pour trouver ses appuis. 

Le rapport de la Cour des Comptes, rendu en octobre 2020, montre que 30 pages Facebook ont été utilisées comme outil de campagne en faveur de Kaïs Saïed. Celles-ci comptent à elles seules 3.045.466 abonnés, soit près de cinq fois plus d’abonné·es que les pages soutenant Nabil Karoui. 

Selon les détails disponibles sur ces pages publiques, les administrateurs viennent des quatre coins du monde, principalement de Tunisie et de France, mais également d'Arabie Saoudite, des États-Unis, Italie, sans oublier la Turquie, l'Allemagne, le Canada et la Chine. L’activité de ce noyau dur prend diverses formes, pouvant être de simples publications écrites, des images commentées ou encore des lives, leur principale marque de fabrique. 

Pour Rima Sghaier, “il y a eu un abus de l'utilisation de la fonctionnalité en direct. Plusieurs pages lancent des directs en même temps, alors qu’en réalité, elles diffusent une vidéo enregistrée diffamant différentes personnalités et partis politiques”. Ces monologues peuvent à la fois s'adresser à l'ensemble du peuple tunisien comme ils peuvent s'adresser directement au président de la République. D'autres sont en revanche plus violents, avec de nombreuses insultes qui se réitèrent à chaque fin de phrase, s'attaquant en effet à l'ensemble de la société civile et aux médias. La gestuelle y est menaçante, tout comme le ton, souvent furieux. Ces personnes n’hésitent pas à donner leur avis sur chaque sujet d'actualité et sur chaque rumeur propagée, dont le complotisme sera souvent leur principale source d'explication. Ces publications et ces lives qui prennent souvent une grande ampleur en étant partagé un nombre de fois conséquent, font régulièrement écho à Kaïs Saïed lui-même, et à ses idées. 

Leurs publications sont quant à elles remplies de spéculations et même d’avant-premières, appelant ou faisant allusion à des décisions prises par le Président de la République par la suite. Par exemple, si le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) a été dissous le 13 février 2022, ces pages Facebook annonçaient déjà sa dissolution dès le mois de janvier.

Le jour même de la dissolution, le Président a été fortement félicité sur ces pages Facebook pour cette décision “prise en faveur du peuple”, avec notamment une expression qui revient souvent : "le César l'a fait".

Les attaques contre les juges ont été directes, personnelles et souvent insultantes. Plusieurs d'entre eux ont vu leur image se retrouver au coeur de ces publications, avec une ou plusieurs phrases diffamatoires les pointant du doigt et les accusant soit de trahison, soit de terrorisme. Sur deux pages Facebook “Sayeb Salah” et “Hasdrubal News” en particulier, 162 publications insultantes ont été consacrées spécialement aux juges durant le mois de janvier 2022.

Sur leurs pages facebook, ces utilisateurs propagent un grand nombre de posts, avec des récurrences dans des sujets précis, comme “purifier la justice”. *Le 6, 23 et 24 janvier ont été les journées les plus prolifiques avec respectivement 13 posts, 12 posts et 15 posts dans la même journée sur les juges.

Le Parti nationaliste tunisien, de plus en plus influent

En plus de ces profils, de nouveaux groupes à forte audience commencent depuis peu à se faire une place sur les réseaux sociaux. À la manière de Hasdrubal News et Sayeb Salah à l’encontre des juges, ils diffusent eux aussi un contenu riche en haine et en fake news. Leur particularité est cependant la consolidation d’un discours raciste.

À titre d’exemple, le Parti Nationaliste Tunisien, créé légalement le 10 septembre 2018, mais ayant déjà commencé à agir politiquement depuis 2012, est très présent en ligne, notamment à travers son site Alomma.tn. Comptant initialement à son effectif cinq membres, dont Sofiene Sghaier et Houssem Toubane, il n’a au moment de sa création pas de réelle audience. En effet, leur succès ne se concrétise qu’en 2020, lors de la crise du gouvernement Fakhfakh, avec des publications qui se multiplient sur Facebook et dans une moindre mesure sur Youtube.

En 2021, Falso note une étape-clé dans leur visibilité croissante : leur invention du mot " ajassyin" (الأجصيين), acronyme “d’africains subsahariens” en arabe. Selon la plateforme, les Tunisien·nes se questionnaient en effet sur la définition de ce mot qui n'est qu'un acronyme arabe (أ.ج.ص) pointant du doigt les Africain·es subsaharien·nes. 

Dans les deux années qui suivent, une campagne haineuse et xénophobe est menée sur le cyber-espace contre cette minorité. Selon Falso, cette vague de racisme aurait débuté en novembre 2022 dans des groupes Facebook de personnes passionnées d'animaux de compagnie, à l'instar de SOS animaux, profitant en effet de leur grand nombre d'abonné·es pour propager la haine et les fausses rumeurs. Un témoignage y est récurrent : celui de la disparition progressive de chats dans les rues tunisiennes, avec à chaque fois les mêmes mots et formes employées, avec pour seul changement le nom du quartier ou de la ville désignée. Dans ces témoignages, les Africain·es subsaharien·nes sont  accusé·es de tuer ou de manger ces chats. La particularité est que cette campagne, au-delà des frontières Facebook, s'étend désormais dans la sphère TikTok.

“Dans les quatre mois qui précèdent le 21 février (...), 5 millions de vues sont dénombrées en faveur de l'idéologie prônée par le parti nationaliste tunisien” recense Falso.

Ce succès cybernétique du parti engrange de fait un succès médiatique. En janvier 2023, la campagne a été critiquée par l’activiste Ghofrane Binous, dans la matinale radiophonique de la chaîne IFM présentée par Borhen Bsaies, et dans les jours qui suivirent, le parti nationaliste tunisien a revendiqué son droit de réponse. D’après le décret-loi n°2011-115 du 2 novembre 2011 relatif à la liberté de presse, de l'imprimerie et de l’édition, ce droit de réponse se réalise dans la même émission où la personne a été mentionnée et pendant la même plage horaire. 

Or, c'est sur la chaîne télévisée de Carthage+ que Borhan Bsaies choisit d’accorder à Sofiene Sghaier la parole pendant toute la durée de l 'émission Bellamara. Gagnant ainsi en audience, la campagne du parti devient ensuite le sujet principal de plusieurs émissions radiophoniques, que ce soit sur Diwan Fm, Shems FM, Jawhara ou encore Radio Med, et ce pendant tout le début du mois de février. Les fausses informations y sont plus que jamais relayées et discutées, donnant une plus grande visibilité au parti. Contactés par inkyfada, aucun des membres du PNT n’a répondu à nos questions. 

Des discours similaires

Face à ces pages Facebook, Kaïs Saïed ne semble pas être insensible. Pour Rima Sghaier, les similitudes entre les cyber-campagnes et les discours du président sont aujourd’hui plus que jamais visibles. Le communiqué partagé par la présidence le 21 février 2023  est un parfait exemple de la répétition d’idées et termes propagés par le Parti nationaliste tunisien pendant des mois. 

Les deux parlent d’un complot organisé depuis l’étranger, notamment par les “forces coloniales”, tel que l’Union européenne et plus particulièrement la France. Ils mentionnent leurs préoccupations quant à l'impact démographique de cette migration sur la Tunisie, soulignant le risque de transformation du pays en une “nation éloignée de son identité arabo-musulmane”. Ils soulignent également les problèmes de violence, de criminalité et d'actes inacceptables associés à l'immigration, et la nécessité d'y mettre fin rapidement. Sans oublier le déni de toute forme de racisme subi par les Subsaharien·nes au sein de l’Etat tunisien, accusant toute personne qui dénoncerait des actes de discriminations de “traître à l’Etat-Nation”.

Saadia Mosbah, militante et fondatrice de l'association Mnemty, engagée dans la lutte contre la discrimination raciale en Tunisie, a par exemple été la cible de nombreuses publications diffamatoires et racistes. Le Digital Forensic Research Lab (DFRLab), qui a travaillé en collaboration avec inkyfada sur cette enquête, a identifié 27 publications qui ont été reprises à travers les réseaux. Huit ont été publiées le 1er mars 2023, cumulant plus de 950 partages, et 16 publiées le 2 mars 2023 avec environ 200 partages. 

Ces publications accusent Saadia Mosbah de " trahison" et prétendent qu'elle "travaille au sein d'une association d'accompagnement et d'installation de Subsahariens (africains) contre 100 000 euros de l'ambassade d'Allemagne." D'autres allégations la qualifient d'avoir "une idéologie d'extrême droite et afrocentriste”. Ces publications émanent de pages et de profils différents. Et bien que certaines aient été publiées à quelques minutes d'intervalle, en ayant le même texte d’une publication à l’autre - ou au moins, un contenu très similaire -, le DFR précise "qu'il est difficile de confirmer une coordination dans la diffusion de ces accusations". Ils suggèrent que certaines pourraient provenir "d'utilisateurs légitimes qui croient en de telles accusations", mais insistent sur le fait que ces publications "représentent des tentatives en ligne visant à attaquer Saadia Mosbah en utilisant des textes copiés-collés dans le but d'amplifier des accusations non vérifiées à son encontre."

Influencer Carthage ?

Le PNT, désireux de se faire entendre par le pouvoir, a ainsi affirmé avoir envoyé à la présidence de la République le 26 décembre 2022, un rapport, censé prouver la théorie du grand remplacement. Auparavant, Kaïs Saïed avait déjà exprimé un penchant vers des théories complotistes, comme envers ses détracteurs politiques ou le milieu associatif, les “accusant de vouloir détruire l’État de l’intérieur” et “représentant un prolongement d’agendas étrangers”.

Grâce au numéro de suivi de la lettre envoyée par le PNT, ce dernier s’est assuré que le Palais de Carthage en avait bien fait bonne réception, moins de deux mois avant les discours complotistes du président sur les migrant·es subsaharien·nes.

Dans ce rapport, les dires du Parti nationaliste tunisien sont parsemés de fake news, minutieusement analysés par la plateforme Falso. inkyfada en a recensé quelques-uns.

Sources : Institut National de la Statistique, Observatoire National de la Migration “Enquête Nationale sur la Migration Internationale”, 2022.
Al-Sabah News, “Les Africains subsahariens envahissent la Tunisie, au nombre de 700 000. Quelle est la vérité sur le projet européen de les installer en Tunisie ?”, 16 août 2022

Lorsque Kaïs Saïed prononce son discours contre les Subsaharien·nes, le 21 février 2023, il s’inscrit dans la continuité de l’idéologie du PNT, en lui donnant de l’ampleur. Toujours selon Falso, “toute cette narrative est utile au Président”, qui trouve donc le moyen de justifier ses décisions comme volonté de la part des Tunisien·nes. “C'est un réseau qui produit la narrative de Kaïs Saïed, le poussant à publier un décret ou une déclaration soi-disant pour la volonté du peuple”

Quelques jours après le discours de la présidence sur les migrant·es subsaharien·nes, le Parti nationaliste tunisien s’est attaqué cette fois aux associations, aux organisations, à la société civile, aux syndicats, à l'Union européenne et aux envoyés diplomatiques en Tunisie. Le parti demande dans un nouveau rapport l'interdiction des subventions internationales pour les organisations, en estimant que celles-ci devraient passer d'abord par la présidence du gouvernement ou de la République qui eux répartiront ces subventions entre les différentes organisations.

Le rapport envoyé à la présidence par le PNT.

Ce nouveau rapport, également envoyé à la présidence, a été déterré par Kaïs Saïed, qui y a fait allusion dans une élocution le 25 novembre 2023. “Il existe des associations qui reçoivent des financements de l’étranger et qui sont des extensions des cercles du renseignement, il faut y mettre un terme.” Depuis plus d'un an, des discussions sur la législation autour des subventions allouées à la société civile font débat.

Ces campagnes en ligne et leur ampleur entraînent des conséquences concrètes pour les personnes visées par les accusations du PNT et les discours de Kaïs Saïed. De nombreuses personnes subsahariennes ont commencé à craindre pour leur emploi et leur sécurité après le 21 février 2023. “Il y a eu beaucoup de désinformation et une campagne ciblée clairement axée sur la haine qui a conduit à des cas de violence et de discrimination dans la rue. Et tout cela à partir des réseaux sociaux, malheureusement”, conclut Rima Sghaier.