En attendant, la rentrée scolaire 2018 apporte son lot de petites modifications, dérisoires face à ces enjeux. Les inscriptions des élèves du secondaire pour cette nouvelle année ont pu être faites à distance, par internet. Enfin, les cours reprendront par trimestres, et non plus par semestres.
Secteur Public |
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Au total, la Tunisie compte 272 établissements d’enseignement supérieur publics et privés. La plupart des facultés sont concentrées dans les gouvernorats de Tunis et Sfax. Ils en possèdent cinq chacun.
En comparaison, le gouvernorat de Kébili ne compte qu’un seul établissement, l’institut supérieur des études technologiques. C’est la région possédant le moins d’établissements supérieurs, suivie de près par Tozeur, Tataouine et Siliana qui possèdent chacune deux instituts publics.
Dans le secteur public, Sfax recense le plus d'écoles primaires et Tunis d’établissements secondaires. Au niveau de l’enseignement privé, le gouvernorat de Tunis possède le plus grand nombre d’écoles primaires et secondaires.
En moyenne, les classes les plus chargées dans les écoles primaires publiques se trouvent dans le gouvernorat de l’Ariana. Dans le secteur privé, c’est à Tunis que le nombre d’élèves par classe est le plus élevé.
Le privé gagne du terrain
En 2018, plus de 2 millions d’élèves sont inscrit·es dans le secteur public, contre environ 150.000 dans le privé (primaire et secondaire confondus). Depuis 30 ans, on voit une augmentation presque constante du nombre d’élèves inscrits dans les établissements privés.
Nombre d'élèves dans les écoles primaires publiques
Nombre d'élèves dans les écoles primaires privées
Nombre d'élèves dans les établissements secondaires publics
Nombre d'élèves dans les établissements secondaires privés
Entre 1995 et 2010, le nombre d’élèves dans les établissements primaires publics a fortement chuté, avec près de 500.000 élèves en moins. Depuis, il augmente légèrement chaque année.
À l’inverse, le nombre d’élèves en école primaire privée n’a cessé d’augmenter depuis 30 ans, avec une accélération en 2009/2010. En sept ans, il a plus que triplé.
Lors de la rentrée scolaire 2017, les élèves scolarisé·es dans les écoles primaire privées constituaient 6,5% des effectifs, alors qu’ils et elles n’étaient que 0,6% en 1994.
De la même manière, le nombre d’élèves inscrit·es dans les établissements secondaires publics diminue depuis l’année 2004/2005 alors que les inscriptions dans les écoles secondaires privées sont en augmentation régulière depuis 2004. En 12 ans, plus de 20.000 nouveaux et nouvelles élèves ont été inscrit·es dans le secteur privé.
Cependant, le nombre d’élèves inscrit·es dans les établissements secondaires privés a subitement chuté à la rentrée 2015. Ce changement de tendance pourrait être lié à la suppression progressive des 25% du contrôle continu compris dans la note du baccalauréat. Lors du baccalauréat 2015, le ministère de l’Éducation venait d’annoncer la suppression de 5% de ce “bonus” à l’examen.
Malgré cela, les établissements privés continuent d’avoir la cote, notamment chez les élèves en difficulté scolaire. Une fois inscrit·es dans ces écoles, ils et elles peuvent bénéficier d’un système de notation avantageux. Selon l’institut Afkar, un groupe de réflexion qui travaille sur les politiques publiques et qui se base sur des données officielles du ministère de l’Éducation nationale, la moyenne de certain·es élèves d’établissements privés pouvait varier entre 17/20 et 18/20 lors du contrôle continu en 2014/2015. Mais à l’examen du baccalauréat, leurs moyennes chutaient à 5 ou 6.
Ainsi, les notes au contrôle continu ne correspondent pas au niveau réel des élèves et permettent de gonfler leur moyenne lors de l’examen de fin d’année.
Mais si le baccalauréat de juin 2017 a marqué la fin de la prise en compte du contrôle continu dans l’examen final, la fréquentation des établissements privés augmente de nouveau après 2015. "Il y a eu un cycle de grèves interminables" dans le secteur public, explique l’ancien ministre Neji Jalloul. Pour lui, cela a pu pousser les parents d’élèves à scolariser leurs enfants dans le privé.
Ce n’est cependant pas l’unique raison de cet engouement, car même après la suppression de la règle des 25%, certaines personnes n’ont parfois d’autre choix que de placer leurs enfants dans un établissement privé. Selon les chiffres obtenus par l’institut Afkar, les garçons et les enfants issu·es de classes défavorisées sont surreprésenté·es au sein des établissements privés. Ces mêmes catégories sont les plus exposées à l’échec ou au décrochage scolaire. Exclu·es du système public, ils et elles doivent se tourner vers le secteur privé, seule alternative pour poursuivre leur cursus scolaire jusqu’au baccalauréat.
Nombre d'établissements primaires et secondaires privés
En trente ans, le nombre d’écoles primaires privées a explosé en Tunisie, passant de 16 établissements en 1984 à 534 lors de la rentrée scolaire 2018. Entre la rentrée scolaire 2017/2018 et la suivante, 54 nouveaux établissements primaires et 14 établissements secondaires privés ont ouvert leurs portes.
Contrairement aux établissements primaires, les écoles secondaires privées n’ont pas eu la même progression. Pendant les dix années qui ont suivi la rentrée scolaire 1984/1985, leur nombre a plus que triplé. Les années suivantes connaîtront une baisse jusqu’en 2004/2005. Il faudra ensuite 10 ans pour que leur nombre soit proche de celui de 1994/1995.
Depuis septembre 2016, il existe plus d’écoles primaires privées que d’établissements secondaires privés. Ce changement correspond à l’année de modification du système de notation du baccalauréat. Inscrire les élèves dans les établissements secondaires privés aurait alors légèrement perdu de son intérêt. L’année suivante, l’écart a continué de se creuser.
NOMBRE D’ÉLÈVES PAR PROFESSEUR·E DANS LES ÉTABLISSEMENTS SECONDAIRES
En septembre 2016 dans le secteur public, on comptait en moyenne 12 élèves par professeur·e, alors qu’ils et elles n’étaient qu’environ 6 dans le privé. Si ce taux ne correspond pas à l’effectif des classes, les élèves du secondaire ayant plusieurs professeur·es, il dénote des disparités existantes dans les secteurs public et privé, comme les conditions d’enseignement.
Très élevé en 1994, le nombre d’élèves par professeur·e a diminué depuis, avant de se stabiliser depuis 2010. Depuis l’année scolaire 2015-2016, le nombre de professeur·es dans le secteur public a diminué. Selon les données du ministère de l’Éducation, au moins 1000 postes n’auraient pas été pourvus en deux ans. Ce changement n’impacte pas pour autant le ratio professeur·es/élèves ou la taille des classes.
Cette année-là, la formation des enseignant·es a évolué. Il n’est plus question pour les futur·es professeur·es de passer le CAPES (certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement secondaire) après leur licence. Durant son mandat, l’ancien ministre Neji Jalloul a mis en place un nouvel examen, qui doit être suivi de deux ans de formation. Les premier·es diplômé·es devraient en principe intégrer le ministère de l'Éducation d’ici la rentrée 2019.
En attendant, aucun·e professeur·e titulaire n’a été embauché·e depuis la décision du ministre de l’Éducation selon le secrétaire général de l’enseignement secondaire Lassaad Yacoubi. Pour pallier le manque de professeur·es, les établissements scolaires font parfois appel à des professeur·es suppléant·es.
Ils et elles sont près de 13.000 à exercer le métier d’enseignant·e sous cette appellation. Sans réel statut, ils et elles ne bénéficient pas de sécurité sociale. Leurs missions ne sont pas toujours cantonnées aux remplacements des professeur·es absent·es. Ils et elles peuvent se retrouver à occuper des postes vides de titulaires.
Toujours selon Lassaad Yacoubi, cette absence de nouvelles et nouveaux professeur·es titulaires pourrait correspondre également à la recommandation du Fond Monétaire International (FMI). En 2016, l’institution avait préconisé de réduire le poids de la masse salariale du pays pour atteindre l’objectif de 12% du PIB en 2020.
Abandon scolaire et redoublement dans les établissements publics en 2016/2017
Quel que soit le niveau scolaire en 2016/2017, les taux de redoublement et d’abandon scolaire sont plus élevés dans le secondaire. Les années primaires enregistrent des taux minimes d’abandon scolaire, souvent inférieurs à 1%.
Mais une minorité d’enfants se retrouve très vite en marge du système. En 2016/2017, plus d’un millier d’élèves a quitté l’école dès la première année primaire. Sur l’ensemble du cycle, ce sont plus de 10.000 enfants qui ont été déscolarisé·es alors que l’enseignement est obligatoire pour toutes et tous jusqu’à 16 ans.
En 2014/2015, les taux de redoublement en primaire étaient plus faibles que d’habitude, tombant entre 0,08% et 0,02%. Ces taux ne correspondent pas à la tendance des redoublements habituels à ce niveau scolaire, généralement autour de 8%. En 6ème année primaire par exemple, les années précédentes et suivantes enregistraient entre 6% et 9% de redoublant·es, contre 0,02% à ce moment là.
Cette année là, les instituteurs et institutrices ont observé plusieurs grèves, menées par le syndicat de l’enseignement de base. À cause de cela, certain·es écolier·es n’ont pas pu passer leurs examens du 3ème trimestre et tous les conseils de classes n’ont pas pu être tenus. La présidence du gouvernement a alors décidé de faciliter le passage d’une classe à l’autre dans l’enseignement de base.
En terme d’échec scolaire, la septième année de base enregistre un taux plus élevé que les années précédentes. La suppression du concours de 6ème année primaire pourrait être à l’origine de cela. Obligatoire pour les élèves, il permettait aux enseignant·es de vérifier les connaissances des écolier·es avant leur passage au collège. Les lacunes de celles et ceux qui peinent à valider leur année se remarquent lors de la 7ème année et non plus au moment du concours.
"C’est normal" , estime Néji Jalloul. Mais pour l'ancien ministre de l'Éducation, une autre cause est à relever, celle des disparités en termes de qualité de l’enseignement. Les zones rurales peuvent être particulièrement défavorisées. Il arrive que, par manque de professeur·es, différentes sections de primaire soient regroupées dans une même classe, avec un·e seul·e enseignant·e. L’apprentissage ne serait alors pas fait dans les meilleures conditions et pourrait justifier la hausse des taux de redoublement et d’abandon scolaire en 7ème année.
"Et puis les collèges sont dans les villes" , ajoute-t-il, "il y a les frais de déplacement, d’internat… Et parfois les parents n’arrivent pas à suivre (financièrement)". 13,3% des élèves abandonnent cette année là et près d’un quart d’entre elles et eux redoublent.
Dès l’entrée au lycée, ces taux d’abandon et de redoublement prennent encore de l’ampleur. La première année secondaire enregistre des taux plus élevés que les années précédentes. En 2016/2017, 13,5% des élèves quittent leur scolarité et 18,7% redoublent. Neji Jalloul attribue notamment ce pic d’abandon et de redoublements aux collèges techniques. Ces établissements professionnalisants servent aux élèves qui souhaitent partir dans des filières techniques et les préparent au CAP.
"Les élèves n’apprennent rien, ils n’arrivent pas à passer au lycée et n’ont pas d’offre de formation professionnelle" , commente-il, "mais il y a aussi les mêmes causes qu’en 7ème année" . Les lycées étant plus souvent concentrés dans les villes, continuer d’étudier peut entraîner des frais supplémentaires pour les élèves qui habitent loin, comme le transport ou l’internat. Le changement de la langue d’enseignement serait également responsable de cette hausse de redoublements et abandons scolaires, plusieurs cours passant subitement de l’arabe au français. "Cette schizophrénie linguistique a tué nos enfants" , assure l’ancien ministre.
Enfin, l’année du baccalauréat est celle qui enregistre le plus grand taux d’abandon et de redoublement. Plus de 30% des élèves redoublent leur année, tandis que près de 20% abandonnent leur scolarité.
Taux de réussite au baccalauréat 2017 toutes filières confondues selon les gouvernorats
Evolution nationale de réussite au baccalauréat toutes filières confondues
Depuis l’année 2011/2012, le taux national de réussite au baccalauréat toutes filières confondues fluctue, ne dépassant qu’une seule fois les 50% de réussite. Après une légère hausse jusqu’en juin 2013, il n’a cessé de baisser jusqu’à l’examen de l’année 2015. En deux ans, le taux de réussite au baccalauréat perd plus de 15 points.
Le baccalauréat de 2016, enregistre une hausse pour arriver à 44,9% de réussite. Neji Jalloul attribue cette remontée au fait qu’il y aurait eu plus de vigilance envers l’absentéisme des professeur·es.
À l’échelle des gouvernorats, il existe de nombreuses disparités. Les élèves des régions côtières ont mieux réussi que celles et ceux de l’intérieur du pays lors du baccalauréat 2017. Dans l’ensemble, la plupart des gouvernorats observent un taux de réussite situé entre 30% et 40%.
Seuls deux gouvernorats ont enregistré un taux de réussite supérieur à 50% lors du baccalauréat 2017. Avec 54,79%, Sfax est le bon élève du classement, suivi de près par Monastir. Les élèves de Jendouba et Kasserine ferment la marche, avec moins de 30% de réussite.
Réussite au baccalauréat selon le genre et les filières
De manière générale, les filles sont plus nombreuses à passer leur baccalauréat et à le réussir. Les disparités selon le genre se retrouvent également dans le choix des filières. Les filles se tournent en majorité vers les sciences expérimentales, tandis que les garçons privilégient les sciences techniques.
Logiquement, la filière sciences expérimentales enregistre le plus grand nombre de réussite au baccalauréat avec plus de 13.000 diplômé·es lors de l’examen de juin 2017. L’économie et gestion se place juste après, à quelques centaines de personnes admises près.
Répartition des bachelier·es par filière et gouvernorats en 2017
L’inscription dans les filières est un moment charnière. Certaines sont considérées comme prestigieuses, comme les mathématiques ou les sciences expérimentales. Alors que d’autres, comme la filière lettres ou économie et gestion, le sont beaucoup moins.
Trois filières sont principalement choisies par les lycéen·nes pour le baccalauréat : lettres, sciences expérimentales et économie et gestion. Au total, c’est plus de 70% des élèves qui choisissent ces orientations.
A Sidi Bouzid et à Kasserine, il y avait proportionnellement plus de personnes inscrites en lettres que dans les autres filières. Malgré le fait qu’elles soient proposées dans tous les gouvernorats, elles ne sont pas toujours choisies. En 2017, Siliana n’avait aucun·e élève inscrit en filière sport.
Nombre d’étudiant·es diplômé·es selon les gouvernorats en 2016/2017
licence
master
L’accès aux études supérieures n’est pas le même pour tous. En mars 2017, l’Institut National de la Statistique (INS) avançait que de plus en plus de personnes ont un niveau d’études supérieures. En 1966, seul 0,6% de la population faisait des études après le baccalauréat. 20 fois plus de personnes suivaient le même cursus en 2014.
Les données fournies par les ministères mettent en avant plusieurs disparités ressenties à l’échelle des gouvernorats. En juin 2017, seule une centaine d’étudiant·es originaires de Tataouine ont validé une licence. Sur les cinq dernières années scolaires, c’est ce gouvernorat et celui de Kebili qui enregistrait le moins de diplômé·es. De septembre 2012 à juin 2017, aucun·e étudiant·e originaire de Kébili et de Tataouine ne s’est inscrit·e en master.
Lors de l’année scolaire 2016/2017, près de trois quart des étudiant·es inscrit·es en master n’ont pas validé leur diplôme. Leur réussite est conditionnée par la validation de leur mémoire de recherche. Selon les chiffres du ministère de l’enseignement supérieur, le taux d’encadrement général des étudiant·es n’a cessé de diminuer de septembre 2010 à juin 2016. Et ce, malgré une augmentation constante du corps enseignant.
Tous ces indicateurs reflètent un système éducatif toujours en difficulté. En attendant une réforme du secteur public, l’enseignement privé continue de gagner du terrain auprès des parents et des élèves.
Pour l’instant, la seule réforme significative concerne la formation des professeur·es. La rentrée 2019 devrait intégrer les nouvelles et nouveaux diplômé·es par le ministère de l’Éducation. D’ici là, l’application des grands projets de réformes reste reléguée au second plan.