Un sauvetage en mer exceptionnel

Entre le 14 et le 18 avril 2017, 8.300 personnes ont été sauvées en pleine mer, lors de la plus grande opération de sauvetage effectuée en Méditerranée depuis 2015.
Par | 07 Juin 2017 | 15 minutes | Disponible en arabe

Après 5 jours de tempête qui ont empêché tout départ, se succèdent deux jours de mer plate avec un vent de Sud, les meilleures conditions pour appareiller. C’est ainsi que le plus grand départ depuis 2015 commence.

Dans la nuit du 13 au 14 avril, le MRCC (centre de coordination de sauvetage maritime de Rome) donne l’information d’un zodiac en situation de MayDay (Signal de détresse) dans les 12 milles nautiques. “Nous ne pouvons pas rentrer à l’intérieur des 12 milles” (dans les eaux territoriales libyennes), explique le capitaine du bateau Iuventa Kai Kaltegärtner avec amertume, “on a contacté les garde-côtes libyens qui n’ont jamais répondu, on a ensuite découvert qu’une centaine de personnes sont mortes cette nuit-là et 25 ont été sauvées par les garde-côtes”.

S’ensuivent 4 jours de sauvetages ininterrompus. “Cela m’a semblé être une seule longue journée de 96 heures”, dit Caterina, une des médecins à bord du Iuventa.

Iuventa, le bateau de l’ONG allemande Jugend Rettet, a aidé à lui seul 2147 personnes, entre le sauvetage à bord et la mise à disposition des radeaux et des gilets. Jugend Rettet est l’une des plus petites ONG qui participent à l'action humanitaire de Search and Rescue (recherche et sauvetage - SAR) dans la Méditerranée.

Cette organisation a été créée en 2015 par un groupe de jeunes berlinois qui, face à une énième photo de morts en Méditerranée, a lancé une collecte de fonds pour restaurer un vieux bateau de pêche et commencer des missions de Search and Rescue.

“Nous voulons crier à l'Europe que, si elle ne compte rien faire pour endiguer le carnage, nous le ferons nous-mêmes en tant que citoyens ordinaires”, commente le second de la Iuventa, Wilco Holmes.

Depuis la brume des premières heures de l’aube en ce mois d’avril, des dizaines de zodiacs et de barques de piètre qualité quittent la zone contrôlée par la Libye et atteignent la zone située entre 12 et 24 milles nautiques (la ‘zone contiguë, ou SAR Zone, puisque c’est ici que toutes les opérations de sauvetage se déroulent).

“Ces zodiacs ne peuvent arriver nulle part”, explique José Pastor, chef de la mission, “ils n’ont pas assez d’essence et ils sont trop chargés (environ 150 personnes à bord), le maximum qu’ils peuvent faire c’est 25 à 30 milles maritimes”, juste pour arriver dans les eaux internationales et y rester.

De loin, on n’aperçoit qu’une tache sombre dans le bleu. Petit à petit, cette tache prend une forme longue d’où sortent des yeux apeurés et des jambes nues – les trafiquants font enlever les chaussures pour épargner en poids - à califourchon sur le zodiac gris.

Cela semble être le début d’une histoire, mais pour la majorité il ne s’agit que d’un moment dans un voyage qui parfois dure des mois, voire des années. Je viens de Somalie, je viens d’Erythrée, je viens du Nigeria, je viens du Sénégal, je viens de Syrie, je viens de Côte d’Ivoire, du Ghana, du Niger, du Mali, du Maroc, de Tunisie. Là sur un zodiac au milieu de la mer, sans eau et sans nourriture, sans toilettes et sans couverture, espérant survivre.