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Le mardi 24 novembre, vers 17h, ce kamikaze s’est fait exploser dans un bus qui devait amener des agents de la garde présidentielle au palais de Carthage.
L’attaque a causé la mort de 12 agents et une vingtaine d’entre eux ont été blessés. Ils ont dû être transférés vers plusieurs hôpitaux de Tunis, au vu de l’ampleur de l’attaque.
L’explosion a également causé des blessures plus légères pour quatre passants. Un établissement financier et deux voitures ont été endommagés.
La treizième dépouille retrouvée sur le lieu de l’attaque était celle du kamikaze.
Plusieurs avertissements avant l’attaque
Le mercredi 26 novembre au soir, une habitante de Mnihla, dans le gouvernorat de l'Ariana, a contacté la garde nationale après avoir reconnu son fils Houssem Abdelli, dont la photo circulait sur les réseaux sociaux. Il l’avait informée deux jours avant l’attaque qu’il avait l’intention de commettre un attentat.
La photo dévoilée par la police n’était pas suffisamment claire car le visage du jeune homme était en partie caché. On y voit un homme cagoulé, vêtu d’une chemise blanche et levant le doigt en signe de profession de foi ”Altawhid”. Il portait une grande ceinture d’explosifs. Cette photo a été publiée par l’une des pages djihadistes liée à l’Etat Islamique avec le nom de “Abou Abdallah Altounssi”. L’EI a également revendiqué l’attentat contre le bus de la garde nationale, dans un communiqué publié au lendemain de l’attaque. Des cyber-activistes ont jugé que cette déclaration ne serait pas authentique. Pourtant ce n’est pas la première fois que l’Etat islamique revendique un attentat en Tunisie, l’attaque de Sousse et du Bardo cette année ont aussi été revendiqués par l’organisation terroriste.
Les services de la garde nationale ont donc auditionné la mère du suspect dont les analyses ADN, ont confirmé un lien avec l’assaillant.
Les circonstances qui ont précédé l’attaque terroriste
Cette identification rapide remet en question les premières pistes évoquées lors de l’enquête. Les agents de la garde présidentielle ont été attaqués par surprise alors qu’ils étaient sur le point de quitter l’avenue Mohamed V pour se diriger vers le palais de Carthage.
Les services sécuritaires, eux, n’auraient pas été surpris. Selon le recoupage des sources qu’Inkyfada a interrogées, un agent de la circulation aurait reçu 15 minutes avant l’attaque, une information sur la possibilité d’un attentat suicide à Tunis. Cette attaque était supposée viser des établissements sécuritaires ou une institution étatique, dans la capitale.
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Cet agent de police aurait alerté la salle d’opération des services de renseignements juste avant l’attaque de l’avenue Mohamed V. Il aurait ainsi expliqué que son neveu, un ancien policier, démis de ses fonctions pour ses tendances intégristes, avait l’intention de procéder à une attaque terroriste pouvant viser des agents de sécurité ou une institution importante, telle que l’aéroport.
Selon les mêmes sources, l’information a été communiquée à tous les services sécuritaires pour la faire analyser et agir. Mais moins de quinze minutes plus tard, le bus explosait sur l’avenue Mohamed V en face du bâtiment du RCD, le parti de Ben Ali.
Juste après l’attaque du kamikaze avec une ceinture faite de 10 kg d’explosif , l’attention des brigades de la sécurité s’est orientée vers l’agent qui avait signalé un danger imminent. L’enquête a montré qu’il était chez lui et qu’il n’avait aucun lien avec l’attaque du bus.
Parallèlement, les services de sécurité ont vérifié la liste des agents appartenant à la garde nationale, déchus de leurs fonctions mais les enquêtes ont finalement montré qu’il n’y avait pas d’indication d’infiltration.
L’infiltration, une hypothèse tenace pour les services de sécurité
Bien que certains comptes de réseaux sociaux liés à l’EI aient revendiqué l’attentat très rapidement, les services de sécurité ont continué à donner de l’importance à l’hypothèse d’une infiltration. En effet le kamikaze a réussi, selon le premier diagnostic réalisé par la police technique et scientifique, à monter dans le bus sans rencontrer d’objection de la part des agents présents.
Cela signifie qu’il détenait probablement des informations suffisantes sur la nature de ce bus et la fonction des personnes qui s’y trouvaient, soit parce que des agents lui ont donné ces informations, soit parce qu’il appartenait lui-même au secteur de sécurité et connaissait à l’avance les mesures sécuritaires entreprises dans le bus: comme le nombre d’agents qui s’y trouvent, les procédures de fouille avant d’y entrer, le fait de savoir si ces agents sont armés ou pas. Pour beaucoup au sein de la sécurité, la facilité avec laquelle le kamikaze serait monté dans le bus pose question.
Cette interprétation a été démentie par les nouvelles données de l’enquête.
Mais l’hypothèse d’une infiltration a donc biaisé le processus de l’enquête et a semé la panique chez les enquêteurs.
Un autre élément qui a été dévoilé par l’enquête et qui montre la préparation et la préméditation de l’attentat est la vidéo de la caméra de surveillance de l’un des établissements publics qui donne sur la zone où se trouvait le bus. Celle-ci montre une jeune femme au téléphone sur le lieu de l’attaque, faisant des va-et-vient, juste avant l’attentat.
Les enquêteurs ont donc ensuite opté pour la version selon laquelle cette fille aurait un lien avec l’attaque, et serait une coordinatrice logistique, qui aurait donné le feu vert pour celle-ci. Elle aurait pu avoir remarqué la montée des agents de la garde nationale dans le bus, qui se préparaient à partir vers leur lieu de travail.
Il faut aussi noter que les services de sécurité ont trouvé les papiers d’identité d’un Tunisien près du bus et qui pourraient être ceux du kamikaze Houssem Abdelli mais le ministère de l’Intérieur n’a pas donné plus d’informations sur ce point.
Des menaces antérieures contre le même bus
En plus de ces éléments d’enquête, l’attaque du bus vient confirmer différentes informations qui avaient été données aux services de renseignement. L’attaque du bus sur l’avenue Mohamed V, à trois cents mètres du ministère de l’Intérieur, se classe dans la suite d’une série de menaces terroristes que les services de sécurité n’ont cessé de communiquer en interne, pour inciter leurs agents a être plus vigilants depuis l’attentat de Sousse, en juin dernier, qui a fait 39 morts.
Des sources sécuritaires officielles ont confirmé à Inkyfada que les services sécuritaires ont dernièrement reçu des signalements (le dernier quelques jours avant l’attentat de l’avenue Mohamed V) sur la possibilité de voir des bus appartenant aux forces de la sécurité pris pour cible .
Sur la base de ces renseignements, les bus avaient commencé à changer continuellement leurs lieux habituels de stationnement. Ils étaient passés du parking du Club Africain à l’est de l’avenue Mohamed V, vers l’arrêt des grands taxis. Les bus de la présidence ont ainsi stationné pendant quatre jours successifs en face du siège du parti RCD avant l’attaque, le soir du mardi 23 novembre.
Les Tunisiens se sont habitués à voir ces bus blancs de la garde présidentielle, ne portant aucune indication quant à leurs destinations, et qui se garent dans divers lieux du centre-ville de Tunis, pour transporter les agents de la garde présidentielle, sans uniforme officiel et sans arme, vers leur lieu de travail.
Les photos de agents de la garde présidentiels tués lors de l’attaque. Source bureau de communication de la présidence
La garde présidentielle compte 2500 agents, tous recrutés parmi l’élite des diplômés d’écoles de formation des forces de l’ordre, police et garde nationale, et des académies militaires. Ces agents suivent des entraînements permanents pour optimiser leur efficacité opérationnelle. Aucune infiltration n’a été enregistrée dans les rangs de la garde présidentielle jusqu’à présent.
À la suite de cette attaque, la présidence de la République, en concertation avec le Premier ministre et le président de l’Assemblée, a décrété l’état d’urgence pendant 30 jours renouvelables et l’instauration d’un couvre-feu sur le Grand Tunis pour une durée indéterminée. À l'issue d'une réunion du Conseil de sécurité nationale, la mise en vigueur de la nouvelle loi antiterroriste votée en juillet 2015 a également été décidée.