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Hamadi : 1008 dinars par mois


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18 Novembre 2014 |
Hamadi, est un jeune trentenaire divorcé, qui travaille comme gestionnaire à la Poste. Il trouve qu'il a « une vie juste en dessous de la moyenne ». Plongée dans son porte-monnaie.
Hamadi* fait partie de ces jeunes tunisiens trentenaires, célibataires, venus étudier à Tunis et qui y sont restés parce que ce n’était que là qu’ils pouvaient trouver du travail. Il a été marié un temps, mais a rapidement divorcé. Ce gestionnaire, qui travaille à la Poste, a les pieds sur terre. Rien du flambeur, il semble même vivre plutôt chichement, se contentant du minimum et dépensant avec parcimonie. Au fil de la discussion, il semble se rendre compte de la somme réelle que représentent ses revenus et du potentiel de l’épargne qu’il pourrait avoir. Mais à l’écouter retrancher toutes ses dépenses on comprend qu’il ne lui reste rien à la fin du mois à mettre de côté. Il n’a ni maison, ni voiture. Il loue un petit appartement et mène une vie sans folie.

Voici le résumé de ses entrées et sorties d’argent mensuelles (calculées sur l’année puis divisées pour arriver à un résultat mensuel) :

En toute honnêteté, Hamadi avoue que si on lui avait dit qu’il toucherait environ 1000 dinars de revenus mensuels il aurait imaginé largement subvenir à ses besoins.

Hamadi a été marié : « Pas très longtemps. J’ai fait un crédit pour ça, pour un mariage qui n’a pas duré. » Comme tout le monde, il a dû trouver un endroit où vivre avec sa femme et meubler l’appartement. Il a donc fait un crédit qu’il continue à rembourser. Il n’est pas amer, avoir, une fois dans sa vie, possédé autant d’argent et l’avoir « dilapidé » lui a servi à apprendre à mieux gérer l’argent. Mais finalement, pour lui, il s’agit plutôt de jongler que de gérer.

Aujourd’hui voilà ses pôles d’entrées et de sorties d’argent :

Zone grise

Hamadi se rend bien compte qu’il devrait avoir plus d’épargne mais tout est dépensé, car lorsqu’il reçoit les primes il en profite pour les grandes dépenses : famille, cadeau, achat urgent… si bien qu’il ne lui reste rien à la fin de chaque mois. « Je m’en veux un peu parce que finalement je pourrais épargner les primes et mettre 1000 dinars de côté au moins, mais je ne le fais pas. »

Cet argent devrait aussi lui servir en cas de pépin de santé par exemple. « Si j’étais marié et que j’avais un enfant, il y aurait des dépenses de santé, par exemple, que l’on ne peut pas négliger, et sur lesquelles je passe parce que je suis seul. »

Questionné sur sa place sur l’échelle sociale, il se classe dans la catégorie « juste en dessous de la moyenne ». Et quand on lui demande combien il lui faudrait pour vivre correctement, Hamadi estime que 1000 dinars de salaire net mensuel lui suffiraient, soit une augmentation de 260 dinars.

Futur

Hamadi a des projets à moyen et long terme. Tout d’abord il veut s’acheter une voiture, « une petite citadine d’occasion, qui ne demande pas trop de réparation, une voiture dans les 6000 dinars. » Il est conscient du fait que s’il habitait dans sa ville d’origine, au centre du pays, il roulerait déjà au volant de cette voiture « mais j’ai la chance d’habiter dans la ville la plus chère du pays » rigole-t-il, et a donc d’avoir peu de latitude pour économiser.

A long terme, il aimerait bien avoir une maison. Mais ce projet lui semble difficilement réalisable. Il faudrait, s’il se remarie, que sa future femme ait un salaire et qu’il n’ait plus de crédit à la consommation sur le dos afin de pouvoir prendre un crédit pour investir dans la pierre. « Et après je devrais prier pendant 20 ans que rien de grave ne m’arrive ! » sourit-il.

Pourtant, il considère les crédits à la consommation comme une « bouffée d’air ». D’ailleurs, le crédit pour son mariage arrive à échéance et il est en train d’en négocier un autre. Avec globalement 1000 dinars par mois, il a l’impression de se serrer la ceinture alors même qu’il n’a pas une autre bouche à nourrir. En fait, un crédit est une manière pour lui de jeter un peu de lest :

« Je m’engage dans un crédit alors même que je trouve que c’est une contrainte qui me cloue au sol. Mais c’est une bouffée d’air immédiat, à court terme, comme un plaisir. Car en fait on se retrouve rapidement avec rien dans les poches. Sauf lorsque l’on fait un crédit d’investissement.»

Comme beaucoup de Tunisiens, Hamadi ne peut pas vivre sans crédit même s’il porte un regard très critique sur cette situation : « Les gens qui ont des crédits je les vois comme des hommes avec des chaînes au pieds, des hommes qui marchent au ralenti, pendant que les autres, à côté marchent normalement. »