Pourquoi vous êtes-vous présentée en octobre 2011 ?
J’ai fait de la politique sans m’en rendre compte, en croyant ne pas le faire, j’avais mes positions et principes que j’ai défendus corps et âme à travers mon travail.
Quand arrive la révolution j’étais au point zéro d’expérience politique. Je suis descendue à la frontière libyenne lors de la guerre en Libye pour apporter de l’aide aux réfugiés. Et je me suis retrouvée à animer une tente culturelle dans le camp. Avec les moyens du bord, avec un groupe de jeunes de Ben Guerdane, nous avons organisé des projections. Mais nous avons eu des problèmes avec la ligue de protection de la révolution et un petit groupes de salafistes, qui voulaient m’empêcher de diffuser sous prétexte que les réfugiés n’avaient pas besoin de culture, qu’ils n’avaient besoin que de prier. Or il y avait beaucoup d’entrain autour de la tente culturelle.
Ceci a déclenché en moi un défi et le début d’une crainte : je réalisais que mon pays était en danger par rapport à des forces réactionnaires qui pouvaient mettre en danger le quotidien des Tunisiens. Je sentais que seule je ne pouvais pas faire face et que j’avais besoin de trouver un parti pour avoir un cadre d’action et de défense. C’est ainsi que je me suis rapprochée du mouvement Ettajdid, qui est un descendant du parti communiste. Je m’y suis sentie à l’aise du fait des principes défendus et de l’esprit de groupe qui était fort. J’ai ensuite crée une section à Hammam Lif, ma ville d’origine. C’est la sélection et le bureau central qui m’ont proposé de me porter candidate.
J’ai accepté avec beaucoup d’appréhension, je ne m’en sentais pas capable, alors j’ai posé une condition : de ne pas être seule et que nous continuions nos réflexions en groupe. C’est comme ça que j’ai acceptée d’être élue tête de liste dans l’alliance du Pôle démocratique.
Quelle a été votre expérience de ces trois années écoulées ?
Ma seule motivation était de participer à l’écriture de la Constitution. J’ai très mal vécu le fait de devoir légiférer, contrôler le gouvernement, de choisir des postes exécutifs. Je pensais qu’on était là pour une période très courte. Je voulais, pendant un an, défendre des droits qui me tiennent à coeur : ceux des femmes, des enfants, de l’environnement… mais malheureusement nous nous sommes retrouvés à exercer le pouvoir en devant nous opposer à ceux qui voulaient vraiment l’exercer. Les gens de la Troïka qui se pensaient tout permis et qui ont rapidement pris les mêmes réflexes que l’ancien régime.
En apparence, un dialogue s’est installé mais il nous a coûté des vies : celles de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi. L’assassinat du député a provoqué un retrait de l’Assemblée et la mise en place d’un dialogue national qui a montré à la majorité qu’elle ne pouvait plus prendre le risque d’exercer son pouvoir de cette manière là. Finalement je pense que s’ils se prennent au jeu et deviennent démocrates c’est tant mieux.
L’expérience que j’en ai tirée c’est que la politique c’est rarement clean, c’est souvent langue de bois et ce n’est pas drôle du tout. J’ai sauvegardé ma manière de parler, ma spontanéité, je parle en tunisien. Au début tout à été fait pour me déstabiliser. Mais j’ai gardé la tête froide. Je parle peu, mais j’agis, j’écoute beaucoup et j’en tire des conclusions et des analyses.
C’est une expérience passionnante, je n’ai aucun regret.
Pourquoi vous présentez vous en octobre 2014 ?
Je me suis fait « piéger » ! Mon parti n’a plus voulu me lâcher! Je voulais tourner un long métrage, en projet depuis fin 2010. Je bouillonne, j’ai envie de tourner. Mais comme le parti m’appelle je me sens redevable. Il m’a offert la chance de pouvoir me former ainsi. Je ne me crois pas le droit de gaspiller toute cette expérience avant d’avoir essayer d’obtenir encore un siège pour le groupe démocrate que je représente. Tant que je sentirais qu’il y a un danger, une dérive et que je sens que je peux participer très modestement, je le ferais.