Nadia a 34 ans. Divorcée, elle vit avec sa fille dans un S+2, dans un quartier agréable. Depuis plusieurs années, elle est rédactrice web : elle crée du contenu pour des sites internet, dans une entreprise et en freelance.
Nadia s’est tournée vers cette voie plus ou moins par hasard. Pendant ses études, elle travaillait en parallèle dans un centre d’appels. Elle a rapidement grimpé les échelons jusqu'à un poste de responsable. Après l’obtention de son master d’anglais, Nadia a le sentiment qu’à part devenir professeure, elle n’aurait pas beaucoup d’opportunités avec son parcours universitaire. Mais par chance, elle est repérée par “un chasseur de tête” qui lui propose une reconversion vers un poste de rédactrice web. Nadia n'hésite pas une seconde.
“Je ne me voyais pas devenir professeure, tout recommencer et gagner moins d’argent”, dit-elle d’un ton catégorique.
Après cinq entretiens - principalement des tests psychotechniques qu’elle réussit haut la main -, elle est embauchée par un groupe français multinational. Rapidement, elle se forme aux techniques de rédaction, au marketing digital et au référencement en ligne (SEO). En à peine huit mois, Nadia devient coordinatrice éditoriale. Lors de la délocalisation du département web de la société en Tunisie, c’est l’occasion pour elle de devenir cheffe de service. “Tout s’est enchaîné très vite mais j’ai aussi beaucoup travaillé”, tient-elle à préciser.
Grâce à ce poste de direction, elle perçoit désormais un salaire de 1370 dinars. Elle complète ses revenus en faisant du freelance - en tant que rédactrice web mais aussi à travers le community management - et en donnant quelques cours particuliers d’anglais.
Voici un aperçu de ses dépenses et revenus mensuels :
Entretemps, Nadia rencontre celui qui deviendra le père de sa fille. Le couple s’installe dans une partie indépendante de la maison familiale. Il leur est impossible à l’époque de louer leur propre appartement en raison de la cherté de la vie à Tunis et de l'instabilité professionnelle de son mari. Pour aider ce dernier, Nadia contracte un crédit pour qu’il puisse lancer son projet professionnel mais sans succès.
En 2018, Nadia décide de divorcer. Avec sa fille, alors âgée de 4 ans, elles s’installent d’abord dans un studio puis dans son appartement actuel. Elle essaye de l’aménager comme elle peut en prenant un petit crédit à la CNSS, mais elle trouve qu’il lui manque encore beaucoup de choses. Pour rentrer dans ses frais, Nadia loue la partie de la maison familiale dans laquelle elle vivait auparavant. Cela lui permet de gagner 1000 dinars en plus de son salaire.
En plus de cette location, elle est aussi censée percevoir une pension de la part de son ex-mari. Généralement, elle reçoit environ 200 dinars par mois mais cela dépend de s’il travaille et de sa situation financière. C’est par ailleurs toujours Nadia qui s’occupe de payer le crédit de son ex-mari car elle l’a contractée à son nom.
"Mais tant qu’il voit sa fille et que ça la rend heureuse, tout me va”, assure Nadia.
Sa fille, scolarisée au niveau primaire, est inscrite dans une école privée dont les frais reviennent à 480 dinars par mois. Avec la crise du Covid-19, les cours se sont principalement déroulés à distance et Nadia a alors fait l’acquisition d’une tablette pour que sa fille puisse suivre les cours en ligne. Elle la paye par facilité à hauteur de 50 dinars par mois.
Les week-ends où sa fille n’est pas chez son père, Nadia tient à organiser de nombreuses activités avec elle : promenade, plage, piscine, restaurant, etc. Elle aime également beaucoup lui acheter des vêtements en magasin et y consacre en moyenne 100 dinars par mois. Pour ses propres tenues, Nadia se rend plutôt aux fripes et y dépense environ 30 dinars. “Pour moi, peu importe, le plus important, c’est ma fille”, estime-t-elle.
Quand elle trouve du temps et que sa fille n’est pas là, Nadia sort à l’occasion avec ses ami·es ou son copain. La plupart du temps, c’est ce dernier qui s’occupe de couvrir les dépenses liées aux sorties.
Voici le détail de ses entrées et sorties d’argent mensuelles :
Zone grise
Nadia se sent assez surchargée par le travail. Elle aime beaucoup les défis et avoir des responsabilités mais elle déçue que son salaire n’évolue pas. Son entreprise envisage de nouveau de délocaliser un département en Tunisie, une initiative que Nadia encourage. “C’est ma petite participation au développement de la Tunisie !”, dit-elle avec un sourire. Si cela se concrétise, elle sera amenée à prendre de nouvelles responsabilités et compte négocier son salaire vu sa charge de travail.
La jeune femme est assez angoissée par les questions financières. Les mois durant lesquels son ex-mari ne peut pas payer la pension sont plus compliqués que les autres. De plus, Nadia a toujours peur que les locataires de la maison s’en aillent, ce qui lui enlèverait plus d’un tiers de ses revenus. Cela lui est déjà arrivé auparavant et il lui était quasiment impossible de rentrer dans ses frais.
"Je me sens tributaire de pleins de choses et cela m’angoisse énormément", témoigne-t-elle.
Pour couvrir son découvert à la fin du mois, elle peut compter sur sa famille ou son copain. Mais cela la désole de devoir compter sur ses proches : Nadia aimerait pouvoir être plus indépendante.
Si elle avait plus de revenus, Nadia irait à la salle de sport : elle a quelques problèmes de santé et il lui est recommandé de faire des activités physiques. Mais elle manque de temps et d’argent.
Elle aimerait surtout inscrire sa fille à différentes activités culturelles ou sportives mais cela dépasse totalement son budget. “Heureusement que mon copain est là, parce que sinon, on n’aurait aucun loisir !”, s’exclame-t-elle. Elle adorerait aussi pouvoir faire des voyages. Il lui arrive d'avoir des déplacements à l’international pour le travail mais cela lui laisse peu l’occasion de visiter et d’en profiter.
Nadia a aussi d’autres projets qui devront attendre : sa voiture, acquise pendant ses études, se fait vieille et demande de l’entretien. Elle aimerait en changer mais cela est impossible actuellement. Idem pour son appartement qu’elle voudrait meubler un peu plus. Mais avant tout cela, il reste encore plusieurs crédits à rembourser.
“De toute façon, en Tunisie, on travaille pour pouvoir prendre des crédits et les payer et non pas pour vivre”, dit-elle en riant.
Futur
En ce qui concerne l’avenir, Nadia dit, avec un grand sourire, qu’elle est “très confiante”. Elle va se marier prochainement, et même si cela va entraîner des dépenses, elle est très heureuse et persuadée qu’à deux, tout sera plus facile. Le couple pense déjà à acquérir un bien immobilier et avoir un autre enfant.
“Il est très différent de mon premier mari et il s’entend super bien avec ma fille”, assure-t-elle.
De plus, son futur mari est développeur web : Nadia espère qu’il et elle pourront avoir des projets professionnels en commun. De son côté, elle envisage déjà de monter sa propre entreprise de consulting en marketing digitale et compte sur son réseau et sa longue expérience.
“J’ai toujours été persuadée que je finirai ma vie riche”, dit Nadia sur le ton de la confidence, “je ne sais pas encore comment ni par où commencer mais je le sais !”, conclut-elle en éclatant de rire.