Pandora Papers | La société de Ziad Miled à Ras al-Khaimah, un paradis fiscal de plus en plus prisé

Ziad Miled, ancien cadre d’Ettakatol, a cédé à la tentation des paradis fiscaux. Quand il décide d’ouvrir une boîte de consultance, il se tourne vers Ras al-Khaimah, le paradis fiscal montant des Émirats arabes unis, alors même qu’il était résident en Tunisie.
Par | 02 Novembre 2021 | reading-duration 5 minutes

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"J'étais effectivement résident en Tunisie mais je voulais m'établir à Dubaï pour travailler avec des consultants qui y étaient. (...) Il y avait deux options : soit une société à Dubaï (très chère) soit une à Ras al-Khaimah (beaucoup moins chère)”.

Interrogé par inkyfada, Ziad Miled explique ainsi ce qui l’a motivé à ouvrir une société offshore à Ras al-Khaimah, aux Émirats arabes unis. Depuis plusieurs années, ce micro-État est de plus en plus prisé par les personnes souhaitant ouvrir ce type de compagnie. Grâce à une législation opaque et l’absence d’impôt sur les sociétés offshores, ce petit émirat présente tous les avantages d’un paradis fiscal. 

Poreg Ltd, la société offshore de Ziad Miled

Poreg Ltd est créée par l’intermédiaire du cabinet SFM Corporate Services, basé à Dubaï. La création de cette société suit un montage classique. Après sa domiciliation dans un paradis fiscal, SFM s’occupe de lui nommer un directeur, un prête-nom résident à Malte. 

Contacté par inkyfada, Ziad Miled a immédiatement reconnu l’existence de cette société et apporté plus de précisions. “Le but était d’avoir une société pour des consultants à l’étranger mais elle n’a jamais fonctionné”, explique-t-il. “Tout le monde voulait Dubaï et cet environnement (...). On n’était pas dans une logique de paradis fiscal, c’est là où il est plus simple d’avoir des consultants étrangers et faire des missions dans le Moyen-Orient (...) À la fin, rien n’a été fait !”.

Ziad Miled est avocat, ancien cadre d’Ettakatol et directeur de campagne de Mustapha Kamel Nabli en 2014 (ce dernier avait finalement retiré sa candidature peu de temps avant le scrutin). Spécialisé dans le droit numérique, il travaille sur les questions de régulation de plusieurs opérateurs de télécommunications de la région MENA. Jusqu’en 2016, Ziad Miled a présidé la Commission de rédaction du Code du numérique au ministère des Technologies et de la communication.

Les documents consultés par inkyfada ne permettent pas de connaître les éventuelles activités ou l’existence de comptes bancaires de Poreg Ltd. De son côté, Ziad Miled assure qu’elle “n’a jamais servi et n’a ni chiffres d’affaires, ni fonds, ni rien du tout”. Son projet initial était de monter une équipe de consultant·es étranger·es sur les questions de régulation des télécommunications. 

Une société “en veilleuse”

Le 20 septembre 2018, SFM contacte Ziad Miled pour le renouvellement de ses services annuels, pour la période allant d’octobre 2018 à septembre 2019. À défaut de paiement, le cabinet informe qu’une “notice de clôture de société” sera envoyée dans son “prochain email”. “C'est exactement ce que je voulais”, affirme Ziad Miled à inkyfada, “je ne voulais pas [payer cette facture afin de] clôturer cette société restée en veilleuse (sans chiffre, ni charges, ni fonds, ni activité, ni compte bancaire)”. 

D’après les documents d’inkyfada, seule cette dernière facture n’aurait pas été réglée par Ziad Miled. Entre 2015 et 2018, les services auraient été annuellement renouvelés, sans mention d’éventuels impayés. “On l’a juste maintenue en vie”, commente Ziad Miled. 

Ce dernier confirme qu’à l’époque de la création de cette société, il était résident en Tunisie. Pour pouvoir ouvrir et/ou jouir d'une société à l'étranger, il aurait donc dû la déclarer, conformément à la législation tunisienne. Ziad Miled reconnaît l’irrégularité de la démarche et avoue avoir été “négligent”. “J'étais effectivement résident en Tunisie mais voulais m'établir à Dubaï pour travailler avec des consultants qui y étaient. Or pour avoir une carte de séjour à Dubaï, il m'avait été dit que cela était plus facile si on avait une société. Il y avait deux options: société à Dubaï (très chères) et celles à [Ras al-Khaimah -] RAK (beaucoup moins chères). Dubai et RAK faisant partie des Émirats [arabes] unis, on m'avait dit que c'était pareil. Le projet ne s'est pas fait. Je ne m'y suis jamais rendu. La boîte n'a jamais fonctionné. Fin de l'histoire”.