Deux ans auparavant, Abdelhamid résidait encore en Tunisie. Après avoir décroché son diplôme de pharmacien à l'université de Cluj-Napoca, en Roumanie en 2012, il rentre à Tunis pour effectuer ses stages et finaliser son équivalence.
Comme beaucoup de jeunes pharmacien·nes tunisien·nes, il intègre rapidement un laboratoire pharmaceutique pour y travailler comme délégué médical. En 2015, il est recruté par un laboratoire international au sein duquel il grimpe les échelons pour acquérir un poste à responsabilités.
"Au vu de mon expérience et de mes bilans positifs, j'ai été rapidement promu au rôle de superviseur avec une équipe de 5 délégués médicaux", raconte-t-il.
Abdelhamid se marie en 2021. Son épouse, jeune enseignante universitaire, est installée en France depuis quelques années. Très rapidement, les discussions du jeune couple viennent à porter sur la question de la résidence. “Nous savions tous les deux qu’on ne pouvait avoir une vie conjugale à distance. L’un de nous devait faire le ‘sacrifice’ de quitter sa situation pour rejoindre l’autre”, concèdent-ils. Après des semaines de discussions et de réflexion, Abdelhamid décide finalement d’entamer les procédures pour partir rejoindre son épouse en France.
“Ça n'a pas été facile de prendre cette décision au vu de la situation qui était la mienne en Tunisie. Mais en même temps je me suis dit que grâce à mon profil et mon expérience, je pouvais aussi tirer un avantage de ce nouveau départ”, reconnaît-il.
Abdelhamid arrive en France en octobre 2022. Avant même d’obtenir son titre de séjour permanent, le jeune homme initie les recherches pour trouver un emploi.
" Des amis tunisiens installés en France m'ont suggéré de voir les offres d'emplois sur les groupes Facebook. Honnêtement, j'ai eu de la chance d'avoir rapidement une réponse pour un entretien avec un pharmacien", avoue Abdelhamid
Grâce à son expérience et son sérieux, il réussit les entretiens et décroche un poste de pharmacien adjoint dans une officine située en banlieue parisienne. Ce premier emploi rémunéré à hauteur de 2100 euros par mois, lui permet ainsi de contribuer activement aux dépenses du foyer.
Voici un aperçu de ses sorties et entrées d’argent mensuelles :
Abdelhamid s'efforce de répartir ses dépenses mensuelles de manière réfléchie, afin d’éviter de faire des dépassements. Il affirme qu'avec son niveau de salaire, “on peut vivre confortablement mais on ne peut pas se permettre des folies".
Le couple a récemment emménagé dans un nouvel appartement, plus grand. Le jeune pharmacien a pris en charge le paiement du loyer et de certaines factures. Une charge assez conséquente puisqu’elle représente la moitié de son salaire.
Abdelhamid et son épouse se permettent néanmoins quelques sorties avec des ami·es pendant le weekend et des petits séjours dans d’autres villes françaises. “Nous partons souvent visiter des amis qui sont installés ailleurs en France. Ça nous permet de découvrir d’autres régions françaises, voire même des fois d’autres pays comme la Belgique ou les Pays-Bas”.
Quelques mois après avoir commencé à travailler, Abdelhamid a pris la décision d’acheter une voiture. Même s’il estime que les moyens de transport parisiens sont assez pratiques, le pharmacien avoue que “les déplacements en voiture me garantissent un certain confort et un gain de temps, surtout pour aller travailler le matin”. Le jeune homme contracte un crédit auprès de sa banque pour acheter une petite voiture d’occasion.
"Ici, les voitures d'occasion sont relativement abordables. En Tunisie, le même modèle m'aurait coûté deux à trois fois plus cher."
Depuis son arrivée en France, Abdelhamid n’est retourné qu’une seule fois en Tunisie pour rendre visite à sa famille. “Je ne pouvais pas me permettre de prendre de longs congés, surtout lors de ma première année à la pharmacie”, explique le jeune homme. “Il y a aussi l’aspect financier qui rentre en considération, avec des billets d’avion qui coûtent extrêmement chers, surtout lors de la période estivale”, raconte-t-il.
Voici le détail de ses rentrées et sorties d’argent mensuelles :
Zone grise
Même s’il n’a pas eu de difficultés à trouver un emploi en France, la situation professionnelle d’Abdelhamid demeure instable. En tant qu’étranger, le jeune pharmacien profite en effet d’un certain flou juridique qui lui permet d’exercer dans une officine mais sans avoir les mêmes avantages qu’un pharmacien français.
"Même si j'ai un diplôme délivré par une université européenne et reconnu en France, le fait que je sois étranger m'impose des restrictions dans l'exercice de mon métier."
Pour remédier à cette situation, Abdelhamid doit passer un concours dans les prochaines semaines pour pouvoir intégrer l’Ordre national des pharmaciens en France et avoir un meilleur statut professionnel.
" J'essaye de me rassurer en me disant que j'ai assez d'expérience pour pouvoir réussir le concours. Mais c'est difficile de se dire que parce que je suis étranger, je reste à la merci d'un jury qui va décider si oui ou non je mérite d'être pleinement pharmacien en France".
Futur
Avec la perspective de son inscription à l’ordre des pharmaciens, Abdelhamid espère améliorer sa situation professionnelle et financière. “Le titulaire avec lequel je travaille connaît mon statut actuel. Même s’il voit que je suis l’un des meilleurs éléments, il peut se permettre de me rémunérer moins que les autres pharmaciens de l’officine”, raconte-t-il.
Le jeune Tunisien a récemment accepté une offre intéressante pour rejoindre un ancien collègue qui vient de s’installer dans sa propre pharmacie.
Tout comme son ancien confrère, l’ambition d’Abdelhamid est d’acquérir une pharmacie et de s’installer à son propre compte. “En Tunisie, tu t’inscris sur une liste d'attente et il faut attendre 10 ou 15 ans pour pouvoir reprendre une officine. Ici, tu as la possibilité de rejoindre un groupement pharmaceutique et de devenir rapidement propriétaire de ta pharmacie”, atteste le trentenaire.