L'article "ميناء البلاخية الأثري: تاريخ غزة تحت جنازير الدبابات الإسرائيلية", écrit par Ahmed Achour, Firas Touil et Amjed Yaghi, publié sur le site d'ARIJ, le 26 juin 2024.
Dans cette enquête, les journalistes d'ARIJ examinent le ciblage par l'armée israélienne d'un port inscrit sur la "liste indicative des sites du patrimoine mondial". Grâce à l'analyse d'images satellites, ils révèlent l'ampleur des dommages subis, en violation de la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé.
L'article "ميناء البلاخية الأثري: تاريخ غزة تحت جنازير الدبابات الإسرائيلية", écrit par Ahmed Achour, Firas Touil et Amjed Yaghi, publié sur le site d'ARIJ, le 26 juin 2024.
Al-Blakhiya.. le port le plus ancien de la Méditerranée
Sur les rives de la mer Méditerranée, au nord-ouest de la bande de Gaza, se trouve le site archéologique de Blakhiya (Anthédon). S'étendant sur environ un kilomètre carré, ce site comprend la partie nord-ouest du camp de réfugiés d'Al-Shati, ainsi que la zone côtière adjacente, connue sous le nom d'Al-Mashtal, et s'étend jusqu'à la rue reliant le quartier de Sheikh Radwan à la rue de la mer. Ce site s'élève de 17 à 20 mètres au-dessus du niveau de la mer.
L'article "ميناء البلاخية الأثري: تاريخ غزة تحت جنازير الدبابات الإسرائيلية", écrit par Ahmed Achour, Firas Touil et Amjed Yaghi, publié sur le site d'ARIJ, le 26 juin 2024.
La ville de Gaza était habitée entre 800 avant J.-C. et 1100 après J.-C, et au fil des siècles, et l’Anthédon est le premier port maritime connu de Gaza. Il a vu se succéder de nombreuses époques et civilisations : les Néo-Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Grecs, les Romains, les Byzantins et les premières périodes islamiques.
Avant sa destruction, le site abritait plusieurs monuments archéologiques : des sols en mosaïques, des structures fortifiées et des vestiges submergés. Cela a permis son adhésion à la Liste indicative du patrimoine mondial de l'UNESCO, suite à une demande de la délégation permanente de la Palestine auprès de l'UNESCO en avril 2012.
Le site est qualifié par l’UNESCO comme un “monument exceptionnel illustrant une combinaison architecturale unique, avec une diversité de matériaux et de techniques de construction". En dépit de sa valeur patrimoniale, Al-Blakhiya a récemment été victime de vandalisme.
D’après une enquête, réalisée par ARIJ en 2021, le site a déjà subi trois actes de dégradation : le nivellement du sol en mosaïque d’une église byzantine avant la division palestinienne de 2007, l’édification d’un poste de police sur le site en 2013, et la construction d’un terrain de sport à l’intérieur du site en 2018.
Ces dégradations sont minimes par rapport aux dommages infligés au site par les bombes israéliennes, depuis octobre 2023. Des images satellites obtenues par Ollie Belanger, maître de conférences en géo-informatique au Centre pour l’analyse spatiale avancée de l'Université-College de Londres, révèlent que les zones nord-ouest et nord-est du port ont subi des dégâts allant de modérés à graves.
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Des photos récentes, prises six mois après le début des bombardements, montrent comment le site s'est transformé en une zone sableuse parsemée de profondes excavations, entraînant la disparition totale des vestiges archéologiques.
Image du site après son bombardement
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Selon les photos fournies par l'expert en archéologie palestinien, Fadel Al-Attal, la région a été directement ciblée par les frappes israéliennes, qui l'ont complètement dévastée. Cela a été confirmé par la comparaison des images satellites prises en septembre 2022 avec celles obtenues via le site Planet Lab en mai 2024.
Les photos prises avant le conflit révèlent que le site comportait des vestiges archéologiques dans la "zone B" du port. C'est dans cette zone que des fouilles ont été menées par Fadel Al-Attal et des spécialistes étrangers, la dernière ayant eu lieu en 2005.
Les journalistes d’ARIJ ont obtenu une photo montrant une partie de ces travaux de fouille. Malgré les dégradations, la situation était restée inchangée dans cette zone jusqu'à ce qu'elle soit détruite lors de l'invasion israélienne de la bande de Gaza à la veille de la guerre.
Les fouilles sur le site en 2005
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Marc-André Haldemann, expert en archéologie de l’Institut des sciences archéologiques de l’Université de Berne en Suisse a analysé des photos récentes du site afin d’identifier les zones de fouilles. Il confirme que "zone B", où les fouilles ont été effectuées, se trouve parmi les zones bombardées dans les limites du port d'Al-Blakhiya.
La route vers le camp de réfugiés d’Al-Shati
Les brigades d’Al-Qassam (branche militaire du Hamas) publient, le 4 novembre 2023, une vidéo montrant une attaque contre un tank israélien près de la mosquée Al-Khalidi, située à environ 800 mètres du camp de réfugiés Al-Shati. Le char se dirigeait vers le camp en traversant les limites du site archéologique, ce qui permet de situer précisément la période durant laquelle les vestiges archéologiques du port ont été détruits.
Un tank israélien à côté de la mosquée Al-Khalidi en route vers le site archéologique du port Blakhiya
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Dans une autre vidéo publiée par l’armée d’occupation israélienne datant du 4 novembre 2023, des chars d'assaut arrivent à l’entrée du camp d’Al-Shati, adjacent au site archéologique.
Une séquence vidéo montrant le ciblage de l'hôtal Al-Mashtal situé à proximité du port de Blakhiya
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Selon un rapport de la fondation palestinienne Al-Haq, une organisation non gouvernementale de défense des Droits humains basée à Ramallah, les bombardements israéliens ont créé au moins 30 cratères, d'un diamètre allant de 8 à 16 mètres, sur le site archéologique du port de Blakhiya. Les images satellite montrent des cratères de différents diamètres dans les zones A et B du site, ainsi qu’au niveau des sites environnants.
Une enquête de la Cable News Network (CNN) révèle qu'Israël avait utilisé des bombes de 2 000 livres (900.18 kg) lors de ses opérations militaires à Gaza.
La chaîne d’information américaine a identifié les sites qui ont été bombardés, comprenant le port de Balakheya. Une information qui est, entre autres, confirmée par les photos fournies par l'expert palestinien Fadl al-Attal, et qui montrent des cratères de grande taille à l'intérieur du site archéologique, en particulier dans la zone B.
Le président américain Joe Biden avait menacé d'arrêter la fourniture de bombes de 2000 livres à Israël, reconnaissant que des civils avaient été victimes de ces bombes à Gaza.
Une photo prise le 30 octobre montre des cratères causés par les bombardements sur le site archéologique du port.
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Israël viole la Convention de La Haye
La destruction des sites archéologiques constitue une violation de la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé. L'article 4, paragraphe 3, de la Convention dispose que "les Hautes Parties contractantes s’engagent en outre à interdire, à prévenir et, au besoin, à faire cesser tout acte de vol, de pillage ou de détournement de biens culturels, pratiqué sous quelque forme que ce soit, ainsi tout acte de vandalisme à l’égard desdits biens. Elles s’interdisent de réquisitionner les biens culturels meubles situés sur le territoire d’une autre Haute Partie contractante."
De son côté, le Dr Derek Fincham, professeur à la South Texas College of Law, commente l'évaluation de l'UNESCO en la qualifiant de "très préoccupante". Il souligne que les dommages causés aux sites du patrimoine culturel pourraient relever du champ d’application de la Convention de La Haye de 1954.
Il ajoute que tant Israël que la Palestine sont parties à la Convention et ont la responsabilité de protéger le patrimoine culturel pendant les conflits armés. Fincham précise également : "Il est difficile d'évaluer l'étendue des dommages causés aux sites du patrimoine culturel à distance, au-delà de ce que l'UNESCO et d'autres organismes et observateurs internationaux ont documenté."
Le spécialiste en droit de la protection du patrimoine ajoute : "Un des aspects de la Convention de La Haye est le principe de nécessité militaire, qui permet d'endommager des sites culturels importants si cela est nécessaire pour atteindre un objectif militaire. C'est un aspect large et mal défini du cadre juridique."
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