ARIJ | Guerre au Soudan : les journalistes réduit·es au silence

Il y a un an, le Soudan a été plongé dans la guerre, opposant l'armée soudanaise aux Forces de soutien rapide, entraînant le déplacement de près de cinq millions de citoyen·nes soudanais·es à l'intérieur du pays et vers les pays voisins. Parmi ces déplacé·es se trouvent des centaines de journalistes, délibérément visé·es par les parties en conflit. Une enquête, menée par ARIJ et publiée récemment, met en lumière des centaines de violations subies par les journalistes au cours des six derniers mois.
Par | 01 Mai 2024 | reading-duration 15 minutes

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Le 23 avril 2023, dans une pièce sombre éclairée par la lumière du soleil qui passe à travers des fissures dans le mur, Manal Ali reprend lentement conscience après le coup qu'elle a reçu à la tête. Malgré la confusion, elle se souvient clairement de la dernière scène de cette journée : alors qu'elle se dirigeait vers la boulangerie du quartier Al-Genaïna dans l'État du Darfour occidental, une voiture avec des hommes masqués s'est arrêtée près d'elle. Elle a entendu une voix l'appeler par son nom, puis plus rien.

"C'est la fin. C'est ma fin", se dit Manal en s'efforçant de s'accrocher au peu d'espoir qu'elle a de survivre.

Manal Ali, journaliste indépendante, fait partie des centaines de journalistes arrêté·es, torturé·es et menacé·es au Soudan pour avoir tenté de rapporter la réalité vécue par les Soudanais·es.  Cette histoire ne commence pas le 15 avril 2023, car les signes annonciateurs de la guerre étaient présents bien avant. 

Alors que tous·tes attendaient anxieusement le déclenchement de la guerre, certain·es espéraient que la dernière semaine du Ramadan se déroule pacifiquement.

"Une mort certaine”

Le samedi 15 avril, des affrontements ont éclaté dans la capitale, Khartoum, opposant les forces de l'Armée nationale, dirigées par Abdel Fattah Al-Burhan, et les Forces de soutien rapide (RSF), dirigées par Mohamed Hamdan Dagalo, également connu sous le nom de "Hemedti". 

Après le renversement du gouvernement du Président soudanais Omar Al-Bashir, lors de la révolution populaire de 2018 à 2019, ces factions ont alterné au pouvoir pendant un certain temps.      

Le 25 octobre 2021, ces deux généraux ont orchestré un coup d'État contre le gouvernement civil de transition, maintenant leur emprise sur le pouvoir pendant plus de 18 mois. Ultérieurement, ils ont plongé le pays dans un conflit armé ouvert, débutant à Khartoum puis s'étendant à plusieurs régions, notamment l'État du Nord, le Kordofan-Nord, le Kordofan-Sud, le Darfour, le Nil Bleu, Al-Qadarif et Gezira.       

Des dizaines de journalistes et de travailleur·ses des stations de radio et des chaînes situées au centre de Khartoum ont été détenu·es en raison des affrontements armés. Rami Mohammed* et plus de vingt autres personnes, y compris des journalistes travaillant pour Radio Hala 96 et l'agence Tana4Media située dans le bâtiment Koweït, se sont réfugié·es dans le parking communément appelé "Chambre à coucher" et y sont restés pendant 72 heures sans ravitaillement alimentaire. Tous·tes ont pu quitter les lieux après l'entrée en vigueur du premier cessez-le-feu, selon Mohammad, qui craignait pour sa vie.

L'article "أفواه مكممة... كيف تغتال الحرب في السودان أصوات الصحفيين" écrit par Haider Abdul Karim, publié le 3 décembre 2023 sur le site d'Arig.

La guerre s'étend à d'autres régions.      

"Nos maisons sont prises pour cible. Ils avaient une liste avec nos noms et les Forces de soutien rapide nous cherchaient. Ils ont complétement détruit ma maison", raconte Manal. Le premier jour, elle a perdu sept membres de sa famille, dont son frère. 

Dans le cadre de son travail, Manal Ali a reçu des rapports sur des viols commis dans l'État du Darfour, en particulier à El-Genaïna, où elle vit.  "Il y avait des enregistrements pour neuf cas de viol, et j'étais en contact avec les victimes avant que toutes les communications ne soient interrompues”, explique la journaliste. Elle affirme également avoir reçu un appel téléphonique au cours duquel l'interlocutteur l'a menacé de mort si elle publiait plus de détails sur ces incidents. 

Cependant, le véritable cauchemar a débuté le 23 avril, un jour après le début de la guerre dans sa ville, El-Genaïna, lorsqu'elle a été enlevée par des hommes masqués portant l'uniforme des Forces de soutien rapide. Après avoir repris connaissance suite à un coup à la tête, elle s'est retrouvée dans une pièce sombre.      

Manal se souvient de ce que ses ravisseurs lui ont dit : “Ce n’est pas le bon moment pour la tuer. On va te forcer à voir le reste de ta famille mourir, pour te faire souffrir. Après ça, te tuer sera facile.” 

Ali, vivant dans la ville d'El Genaîna, à l'ouest du Soudan, a été enfermée pendant cinq jours dans une pièce isolée, subissant des violences sévères, de la torture, et faisant face à des menaces visant à éliminer davantage de membres de sa famille et de ses proches.

Selon son témoignage, le 27 avril 2023, Manal a été battue jusqu’à perdre connaissance. Cette même nuit, elle a été retrouvée près du quartier où elle avait été enlevée, dans un état critique près de la mosquée locale. Après avoir reçu des soins, elle est retournée chez sa famille, puis a quitté le Soudan pour se rendre au Tchad et fuir la guerre.

 Faire taire les journalistes 

Tout comme Manal, qui a été menacée après avoir dénoncé des viols, Issa Dafaallah, journaliste au Soudan, a également fait l’expérience de pressions similaires alors qu’il enquêtait sur le pillage de magasins à Nyala. 

Dafaallah raconte que le 17 mai, alors qu’il filmait les locaux d’entreprises et de magasins, un groupe lié aux Forces de soutien rapide l’a appréhendé, l’a empêché de poursuivre son travail et l’a conduit jusqu’au quartier de l’aéroport. 

“Ils ont exigé de voir ma carte professionnelle et m’ont conduit dans le quartier de l’aéroport où il m’ont battu et pris mon téléphone”, déclare-t-il. 

Le journaliste souligne que les tentatives d'entraver le travail des journalistes coïncident avec ce qu'il appelle l' "Ultime bataille" à Nyala. Il affirme que les deux camps en conflit ont donné l'ordre de faire taire les journalistes en les accusant d'être associé·es à l'une des parties en guerre.

La journaliste italienne Sara Creta est arrivée à la frontière soudano-éthiopienne le 7 mai. Soit trois semaines après le début des affrontements.

Des Soudanais·es à la frontière éthiopienne de la ville de Metemma (crédit : Sara Creta).

Les autorités soudanaises lui ont refusé l'entrée dans le pays ; la journaliste a été retenue par le Département de renseignements militaires dans la région frontalière pendant plusieurs heures, avant d'être invitée à faire demi-tour. Sara travaille avec plusieurs chaînes internationales, dont Al Jazeera et The Guardian, et elle a tenté d'entrer à nouveau par la région du Nil Bleu, mais on lui a refusé l'accès à Ad-Damazin et on lui a demandé de partir.

"On m'a informé qu'ils ne pouvaient pas assurer ma sécurité sur place et qu'en ce moment, des directives interdisent l'accès aux étrangers. Étant donné l'instabilité de la situation, je souhaitais demeurer dans une zone où il n'y avait pas de combats. Les deux parties avancent les mêmes arguments, ce qui m'a fait penser qu'ils utilisaient la sécurité comme prétexte”, déclare Sara. 

Des violations massives

Entre avril 2023 et la fin de septembre de la même année, le Syndicat des journalistes a enregistré plusieurs violations, notamment des meurtres, des séquestrations, des violences physiques, des menaces et des dommages matériels. 

Le président du Syndicat des journalistes, Abdel Monim Abu Idris, affirme que les journalistes soudanais·es font partie intégrante de la société et souffrent, au même titre que les civil·es, en plus des atteintes à leur intégrité en raison de leur travail. Ils et elles sont fréquemment arrêté·es dans le but de les empêcher d’exercer leur profession.  

“Nous avons perdu deux journalistes : notre collègue Samaher a été tuée à Zalingei après la chute d’un mortier sur sa maison, et Issam Morjan, notre autre collègue, a été retrouvé assassiné chez lui à Omdurman, qui sous le contrôle des forces de soutien rapide. Il a été enterré dans sa maison, et même pas au cimetière”, raconte Abu Idris. 

Selon Abu Idris, les violations ne se limitent pas aux journalistes, mais touchent également les membres de leur famille et leur proches. Il rapporte qu’un journaliste a perdu sa femme et son enfant, tandis que la journaliste Itimad Al-Mirawi a perdu sa mère et deux de ses soeurs. 

Source : l'article "أفواه مكممة... كيف تغتال الحرب في السودان أصوات الصحفيين" écrit par Haider Abdul Karim, publié le 3 décembre 2023 sur le site d'ARIJ.

Selon Idris, la plupart des organismes médiatiques publics et privés ont été visés depuis le début de la guerre, ce qui les a contraints à cesser leurs activités. Le chef du Syndicat explique cette situation par la proximité des bureaux de ces organismes avec les zones de conflit. Il précise que la plupart de ces bureaux ont été attaqués et pillés.

Dès le début de la guerre, les locaux de la Société nationale de radio et de télévision ont été réquisitionnés comme casernes militaires par les Forces de soutien rapide.

Traduction : Les braves #Forces_de_soutien_rapide envoient leurs vœux de joyeuse fête de l'Aïd depuis l'intérieur des bâtiments de la société de radiodiffusion et de télévision, et assurent au peuple soudanais la protection des acquis de sa glorieuse révolution. 

- Forces de Soutien Rapide - RSF Soudan (@RSFSudan) 21 avril 2023

Des violations commises par les deux parties au conflit

Le 11 mai 2023, les forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide ont signé la Déclaration d'engagement pour la protection des civils du Soudan sous la médiation des gouvernements du Royaume d'Arabie saoudite et des États-Unis d'Amérique. Cependant, malgré cette initiative, le traité n'a pas réussi à mettre fin à la guerre entre les deux parties.

Une clause garantissant les droits des journalistes était absente de la déclaration. Les multiples violations à l'encontre des journalistes, hommes et femmes, ont incité dix-huit entités et organisations médiatiques à signer et publier une déclaration à la mi-août, appelant la communauté internationale à prendre des mesures pour protéger les journalistes. 

Cette déclaration exhortait également les deux parties du conflit à mettre fin à la guerre, à ouvrir des couloirs humanitaires, à permettre aux journalistes de couvrir les événements et à faciliter leurs déplacements. Selon la déclaration, les journalistes ont été victimes d'agressions physiques, d'arrestations arbitraires et de disparitions forcées. Les femmes journalistes ont été particulièrement touchées par des violences basées sur le genre, notamment l'exploitation sexuelle.

Les témoignages des journalistes interrogés et l'analyse des données fournies par le Syndicat des journalistes confirment que les forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide ont exercé des pressions sur les journalistes.

Ali Tariq, journaliste pour le journal Al Jarida, a quitté Khartoum lorsque les affrontements se sont intensifiés, préférant retourner dans sa ville natale, dans l'État de Sennar, et travailler depuis chez lui. Le 16 août, il a été convoqué par les services de renseignements généraux suite à la publication d'un article sur les conditions de vie des personnes fuyant Khartoum pour se rendre dans la ville de Singa, dans l'État de Sennar, ainsi que sur le harcèlement subi par les personnes déplacées dans les abris mis à leur disposition.

Les autorités ont rejeté les accusations concernant leur incapacité à fournir un environnement adéquat dans les abris et ont souligné qu'il s'agissait d'allégations sans fondement. Tariq a été emprisonné et sa famille n'a pas été autorisée à communiquer avec lui ni à savoir quoi que ce soit à son sujet. 

Il n'a été relâché qu'après avoir entamé une grève de la faim au quatrième jour de sa détention. Tariq affirme qu'il lui a été conseillé de ne pas aborder les questions humanitaires concernant les personnes déplacées et de ne pas nommer les services de renseignements généraux dans ses futurs articles.

Les Forces de soutien rapide et les forces armées soudanaises ont tenté de réfuter ces accusations sur les réseaux sociaux. Les Forces de soutien rapide sont allées jusqu’à accuser indirectement les Forces armées soudanaises de commettre des crimes, déguisées en membres des Forces de soutien rapide.

La guerre s'étend aux réseaux sociaux

Les réseaux sociaux ont été submergés de nouvelles propagées par les deux parties du conflit. Lorsque les journalistes ont commencé à couvrir la guerre, des listes les associant à l'une des parties au conflit ont été diffusées. En outre, des entités inconnues ont propagé des discours de haine à l'encontre des reporters. Il y a même eu des échanges entre journalistes sur certaines plateformes, s'accusant mutuellement d'avoir un parti pris pour l'un ou l'autre camp.

Les femmes journalistes ont été ciblées par des tentatives de chantage et d'exploitation afin de les amener à adopter l'agenda d'une des parties en guerre, en leur faisant des offres financières. Elles ont également été confrontées à des tentatives d'intimidation et de menaces de poursuites judiciaires si elles refusaient de coopérer.

Hiba Abdel Azim, une journaliste indépendante, a été menacée par l’un de ses collègues dans un groupe WhatsApp avec plus de 67 journalistes, principalement des reporters. Cette menace est survenue à la suite d’une discussion portant sur la question de savoir qui a déclenché la guerre. “Au début, j’ai ignoré la menace, mais ce qui m’a vraiment effrayée, c’est que cette personne connaissait l’emplacement de notre maison ainsi que tous les membres de ma famille. Sa menace de venir chez nous m’a terrifiée, nous avons donc pris la décision de quitter la maison”, raconte-t-elle. 

La journaliste souligne que même la présence de membres du bureau exécutif du Syndicat des journalistes dans le groupe n'a pas empêché certains journalistes de tenir des propos haineux, et que ces membres n'ont pas non plus condamné les menaces qui lui ont été adressées.

Samar Suleiman a vécu une expérience similaire : elle a reçu des menaces sur Messenger, dont une de la part d'un ancien ministre. De plus, on lui a demandé de diffuser du matériel télévisé sur la chaîne pour laquelle elle travaillait, en échange d'une récompense financière. Lorsqu'elle a refusé l'offre, elle a été menacée.

Les journalistes : des cibles directes

Selon les données, environ 71 domiciles de journalistes (homme ou femme) ont été directement attaqué. Abdel Monim Adam, avocat spécialisé dans les droits humains et directeur du projet " Acces to Justice", souligne que les journalistes sont protégé·es par la loi et que toute atteinte à leurs droits constitue une violation flagrante du droit international. 

Il explique que ce droit vise à réduire les conséquences des conflits armés et à limiter leur impact sur les parties en guerre. La loi stipule clairement que les civil·es bénéficient d'une protection légale et qu'ils et elles ne participent pas directement aux hostilités.

L’avocat estime que les journalistes et les institutions de presse ne doivent pas être pris·es pour cibles lors de conflits armés. Leur travail journalistique ou leurs reportages, même s'ils sont erronés ou trompeurs, ne sont pas considérés comme une participation active à la guerre. Selon lui, les journalistes doivent bénéficier d'une double protection, d'abord en tant que civil·es, puis en tant que professionnel·les.

Adam souligne que des pressions ont été exercées sur les journalistes soudanais·es pour qu'ils et elles prennent parti dans le conflit, ce qui constitue une violation évidente de la loi, car ces dernier·es ne sont pas tenu·es de fournir des informations, sauf dans le cadre de leur profession. Toute violation de l'immunité qui leur est accordée par la loi est considérée comme un crime de guerre.

Annexe : Protocole additionnel I aux Conventions de Genève de 1977 1977 
Article 79 : Mesures de protection des journalistes


1 - Les journalistes qui accomplissent des missions professionnelles périlleuses dans des zones de conflit seront considérés comme des personnes civiles au sens de l’article 50, paragraphe 1. [...].

2 - Ils seront protégés en tant que tels conformément aux Conventions et au présent Protocole, à la condition de n'entreprendre aucune action qui porte atteinte à leur statut de personnes civiles et sans préjudice du droit des correspondants de guerre accrédités auprès des forces armées de bénéficier du statut prévu par l'article 4 A.4 , de la IIIe Convention. 

Règles du droit international humanitaire coutumier : Règle 34. 

Les journalistes civils qui accomplissent des missions professionnelles dans des zones de conflit armé doivent être respectés et protégés, aussi longtemps qu’ils ne participent pas directement aux hostilités. 

Quitter le Soudan : quand la couleur de peau, la race et l'identité deviennent des critères d'exclusion.      

"Environ 4 600 000 Soudanais ont été déplacés à l'intérieur du pays depuis le début des affrontements, se réfugiant dans diverses régions du pays", indique un rapport du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). De plus , "environ 1,1 million de Soudanais ont rejoint plusieurs pays, dont la République centrafricaine, le Tchad, l'Égypte, l'Éthiopie et la République voisine du Sud-Soudan, jusqu'à la mi-octobre 2023", ajoute la même source. 

Manal Ali décrit son voyage hors du Soudan, qui a commencé le 31 avril. Elle et son père sont monté·es dans une voiture pour quitter clandestinement la région d'Al-Genaina. Manal Ali était inquiète pour la sécurité de son père au cas où leur identité serait découverte. Leur chauffeur lui a demandé de lui remettre ses effets personnels, tels que son téléphone et son ordinateur portable, pour éviter qu'ils ne soient volés.

Ils ont passé le premier poste de contrôle de la milice armée sans encombre, car le chauffeur était "l'un d'entre eux", explique-t-elle. Au deuxième point de contrôle, les passager·es ont été dépouillé·es de leurs biens, à l'exception de ce que le chauffeur avait caché. Au dernier point de contrôle, Ali rapporte, avec regret, qu'elle et les passagers nubiens ont été distingué·es par la couleur de leur peau, suivie de propos haineux. Finalement, les voyageur·ses parviennent à la frontière tchadienne.

Abbas Al-Khair, correspondant pour la chaîne “Sudan Bukra”, a vécu une expérience similaire. Fin mai 2023, alors qu’il se rendait de Khartoum à Madani, il a été arrêté par l’armée qui lui a demandé ses papiers d’identité. “Mon passeport indique que je suis né à Nyala. Il m'a alors dit : ‘tu es membre des forces de soutien rapide.’ J’ai répondu que non et que je résidais à Shambat, comme le montre mon permis de conduire.” 

Abbas a quitté Al-Qadarif pour se rendre en Éthiopie. Au poste de contrôle d’Al Duqa, le département de renseignement militaire l'a accusé d'être affilié aux Forces de soutien rapide, simplement en se basant sur ses papiers d’identité et sa couleur de peau. On lui a demandé de soulever sa chemise, et il a failli perdre la vie à cause d’une ancienne blessure par arme blanche dans le dos.

Al-Khair a également été contraint de se déshabiller. “Un membre des forces armées au poste de contrôle m’a demandé d’enlever ma ceinture et mon pantalon, ce que j’ai fait, sous la contrainte. Ils m’ont alors fouillé et ont touché des parties sensibles de mon corps”, raconte-t-il.

Le journaliste a ensuite été battu et détenu pendant de longues heures. Il a été emmené dans une pièce maculée de sang pour le forcer à avouer son appartenance aux Forces de soutien rapide. Lors de la fouille de ses affaires, des documents relatifs aux causes du soulèvement ont été découverts. Cela aurait pu aggraver sa situation, mais il leur a expliqué qu'il avait quitté son travail depuis plusieurs mois.

Abbas Al-Khair explique qu'il n'a été libéré qu'après qu'un de ses proches, officier des forces armées soudanaises, a été contacté. 

 Al-Khair et Ali font partie des dizaines de journalistes qui ont quitté le Soudan pour se réfugier dans les pays voisins.

Le chef du Syndicat des journalistes, Abdel Monim Abu Idris, a confirmé que le Comité international pour la protection des journalistes et Reporters sans frontières ont participé à l'évacuation d'un certain nombre de journalistes, hommes et femmes, du Soudan, et que des efforts sont en cours pour en évacuer d'autres. Selon M. Abu Idris, la plupart des journalistes ont été envoyés en Égypte.

Source : l'article "أفواه مكممة... كيف تغتال الحرب في السودان أصوات الصحفيين" écrit par Haider Abdul Karim, publié le 3 décembre 2023 sur le site d'ARIJ.

Le 11 octobre 2023, le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a adopté une résolution visant à créer un comité chargé d'enquêter sur les violations des droits humains. La Grande-Bretagne avait soumis au Conseil des droits de l'homme un projet de résolution visant à enquêter sur les violations commises par les deux parties au conflit au Soudan. Le gouvernement soudanais a rejeté le projet de résolution et l'a jugé injuste, car il mettait sur un pied d'égalité l'autorité légitime des forces armées et celle des forces rebelles. 

Alors que la guerre fait rage, faisant plus d'un millier de mort·es et des milliers de blessé·es, et poussant cinq millions de Soudanais·es à se déplacer, Manal Ali, qui s'est récemment installée en Ouganda, déclare : "Je vis dans des circonstances désastreuses ; j'ai tout perdu, et j'ai perdu mon identité parce que mon travail journalistique était tout." Elle souligne que, comme les civils innocents, les journalistes paient un lourd tribut à cette guerre.

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