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Yassine, 19 ans, étudiant et gérant d’une petite entreprise, 1500 dinars par mois


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10 Décembre 2023 |
"Pour moi, l'argent n'est pas la priorité. Je le fais réellement par passion", affirme Yassine, un étudiant qui jongle entre ses cours à l'université et la gestion d'une petite entreprise. Il est à la tête d'une entreprise spécialisée dans la vente de t-shirts et travaille également en freelance.
Après sa journée de cours, Yassine fait un détour par la salle de sport avant de se rendre chez ses grands-parents. Là-bas, il se consacre à son travail, appelle ses client·es et veille au bon déroulement de ses ventes. 

Yassine étudie l'informatique à l'université de Gafsa. Il vit avec ses grands-parents et fait de temps en temps des allers-retours chez ses parents à Tunis. En plus de ses études, le jeune homme gère une petite entreprise qu'il a lancée il y a deux ans. Il est spécialisé dans la création de t-shirts qu'il vend sur commande. "J'ai eu l'idée de développer mon propre projet à 16 ans, mais je n'avais pas les moyens de le concrétiser à l'époque", raconte-t-il 

Après avoir obtenu son baccalauréat, Yassine a reçu une importante somme d'argent de la part de ses proches. "Je ne savais pas trop quoi faire de tout cet argent. J'ai donc décidé de l'investir.” Comme il maîtrise déjà Photoshop, Yassine se lance dans la création de designs pouvant être appliqués sur des T-shirts. "J'ai d'abord pris des dessins préexistants et je les ai modifiés pour y ajouter ma touche personnelle. Je n'en suis pas très fier, mais je voulais simplement commencer quelque part".

Une fois les designs prêts, Yassine crée une page Instagram et élabore un plan de communication. "C'était relativement facile, car je sais ce qu'il faut faire. J'ai appris le marketing digital par moi-même, parce que ça m’a intéressé". Par la suite, Yassine contacte un fournisseur et organise une séance de photos avec ses ami·es. "J'ai investi 600 dinars pour obtenir les pulls auprès du fournisseur, mais la séance photo n'a rien coûté", précise le jeune entrepreneur. La première collection, partagée sur les réseaux sociaux, connaît un grand succès.

"Même si je n'avais pas un grand nombre de followers, chaque personne qui s'abonnait passait une commande, c’était fantastique"

Yassine trouve un accord avec son fournisseur. Il décide désormais de ne plus produire de t-shirts en grande quantité, mais uniquement sur commande. Il dépense 40 dinars pour l'impression de chaque T-shirt, qu'il vend ensuite à 60 dinars, avec un supplément de 5 dinars pour les frais de livraison. Chaque week-end, lorsqu'il est à Tunis, il se rend chez son fournisseur et livre les commandes à ses client·es. Lorsqu'il est à Gafsa pour ses études, c'est son cousin qui s’en charge.

 "J'ai vraiment apprécié le processus plus que les résultats. Ma passion réside dans l'aspect entrepreneurial. Pour moi, l'argent n'est pas la priorité. Je le fais réellement par passion", s’enthousiasme le jeune homme. 

"J'ai fait des erreurs lorsque j'ai créé ma deuxième collection, et elle n'a pas eu autant de succès, mais c'est un parcours d'apprentissage, et je suis satisfait même si les gains n'ont pas été énormes", poursuit-il.

Parallèlement à son commerce, Yassine travaille en tant que monteur vidéo en freelance. Il s'est inscrit sur des sites spécialisés, mais attendre que les client·es le contactent n'a pas donné les résultats escomptés. "Je ne voulais pas être passif et j'ai donc décidé de changer mon approche et de chercher moi-même des clients", déclare-t-il. "D'abord, j'ai dû me fixer une cible. Qu'est-ce que je peux faire et pour qui je peux travailler ?" 

Il décide de contacter des créateur·trices de contenu et de se spécialiser dans la création de réels pour les influenceur·ses en coaching sportif et financier, en Tunisie et à l'étranger. Pour élargir son réseau, Yassine se tourne vers ses ami·es et leur demande de lui trouver des client·es. "Mes amis sont étudiants et n'ont souvent que l'argent de poche de leurs parents pour vivre. C'est pratique pour moi car je n'ai pas trop de travail et ils gagnent de l’argent pour chaque client sérieux qu'ils trouvent." Le jeune homme a mis en place un réseau de plus de trente personnes pour l'aider à trouver de nouveaux contacts. De plus, il a engagé des monteurs vidéo pour alléger sa charge de travail. "Je ne consacre que quelques heures par jour à la supervision des opérations", déclare Yassine. 

Il se contente ainsi de vérifier le travail effectué par les monteurs vidéo, s'assurant que le nombre requis de vidéos par jour est réalisé. Cette activité lui génère un revenu de 900 dinars par mois. Pour ses ventes de pulls, Yassine confirme les commandes avec les client·es et communique avec son fournisseur quotidiennement. Cette activité lui rapporte un profit de 400 dinars par mois. 

Voici un aperçu de ses sorties et entrées d’argent mensuelles :

Pendant l'été, Yassine réside chez ses parents à Tunis, tandis qu'en hiver, il habite chez ses grands-parents à Gafsa. Cette situation lui permet de limiter ses dépenses. Yassine a l'habitude de sortir avec ses ami·es tous les jours, ce qui représente une dépense d'environ 10 dinars au quotidien. De plus, il a l'habitude de manger fréquemment à l'extérieur, ce qui représente une dépense totale de 200 dinars par mois.

"Je ne dépense pas énormément d'argent. Récemment, j'ai pu économiser suffisamment pour acheter un scooter."

Voici le détail de ses dépenses et revenus mensuels :

Zone grise

Ces activités ont un impact sur le temps que Yassine passe à étudier, mais le jeune homme affirme obtenir de bonnes notes sans beaucoup de difficultés. Il reconnaît cependant qu'il pourrait exceller s’il s'investit davantage dans ses études. “Mais j’étudie seulement pour satisfaire mes parents”, avoue-t-il. “Je ne consacre que 20% de mes efforts à mes études, car je me sens obligé de le faire. Je ne veux pas parler d’obligation, parce que je veux que mes parents soient fiers de moi, et j’ai choisi de leur faire plaisir.”

Yassine est l'aîné de sa famille. Sa mère, qui est enseignante, l'encourage à travailler. En revanche, son père préférerait que son fils se concentre uniquement sur ses études. "Il pense que c'est une perte de temps et que je ne le fait que pour l'argent. Mais ce n'est pas vrai, je le fais surtout parce que je suis passionné”, explique le jeune homme. 

"Je sais que mon père est fier de moi. On m'a souvent rapporté qu'il disait que j'avais du potentiel. Cependant, il ne le dit pas devant moi."

Malgré tout, Yassine ressent une certaine frustration à passer toute la journée à l’université. Il estime qu'il pourrait utiliser ce temps pour des activités où “j'apprendrai réellement quelque chose” ou acquérir des compétences en autodidacte chez lui avec son ordinateur en quelques mois, sans avoir à attendre l’obtention d’une licence ou d’un master pour le même résultat. Il critique le rythme de l'université, le jugeant trop lent. "Je n'aime pas perdre de temps", plaisante-t-il.

“Si mes parents m'encourageaient à faire ce que je veux, je serais beaucoup plus heureux. Mes projets avanceraient plus vite et j'atteindrais plus facilement mes objectifs", souligne-t-il.

Futur 

Yassine est passionné par ce qu'il fait, mais il n'a pas de projets immédiats pour étendre ses entreprises. Son objectif est de créer plusieurs petites entreprises similaires et de les laisser fonctionner de manière autonome. Il explique : "Je veux investir du temps au départ, puis me détendre et les laisser fonctionner de manière autonome une fois qu'elles seront lancées."

Il exprime son désir de partir à l'étranger, car il estime qu'il pourrait développer son entreprise de la manière qu'il souhaite. Le jeune homme a le sentiment qu’en Tunisie, il est plus compliqué de développer son propre projet.

Yassine envisage deux moyens de partir à l'étranger. Il pourrait opter pour les études, c'est-à-dire s'inscrire dans une université à l'étranger avec le soutien de ses parents. L'autre option serait de travailler, économiser autant d'argent que possible, puis partir par ses propres moyens.

Cependant, pour être plus libre dans ses décisions et poursuivre ses rêves, Yassine reconnaît qu'il doit d'abord obtenir sa licence, satisfaire ses parents et obtenir leur bénédiction avant de pouvoir pleinement poursuivre ses projets.