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Nesrine, 29 ans, développeuse web, 3000 euros, du rêve au désenchantement


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30 Octobre 2022 |
Nesrine nourrit depuis son enfance une passion pour l'art. Actuellement, elle travaille comme développeuse web dans une Fintech [Ndlr: start-up innovante qui combine finance et technologie] et son salaire lui permet d'avoir une vie plutôt confortable. Toutefois, la jeune femme a d'autres objectifs : elle souhaite réunir sa passion et son travail, mais son parcours n'est pas sans obstacles.

Dans un petit studio à Paris, Nesrine jongle entre trois écrans. Sa mission : développer des applications à but financier pour son entreprise. Elle habite près de son lieu de travail, et a la possibilité de travailler à domicile ou au bureau. "J'ai eu la chance d'habiter aussi près du bureau. Je prends le métro juste en face de chez moi quand je vais au travail. En 20 minutes environ, j'arrive à la station qui se trouve devant la porte de l'entreprise." déclare-t-elle. 

Passionnée d'art, Nesrine peint depuis l'âge de 6 ans. Après le lycée, elle était déterminée à poursuivre ses études dans ce domaine. Cependant, après avoir décroché une très bonne moyenne au bac, ses parents la dissuadent de poursuivre des études en arts, de peur qu'elle ne trouve pas d'emploi stable. Elle intègre alors l’Institut national des sciences appliquées et de technologie et se spécialise en génie logiciel.

 “J'ai suivi les conseils de mes parents parce qu'ils s'inquiétaient pour mon avenir. Vivre de son art est un défi de taille dans le monde entier, notamment en Tunisie, et je n'étais pas prête à prendre un tel risque.” explique-t-elle

Après avoir obtenu son diplôme d'ingénieur, la jeune femme s'installe en France. Avec le soutien financier de ses parents, elle s'inscrit à un master en développement de jeux vidéo dans une université parisienne. "Ce master, qui allie ma passion pour l'art et mes compétences techniques, était parfait pour moi", affirme Nesrine. 

Elle ajoute : "J’aime créer des jeux vidéo. C'est un art qui nécessite une maîtrise des outils informatiques ainsi qu'une architecture visuelle, de la musique, de la narration , et tout un univers." 

Une fois son master en poche, Nesrine s'est retrouvée face à un choix difficile : vivre de sa passion ou avoir un revenu solide pour vivre confortablement. En effet, selon elle, l'industrie des jeux vidéo, si elle fait rêver beaucoup de gens, est un enfer pour les développeur·ses. Elle précise : "L'industrie du jeu exploite ses employés. Les programmeurs ne sont pas bien payés et les conditions de travail sont très difficiles", explique la jeune femme. 

“Pour poursuivre ma carrière dans l'industrie du jeu, je devais soit travailler des heures interminables au sein d'une grande entreprise et me laisser exploiter, soit travailler dans une petite start-up et être sous-payée.” ajoute Nesrine

Elle opte finalement pour un poste de développeuse web dans une entreprise française. Ce travail lui rapporte aujourd'hui un salaire de 3000 euros.  

  Voici un aperçu de ses entrées et sorties d’argent mensuelles :    

Nesrine est indépendante, elle vit de son salaire et cherche à faire des économies. Au début de chaque mois, elle épargne entre 600 et 800 euros.  "Je mets de l'argent de côté en début de mois pour éviter de dépenser tout mon salaire. Lorsque je n'y parviens pas, je réexamine mes dépenses et j'essaie de les réduire autant que possible." affirme la jeune femme.

Pour Nesrine, la charge la plus élevée est son loyer. Pour un studio de 27 m² dans le nord de Paris, elle verse 820 euros. Le reste de ses dépenses, outre ses factures mensuelles, varie d'un mois à l'autre. 

Bien qu'elle essaie de dépenser raisonnablement, il lui arrive de faire des achats dont elle n'a pas besoin. "Parfois, je me retrouve à acheter des choses inutiles, j'ai récemment acheté un tas de parfums d'ambiance pour ma maison, alors que j'ai déjà un diffuseur d'air électrique qui me sert justement à ça." 

Nesrine retourne une fois par an en Tunisie. Ses vacances lui coûtent environ 250€. Tous les deux ans, elle voyage également en Europe. Même si elle ne surveille pas autant ses dépenses lors de ses déplacements, elle veille à ne pas excéder son budget. Pour éviter de perdre de l'argent, elle achète ses billets à l'avance pour moins cher et voyage en bus ou en train lorsque c'est possible. "Je préfère voyager en bus ou en train, même si c'est plus lent, ça me coûte moins cher.” déclare-t-elle. 

Il y a quelque temps, Nesrine a eu des problèmes de santé. Pour couvrir ses frais médicaux, elle a dû puiser dans son compte d'épargne. Bien qu'elle économise pour les situations d'urgence, elle a également d'autres projets en tête pour l'argent qu'elle a mis de côté. "Je me sens souvent coupable lorsque je dois piocher dans mes économies. Mon salaire devrait être suffisant pour couvrir toutes mes dépenses."

Grâce à son travail, Nesrine bénéficie d'une mutuelle santé. La majeure partie de sa cotisation est prise en charge par son employeur. Bien que certains médicaments et traitements ne soient pas couverts, la plupart de ses frais médicaux sont remboursés.  

Voici le détail de ses entrées et sorties d’argent mensuelles :

Zone grise 

Au fil des ans, Nesrine a essayé de concilier son goût pour l'art et ses études d'informatique. Aujourd'hui, la jeune artiste s'intéresse à la peinture numérique, une forme d'art digital qui permet d'appliquer des techniques de peinture traditionnelles telles que l'aquarelle et le crayon par le biais d'outils numériques et de programmes informatiques.  

Toutefois, entre le travail et sa vie quotidienne, Nesrine ne parvient pas à consacrer suffisamment de temps à l'exercice de sa passion, ni à la gestion du profil instagram créé pour promouvoir ses créations.  

"J'ai beaucoup d'idées en tête, mais je ne trouve pas assez de temps pour les concrétiser. Je n'arrive même pas à trouver le temps de gérer et de mettre à jour ma page instagram." se plaint Nesrine.  

Futur

En ce qui concerne l'avenir, Nesrine souhaite reprendre le développement de jeux vidéo, mais refuse de travailler au sein d'une entreprise. 

Elle précise : "Je ne travaillerai jamais dans une entreprise de jeux vidéo. Si je décide de reprendre cette activité, ça sera pour mon propre compte."  

Si elle s'efforce de faire des économies, l'avenir de la jeune artiste reste flou. A ses dires, il n'est pas question de passer sa vie confinée entre quatre murs ou face à un écran : "Dans quelques années, je voudrais abandonner le monde informatique et ouvrir un petit bar en région parisienne.” déclare-t-elle.