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Combien coûte la scolarité d’un enfant ?


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02 Octobre 2022 |
La scolarité des enfants peut représenter un budget important dans les dépenses d’un foyer entre l’augmentation du prix des fournitures et les frais d’inscription et de scolarité pour celles et ceux inscrit·es dans le privé. À l'occasion de la rentrée scolaire, deux familles racontent leur quotidien.

Installé·es dans le Grand Tunis, Karima et Fethi* sont parents de trois enfants. L’aînée est en deuxième année secondaire, son frère en 8ème année et le benjamin en troisième année primaire. Karima est mère au foyer et son époux livre des équipements médicaux, à son compte. 

Karima explique que son foyer est plutôt serein au niveau des moyens financiers. “Si ça n'était pas le cas, j’irai travailler” explique cette dernière. Mais, elle s’inquiète tout de même des dépenses liées à la scolarité des ses enfants, qui ne cessent de croître d’année en année. Le couple a préféré inscrire le benjamin en école privée et leur fille aînée, qui était jusqu’à présent étudiante dans un lycée public, passera à un établissement privé dès la rentrée prochaine. 

De son côté, Sarah* est mère d’un enfant actuellement en 4ème année primaire. Atteint de dysphasie, ce dernier a été violenté et humilié par ses professeurs dans son ancienne école, Sarah n’a donc pas eu d’autre choix que de l'inscrire dans une école spécialisée privée. La jeune femme est mère au foyer et son époux, issu d’un second mariage, est technico-commercial dans une société de traitement des eaux.

Le recours “obligatoire” au privé  

Sarah a dû inscrire son fils en école privée pour que ce dernier soit correctement pris en charge. “Au début il était scolarisé à l'école publique et ça se passait bien. Il avait son dossier médical et les maîtresses étaient compréhensives” explique cette dernière. Mais en troisième année, la nouvelle maîtresse refuse de prendre en compte le trouble de son fils. La scolarité de l’enfant devient alors un cauchemar, il subit des violences et ses notes dégringolent. “Il a même fugué de l’école une fois, il aurait pu se perdre ou être blessé et tout ça c'est de leur faute” dénonce Sarah. 

Sarah ne comprend pas ce refus de prendre en charge qu’elle trouve “injuste”.La maîtresse est censée lui porter de l’attention, s’assurer qu’il arrive à suivre le cours. Ce n’est pas grand chose”. Elle explique même être régulièrement présente pour continuer à travailler avec son fils lorsqu’il rentre de l’école. Elle a tenté d’avoir recours à un·e accompagnateur·trice du ministère de l’Education, sans succès. Le trouble de son fils ne serait pas “suffisant” pour qu’il bénéficie de cette aide. 

Cette dernière dit s’être "beaucoup disputée avec l'administration de l'école” sans que cela ne débouche sur quelque chose. " Il y a une maîtresse qui m'a dit qu'elle ne reconnaissait pas le diagnostic des spécialistes et qu'elle s'en fichait" raconte-t-elle.

Alors quand une de ses sœurs lui a parlé de cette école spécialisée se trouvant à Tunis, la jeune mère a sauté sur l’occasion. “Il a redoublé sa troisième année dans cette école et ça s’est très bien passé. (...) Ses notes avaient dégringolé et là, il est passé à un 17 de moyenne” raconte Sarah.

“On voit bien la différence lorsque le ou la professeur·e s’occupe un peu de lui", ajoute-t-elle.

Seul problème, les frais de scolarité de cette école sont très élevés, 5600 dinars l’année. Sans l’aide de ses frères et sœurs, Sarah n’aurait pas pu se permettre d’y inscrire son fils. "L'année dernière je payais la cantine et mes frères et sœurs le reste. Cette année je paye la nourriture et la garderie", explique-t-elle. Cela lui revient à 1050 dinars à l’année.  

Si Sarah payait tout de sa poche, cela aurait représenté plus d’un tiers des revenus du foyer ce qu’elle et son mari ne peuvent pas se permettre.

De leur côté Karima et Fethi ont inscrit leur benjamin en école privé dès la première année parce que selon Karima, l’école primaire de secteur où ses deux aînés ont été scolarisés “a perdu du niveau depuis”. “On a donc préféré l’inscrire directement en privé, je ne sais pas si il y restera au collège” explique cette dernière.  

Sa fille aînée a effectué cette année sa première rentrée en lycée privée car, selon Karima, dans son ancien établissement “les profs s’en fichaient complètement des élèves et il n’y avait pas d’accompagnement”. Ses notes ont donc chuté. De plus, Karima déplore le fait qu’elle ne pouvait pas parler avec les professeur·es lorsqu’elle le souhaitait et que durant la première année de sa fille, cette dernière n’a pas eu de professeur de français pendant près de deux mois. Pour toutes ces raisons, le couple a préféré l’inscrire dans un lycée privée en espérant que les conditions d’apprentissage seront meilleures.  “Je ne sais pas si elle y restera, on verra" explique-t-elle. 

Des prix des fournitures scolaires en constante hausse

Fin juillet, Jameleddine Dardour, président de la Chambre nationale des libraires à l’UTICA a annoncé une augmentation des prix des fournitures scolaires allant de 20 à 25%. Selon lui, cette hausse concerne surtout les cahiers non subventionnés par l’Etat et est due à une pénurie mondiale de papier. 

D’après Safa, une libraire du Grand Tunis, les prix des cahiers non subventionnés aussi appelés “super” augmentent fréquemment tandis que ceux subventionnés ont augmenté seulement de quelques millimes l’an dernier. Toujours d’après la libraire, en moyenne, les prix des cahiers “supers” sont trois fois plus élevés que ceux des cahiers subventionnés. 

Selon les familles interrogées, le manque de cahiers subventionnés se fait ressentir.

On ne trouvait pas de cahiers subventionnés cette année, les vendeurs n’en donnaient qu’aux personnes qu'ils connaissaient" déplore Sarah.

De son côté, Karima explique que “l’année dernière, il n’y avait tellement pas de cahiers subventionnés que la librairie me prévenait en me disant qu’elle pouvait me donner une moitié de cahiers subventionnés et l’autre non”.

Selon Safa, ce manque est dû en partie aux sorties médiatiques sur l’augmentation des prix des fournitures et leur possible pénurie. Celles-ci font paniquer les familles qui se ruent immédiatement sur les stocks.

Elle reconnaît tout de même que cette absence de cahiers subventionnés “est un problème général présent chaque année” sans qu’elle n’en connaisse la cause. “Cette année, ça l’a été un peu plus à cause de la crise mondiale du papier”, ajoute-t-elle.

Cette dernière dit ne plus avoir de cahiers subventionnés depuis une semaine et attendre une nouvelle livraison. “Je ne sais pas combien l’Etat en produit, nous, nous en recommandons dès que nous n’en avons plus”, détaille Safa.

Autre augmentation selon Karima, les tabliers, qui sont obligatoires et dont le prix oscille entre 45 et 50 dinars. “Le prix du tablier a augmenté avec les années. Son prix n’a rien à voir celui de maintenant, je me souviens que quand mon aînée était à l’école primaire, ils coûtaient entre 15 et 20 dinars, ce n’était pas aussi cher” raconte cette dernière. 

Enfin elle explique se fournir exclusivement en librairie : “on ne va pas dans les grandes surfaces parce que c’est plus cher. La librairie fait une remise de 10% à chaque rentrée sur quelques fournitures scolaires”.

La systématisation des cours particuliers ? 

Karima et Fethi dépensent 1200 dinars de cours particuliers à l’année pour leurs deux aînées. L’an dernier, l’aînée prenait des cours de mathématiques et de physique un jour sur deux, y compris le week-end tandis que son frère, lui, prenait des cours de mathématiques et d’anglais.

La mère de famille en est satisfaite : “c'était bien, je ne regrette pas du tout, je pense que ça aide. Par contre je pense que ça dépend de l’enfant, de son niveau et de ses difficultés. Je ne paye jamais toute l’année directement, je paye seulement le premier mois et j’attends de voir comment ça se passe”.

Elle dénonce également une “injonction” aux cours particuliers :

“Bien sûr que mes enfants prennent des cours particuliers, il y a encore des enfants qui n’en prennent pas ? Limite si tu n’en fais pas tu n’es pas normal. Si quelqu’un te demande et que tu dis non, tu es considéré comme quelqu’un d’anormal” raconte-t-elle en riant.

J’ai une amie, sa fille est première de tout le collège et elle prend quand même des cours particuliers. Je ne comprends pas que des élèves qui n’ont pas de souci en prennent", ajoute la mère de famille. 

Selon Karima, les professeurs encouragent leurs élèves à prendre des cours particuliers surtout si ces derniers sont en difficulté. Et les prix varient selon les professeurs et leur réputation.

Entre frais de scolarité, fournitures scolaires ou encore cours particuliers, pour ces deux familles, la scolarité des enfants représente des dépenses importantes. Malgré la différence de moyens, les deux semblent inquiètes pour l’avenir. Encore plus lorsqu’on sait que l’inflation s’élève actuellement à 8,6%.