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Nesrine, 24 ans, employée de service clientèle en télétravail, 960 dinars par mois


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13 Décembre 2020 |
Pour Nesrine, employée de service clientèle à Tunis, l’épidémie du Covid-19 a eu un impact important sur son mode de vie. Télétravail, sorties réduites, elle s’est recentrée sur ses activités domestiques mais sans pour autant réussir à faire des économies. Plongée dans son porte-monnaie.  

Il est 18h, Nesrine quitte sa session de travail et éteint son ordinateur. Pour une fois, elle n’aura pas à faire des heures supplémentaires ce soir, malgré une charge de travail accrue avec l’arrivée des fêtes de fin d’année.

Nesrine a 24 ans et travaille dans le service clientèle d’une grande entreprise internationale délocalisée en Tunisie. Elle est employée au sein du département anglophone de la compagnie et assure le service après-vente pour les client·es résidant au Royaume-Uni. 

Son salaire est d’environ 910 dinars par mois, mais il peut varier en fonction des heures supplémentaires, souvent imposées par son employeur pendant les pics d’activité. “Parfois, pendant un mois ou deux, je dois travailler deux heures de plus par jour plusieurs fois par semaine. Ça fait plus d’argent à la fin du mois, mais c’est vraiment fatigant”, confie la jeune femme.

Son travail lui garantit une couverture santé gratuite et assure le transport de tou·tes les employé·es via un service de bus privés. Avec son emploi, elle bénéficie également de tickets-restaurants, d’une valeur de 100 dinars par mois.

Voici un aperçu de ses entrées et sorties d’argent mensuelles :

Originaire d’une ville côtière, Nesrine habite et travaille à Tunis depuis un an. Après des études en commerce international dans une école privée, elle a travaillé une année dans sa ville d’origine avant de partir s’installer dans la capitale.  

“ Là d’où je viens, c’est très différent, il n’y a pas d’endroit pour se divertir, tout le monde ne fait que travailler ou étudier. Donc après avoir travaillé pendant un an comme chargée de clientèle, j’ai voulu chercher une nouvelle opportunité à Tunis. Ici, j’aime le fait de pouvoir sortir de temps en temps”.

Nesrine vit en colocation avec deux de ses collègues, qui sont aussi des amis. Elle dépense pour sa part 350 dinars par mois pour le loyer. Les trois ami·es ont emménagé ensemble récemment et n’ont pas reçu de facture d’eau et d’électricité pour l’instant. Au cours des deux derniers mois, ils et elle ont juste eu à payer la facture Internet, qui revient à 15 dinars mensuels par personne. 

Au quotidien, depuis le début de l’épidémie de Covid-19, chacun travaille dans sa chambre avec un ordinateur fourni par l’entreprise. Après leur journée de travail, les trois ami·es se partagent les tâches ménagères et apprécient passer du temps ensemble. 

Ces dernières semaines, les habitudes de Nesrine ont un peu changé, notamment à cause du télétravail. En étant beaucoup à la maison, elle passe dorénavant plus de temps à cuisiner, ce qui lui a permis de réduire son budget pour l’alimentation. Alors qu’il dépassait 400 dinars par mois auparavant, elle ne dépense plus que 270 dinars depuis quelques mois, principalement pour des courses, et plus rarement pour prendre un repas à l’extérieur. Ses tickets-restaurant lui permettent de payer une bonne partie de ses achats en magasin.

À cela, s’ajoutent 40 dinars de dépenses pour les produits de ménage, d’entretien et d’hygiène ainsi qu’environ 30 dinars de recharges téléphoniques.

Elle a aussi limité ses sorties, ce qui réduit son budget pour les transports. Désormais, elle estime dépenser environ 100 dinars par mois au total, essentiellement pour des trajets en taxi. Elle prend aussi le louage au moins une fois par mois pour aller voir sa famille, ce qui lui revient à chaque fois à 30 dinars aller-retour. 

Comme loisir, Nesrine aime passer du temps à trouver de nouveaux vêtements, en plus de ceux que sa mère achète pour elle régulièrement. Elle fréquente les fripes de l’Aouina, en banlieue de Tunis, ou bien se rend en boutique quand elle est de passage dans sa ville d’origine, car les vêtements y sont moins chers que dans la capitale. Elle y dépense habituellement 150 à 200 dinars par mois, mais précise ne pas y être allée récemment.

Avant l’épidémie, Nesrine fréquentait régulièrement une salle de sport, dont l’abonnement lui coûtait 80 dinars par mois. Malgré la réouverture des salles après le confinement, la jeune femme n’a pas repris le chemin de l’entraînement et préfère faire de l’exercice chez elle. "Maintenant, je n’ai plus trop de motivation pour y aller, donc je fais du sport chez moi, et c’est gratuit”, commente-elle avec un sourire. 

Elle avait également l’habitude de partir en camping trois ou quatre fois par an, mais pas cette année. Depuis le confinement instauré au printemps 2020, Nesrine ressent plutôt le besoin de continuer à passer du temps chez elle. 

"Ça ne fait pas partie de mes priorités en ce moment, je préfère plutôt manger sain, prendre soin de moi au calme chez moi. Ces derniers temps, je lis, j’écris plus...” 

Nesrine délaisse aussi son habitude de se rendre chaque semaine chez le coiffeur, chez qui elle dépensait environ 100 dinars par mois en lissage et soins, en plus de ses produits habituels. Maintenant qu'elle a décidé de se coiffer seule à la maison, c'est un coût en moins. Mais elle dépense toujours environ 200 dinars mensuels en achat de cosmétiques et produits divers. 

Malgré le stress du travail, Nesrine a aussi beaucoup diminué la cigarette ces derniers temps. Longtemps habituée à fumer un paquet de cigarettes tous les deux jours, elle n’en fume plus qu’une ou deux par semaine. “ Il y a un mois ou deux, j’ai décidé de revenir à un mode de vie plus sain”, explique-t-elle.

A l’inverse, sa consommation de cannabis a augmenté récemment, elle y a consacré environ 100 dinars ce mois-ci et 50 dinars le mois d’avant. Occasionnellement, Nesrine consomme aussi un peu d’alcool, lors d’une fête pendant le week-end ou bien une petite soirée entre ami·es, ce qui lui revient à environ 50 dinars par mois. 

Avec toutes ses dépenses, elle ne parvient pas à faire des économies, mais tient quand même à aider comme elle peut son frère de 20 ans, étudiant dans sa ville d’origine. Elle lui donne 50 dinars de temps en temps, “comme un petit geste. Parfois je lui achète quelque chose, il aime beaucoup la musique donc une fois je lui ai offert des baffles".

Voici le détail de ses entrées et sorties d’argent mensuelles :

Zone grise

A la fin du mois, la jeune femme doit souvent se résoudre à utiliser son découvert, ou piocher de l’argent de son compte épargne sur lequel se trouvent actuellement 1500 dinars. “ Mais à la fin du mois, il n'en restera que 1000”, estime-t-elle, pragmatique. “Les fins de mois sont parfois stressantes. La dernière semaine, voire les deux dernières semaines, je dois faire plus attention”. 

Deux ou trois fois par an, ses parents lui apportent un soutien financier, à hauteur de 200 ou 300 dinars chaque fois. “C’est quand j’en ai vraiment besoin”, avoue-t-elle .

"Ça ne les dérange pas, mais c’est une pression pour moi, j’aimerais être totalement indépendante financièrement”.

“Avant, mes parents couvraient toutes mes dépenses, mais depuis que j’ai commencé à travailler c’est moi qui prend tout en charge, et ce n’est pas toujours facile”, concède-t-elle avec un sourire. “J’aime être indépendante et pouvoir subvenir moi-même à mes besoins, mais on se rend compte que cela implique des choix !”

Futur

Lorsqu'il est question de perspectives d’avenir, la jeune femme est un peu indécise. À court terme, Nesrine aimerait achever son master en administration des entreprises, qu’elle a interrompu lorsqu’elle a commencé à travailler. Mais elle craint que travailler à plein temps tout en étudiant soit difficile à gérer et n’a pas encore entamé de procédure en ce sens. 

La seule chose dont Nesrine est sûre, c’est qu’elle ne se voit pas rester longtemps dans sa société actuelle. Elle aimerait créer sa propre entreprise en Tunisie mais elle a aussi très envie de voyager et travailler à l’étranger.

Nesrine explique donc qu’elle hésite entre deux projets pour sa vie future : rester en Tunisie et monter son affaire, ou bien partir et trouver du travail ailleurs. Elle estime que sa parfaite maîtrise de l’anglais est un atout qui lui permettrait de facilement obtenir un emploi à l’international.

“Si je rêve en grand, j’aimerais beaucoup aller en Norvège. J’y ai des amis qui m’ont parlé de la vie là-bas, ça a l’air tranquille” raconte-t-elle avec enthousiasme. “Mais si je pars, ça sera pour longtemps. J’aimerais m’établir quelque part pour de bon, pas seulement pour économiser de l’argent puis revenir en Tunisie. J’ai envie de pouvoir vivre le moment et profiter, où que je sois”.