La liste des personnes concernées par la déclaration des biens et des intérêts ne se limite pas à la fonction publique ou aux élu·es. Les journalistes, responsables de médias, d’associations, de partis politiques ou de syndicats devront également s’y plier, au même titre que les responsables de sociétés privées sous contrat avec l’État.
Les déclarations des haut·es responsables (au sein de la présidence de la République, du gouvernement, du Parlement, des instances constitutionnelles, des collectivités locales, du Conseil supérieur de la magistrature, etc.) devront être publiées sur le site de l’instance de lutte contre la corruption. Celles des autres personnes concernées par la loi ne seront pas rendues publiques.
En plus des biens et des intérêts propres à la personne soumise à l’obligation de déclaration, cette dernière doit également déclarer ceux de son ou sa conjoint·e ainsi que de ses enfants mineur·es. Cependant, les biens des ascendant·es, des frères et soeurs ou d’autres proches ne seront pas soumis à la même surveillance.
La valeur minimale des biens ou des cadeaux à déclarer ainsi que la nature d’éventuels intérêts sera détaillée par des décrets gouvernementaux. Ces décrets devront être publiés dans les deux mois à compter de la date de promulgation de la loi.
Dans le cadre de la lutte contre les conflits d’intérêts, certains mandats seront incompatibles avec l’exercice d’autres fonctions. Ainsi, le ou la président·e de la République, les membres du gouvernement ou encore des instances constitutionnelles ne pourront exercer d’autres activités dans la fonction publique ou au sein des organes décisionnels d’entreprises publiques ou privées. Une personne coupable d’avoir cumulé deux fonctions incompatibles risque deux ans de prison et une amende.
La notion de conflit d’intérêts peut s’étendre après la fin du mandat, pour une période de cinq ans, notamment pour les membres du gouvernement qui exerceraient une activité de conseil dans le domaine qui était sous leur supervision.
Enfin, même si aucune sanction n’est prévue, un·e député·e doit renoncer à son droit de vote pour les sujets où il ou elle a un intérêt financier direct. Cependant, les parlementaires ont tenu à préciser que participer au vote sur un sujet concernant un secteur ou un groupe auxquels ils ou elles appartiennent n’est pas considéré comme un “intérêt financier direct”. Par exemple, un projet donnant des avantages fiscaux aux professions libérales pourrait théoriquement être adopté avec les élu·es concerné·es, sans que cela ne soit considéré comme un conflit d’intérêts.
Indépendamment des dispositions spécifiques à certaines fonctions, les personnes concernées par la loi sont tenues d’informer leur hiérarchie ou leur organisme de tutelle dans le cas de l’existence d’un conflit d’intérêts susceptible de compromettre un processus de prise de décision. Si cet intérêt est dénoncé par une personne tierce, cette dernière pourra bénéficier de la législation protégeant les lanceur·ses d’alerte.
À compter de la publication des décrets d’application, les personnes concernées auront 60 jours pour déposer leur déclaration auprès de l’Instance nationale de lutte contre la corruption (en attendant la mise en place de l’instance constitutionnelle qui la remplacera). Un délai supplémentaire peut être octroyé avant de prendre les sanctions prévues en cas de défaut de déclaration.
Si aucun changement significatif n’est à noter dans l’intervalle, la déclaration de patrimoine et d’intérêts doit se faire ensuite tous les trois ans, puis à la fin du mandat ou des fonctions.
Les listes des personnes soumises à l’obligation de déclaration doivent être fournies à l’Instance par les responsables des structures concernées et actualisées le cas échéant. Tous les six mois, l’Instance publie les liste nominatives des personnes ayant déposé leur déclaration ainsi que celles qui ne sont pas en règle.
Certaines prises de fonctions, comme celles des membres du gouvernement ou des élu·es au niveau local et national, sont conditionnées en amont par l’obligation de déclarer ses biens et ses intérêts.
Pour l’ensemble de la fonction publique, dépasser les délais légaux peut avoir un coût élevé. Ce sont deux tiers du salaire ou des indemnités qui pourront être prélevé·es pour chaque mois de retard. Une amende pouvant aller jusqu’à 10.000 dinars est prévue pour les personnes ayant des activités dans le secteur privé ou au sein d’organisations à but non lucratif.
Au-delà de six mois de retard, une enquête pour soupçons d’enrichissement illicite est ouverte et la personne concernée risque une peine de prison et une amende.
L’instance de lutte contre la corruption doit obligatoirement ouvrir une enquête sur la véracité des déclarations des responsables politiques, des haut·es fonctionnaires ou encore des juges.
Elle peut également décider d’enquêter sur d’autres personnes pour refus de déclaration ou selon les priorités qu’elle fixe.
Si des soupçons d’enrichissement illicite sont établis, l’Instance transfère le dossier à la justice. L’accusé·e doit alors justifier la source de son enrichissement ou l’augmentation de ses dépenses. S’il ou elle est reconnu·e coupable, il ou elle risque une peine de six ans d’emprisonnement, en plus d’une amende et de la confiscation des biens mal acquis. La personne condamnée ne pourra plus travailler dans la fonction publique ni prétendre à un mandat électif.
Les personnes concernées par la loi devront aussi déclarer tout présent qu’elles recevraient dans le cadre de leur fonction. Au-delà d’un certain montant - qui sera fixé par décret - les cadeaux reçus sont considérés comme étant la propriété de l’État.
L’application de la loi relative à la déclaration des biens et des intérêts permettra théoriquement de lutter contre la corruption et l’enrichissement illicite. Mais l’effectivité du texte dépendra essentiellement des moyens dont bénéficiera l’instance de lutte contre la corruption et de la collaboration des structures et administrations concernées.
La déclaration de patrimoine est en outre limitée à un noyau familial restreint rendant possible un détournement de l’argent public à travers des personnes non soumises à cette obligation (comme les ascendant·es ou descendant·es majeur·es). Enfin, le texte reste volontairement vague concernant la nature des biens, avoirs et intérêts que les concerné·es devront prochainement déclarer, laissant au pouvoir exécutif le soin de les définir par décret.