Vingt personnes ont été tuées en Tunisie (principalement des étrangers et deux Tunisiens), ainsi que les deux assaillants, lors de l’assaut d’un musée de la capitale par des hommes en armes et au cours de la prise d’otages qui s’est ensuivie, mercredi 18 mars dans la matinée. Une quarantaine de personnes ont également été blessées. Selon la présidence tunisienne, les dix-sept touristes qui ont trouvé la mort sont polonais, italiens, allemands, espagnols et français.
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D’après les premières informations, les deux « terroristes » ont surgi, mercredi à 12 h 20, sur le parking du musée du Bardo, au cœur de Tunis et situé dans le même bâtiment que le Parlement, et ont commencé à tirer. D’après le ministre des Affaires étrangères tunisien, les attaquants voulaient s’en prendre aux députés, mais n’ont pas réussi à pénétrer dans le bâtiment.
Selon les autorités tunisiennes, « l’attaque a commencé contre les bus qui venaient du port de La Goulette, des touristes en escale ». D’après un des chauffeur de bus qui venait d’arriver : « J’ai vu un homme avec une kalachnikov, j’ai cru que c’était un jouet ! Et là il a commencé à tirer sur tout le monde.» Ces événements sont rapidement racontés sur la radio Mosaique FM, qui est directement relayée sur les réseaux sociaux. Dans la rue l’information commence à circuler et les citoyens discutent de l’événement qui est encore en cours. Étonnement et effroi.
Des centaines de policiers sont rapidement arrivés sur les lieux, avec un hélicoptère, des véhicules blindés et des tireurs d’élite. Après plusieurs dizaines de minutes, l’assaut a été donné par les forces de sécurité tunisiennes, causant la mort d’un policier et des deux assaillants. D’après le ministère de l’intérieur tunisien, les deux hommes armés responsables du carnage auraient été aidés par plusieurs complices, qui sont actuellement recherchés. Quatre arrestations de suspects auraient déjà été effectuées.
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La plupart des victimes sont des touristes étrangers, notamment un grand nombre d’Italiens qui participaient à une croisière et étaient descendus à terre pour visiter le Bardo, le plus grand musée du pays, que certains surnomment « le Louvre de Tunisie ».
Le premier ministre Habib Essid est intervenu quelques minutes après la fin des opérations pour déclarer : « C’est une attaque contre le tourisme tunisien. Nous devons être unis, cette attaque se fait contre un secteur fragile. La guerre contre le terrorisme est une bataille à long terme. J’appelle tous les partis, les partis politiques et la société civile à être unis. Cette période critique est essentielle pour le futur du pays. Beaucoup de gens ne sont pas contents du progrès politique du pays et profitent d’occasions pour attaquer le pays. »
Quant au président tunisien, Beji Caid Essebsi, il s’est contenté d’une déclaration rapide avant d’aller visiter les blessés à l’hôpital : « Il faut éliminer ces gens de la carte (de la Tunisie), il n’y a pas d’espoir avec eux. » Une manifestation pour dire non au terrorisme a eu lieu mercredi soir, ainsi qu’une session pleinière du Parlement et un conseil des ministres exceptionnel.
Plus tard dans la soirée Béji Caid Essebsi s’est adressé au peuple. Dans un discours, lors duquel il a présenté ses condoléances aux familles et un hommage aux forces de l’ordre, le président de la république a estimé que les “terroristes sont à bout de souffle” et que la Tunisie est en “état de guerre contre ce fléau”.
Pour Sayida Ouinissi, députée Ennahdha de la circonscription France Nord : « La menace terroriste est une réalité en Tunisie. Et les assassinats de Chokri Belaid et de Mohamed Brahmi nous ont montré que les représentants politiques peuvent aussi être victimes. Cette tentative de terrorisme montre que la volonté d’avancée et de prendre en charge les problèmes importants n’est pas du goût de tout le monde. Cette attaque prend une dimension symbolique importante. »
Pour Éric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch, « l’attaque meurtrière de ce jour visait non seulement les Tunisiens et les touristes, mais aussi la société tolérante et respectueuse des droits humains que les Tunisiens essaient d’édifier depuis quatre ans. Nous exhortons les autorités tunisiennes à montrer, à travers leur réponse, que leur attachement à l’État de droit est inébranlable. »
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Si aucun groupe n’a encore revendiqué l’attaque, il semble plus que probable qu’elle soit le fait d’un ou de plusieurs groupes djihadistes. La Tunisie est l’un des pays qui a « envoyé » les plus de combattants en Syrie ces dernières années, près de 3000, et sur le territoire duquel débordent le conflit libyen et les activités de différents groupes terroristes au Sahel et en Algérie.
Impact sur le vote de la loi antiterroriste
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En décembre 2014, une vidéo de l’État islamique avait menacé directement la Tunisie : « Je jure que nous allons vous attaquer avec des explosifs, des armes et des kalachnikovs. » L’attaque est survenue au lendemain de la saisie d’une importance cache d’armes appartenant à des djihadistes et alors que le premier ministre avait annoncé son intention de faire voter prochainement une nouvelle « loi antiterroriste » afin de lutter contre les djihadistes.
Une vingtaine de députés étaient d’ailleurs réunis au sein de la Commission droits et libertés ce mercredi matin pour en débattre et procéder à l’audition des Etats-Major de l’Armée sur la situation du système sécuritaire du pays. Pour la députée Sayida Ouinissi, «J’ai peur que mon discours, qui dit que la loi antiterroriste doit être une loi intelligente, qui ne doit pas être réfléchie dans un climat de peur, qui doit être discuté de manière dépassionnée, soit un discours de moins en moins audible. »
L’avocat Charfeddine Kellil, militant des droits de l’homme, avertit de son côté : « Les libertés individuelles sont une ligne rouge à ne pas dépasser. Si aujourd’hui l’Etat n’a pas réussi à combattre le terrorisme c’est que les agendas terroristes ont gagné la bataille. En effet l’Etat tunisien n’oppose à ce problème que la solution sécuritaire ou judiciaire. Oui il y a beaucoup de problèmes au niveau sécuritaire, les agents de sécurité travaillent dans des conditions très difficile, mais la loi antiterroriste ne doit pas être un masque qui va servir à limiter les libertés et commettre des violations, voire des crimes envers les droits de l’homme. Les réponses ne doivent pas être que sécuritaires. »
Par contre, pour la députée Khawla Ben Aicha du parti Nidaa Tounes, celui du président Essebsi : « Deux symboles ont été touchés, le symbole culturel, le Bardo, et la nation également. Ne pas prendre des mesures fermes envers les terroristes, c’est ce que je crains. Il ne faut pas instrumentaliser les droits de l’homme. Il y a des discussions sur la loi antiterroriste, il faut des mesures urgentes. »