Après les vacances d’été, le surveillant a hâte de retrouver ses élèves à la rentrée scolaire : “c’est une nouvelle année qui commence pour eux et je vais faire mon maximum pour leur apporter mon soutien”.
Employé depuis 2015 dans un centre de formation agricole dans la région du Cap Bon, il est chargé de veiller à la sécurité et au bien-être des étudiant·es, quatre soirs par semaine. Le trentenaire prend son poste à 16 heures et l’achève le lendemain matin.
Zakaria supervise à lui seul la cinquantaine d’étudiant·es de cet internat. Il accompagne les jeunes à partir du moment où ils et elles mettent les pieds dans l’établissement en fin de journée jusqu’au lendemain matin. “C’est moi qui les conduit partout, je les suis comme une ombre ! De l’extinction des lumières au verrouillage des portes, je veille à tout” témoigne-t-il.
Ses tâches incluent la prise de présence, l’accompagnement à la cantine, et une supervision générale jusqu’au lendemain matin. Le trentenaire est notamment chargé de leur sécurité. “Je n’ai jamais eu de problème grave à gérer, et les soirées sont calmes ici, mais je reste conscient que je serai tenu comme responsable s’il arrive quelque chose à un étudiant” assure-t-il.
“Je ne fais pas de nuits blanches quand je travaille, mais disons que je ne dors pas sur mes deux oreilles.”
Le jeune homme, qui a obtenu une licence de cinéma et audiovisuel en 2020, n’a pas souhaité chercher du travail dans ce domaine. “Le secteur en Tunisie n’est pas très stable et on peut rester longtemps sans travailler. Au moins ce job là m'assure une certaine stabilité et des perspectives salariales intéressantes”, témoigne-t-il.
Zakaria essaie cependant de transmettre son enthousiasme pour l’objet de ses études aux étudiant·es qu’il surveille. “Je retrouve les étudiant·es à la fin de leur journée de cours donc je fais de mon mieux pour qu’ils terminent sur une note positive”, explique-t-il.
“Quand ils et elles ont fini leur révisions ou leurs activités après les cours, il y a le dîner, vers 19 heures, et ensuite on regarde un film ou deux tous ensemble. Certains vont se coucher mais d’autres restent pour discuter. Le lendemain, je les réveille en musique ! Je suis très proche d’eux.”
Après cinq ans de travail, et suite à l’obtention d’un diplôme universitaire, son salaire est passé en 2020 d’environ 900 dinars à 1224 dinars. Zakaria habite chez ses parents, avec son jeune frère, dans le même gouvernorat où il travaille. Ses revenus sont complétés par de l’argent de poche, que lui fournissent ses parents, sa mère en particulier. “C’est précieux comme aide, je leur dois beaucoup”.
"Si j’étais indépendant, je ne sais pas si je pourrais joindre les deux bouts. Mais je ne me pose pas la question, puisque ma situation financière est correcte grâce à l’aide que mes parents apportent.”
Voici un aperçu de ses sorties et entrées d’argent mensuelles :
Concernant sa situation financière, Zakaria dit “ne pas compter” son argent. Il veut “se faire plaisir, et faire plaisir aux autres”.
Le jeune homme ne met pas d’argent de côté car il “n’en voit pas l’utilité, si je gagne de l’argent c’est pour le dépenser et me faire plaisir”. Zakaria a cependant contracté un prêt en juin dernier. “Je ne vis pas réellement à crédit, puisque j’arrive à rembourser mes mensualités sans faire de sacrifices. C’est comme un complément de salaire” considère-t-il.
Lorsqu’il travaille, Zakara n’est pas très dépensier : “je paye le louage aller et retour vers mon lieu de travail, et parfois je prends un café dans mon quartier après mon shift, c’est tout”.
Zakaria est féru d’animes et de jeux vidéo. “Je prends mon petit déjeuner à la maison et je regarde un manga ou je joue en attendant d’aller travailler", explique le jeune homme.
Il dépense une cinquantaine de dinars par mois pour entretenir ses passions : “ je suis abonné à une plateforme de streaming d’animes et au service de catalogue de jeux de ma console”.
Voici le détail de ses dépenses et revenus mensuels :
En dehors de son travail, Zakaria aime passer du temps avec ses amis dans la capitale, qu’il gâte notamment en cuisinant. “J’aime beaucoup cuisiner, alors quand je viens, je fais des grosses courses et je leur prépare à manger”, se réjouit-il. Il dépense environ 500 dinars par mois en courses alimentaires.
“Fromages et pâtes importées, viandes, apéro… Je ne m’interdis rien, je fais la totale !”
Il sort également dans des bars, ce qui lui coûte 320 dinars par mois. Le jeune homme fume un paquet de cigarettes tous les deux jours, et dépense donc en moyenne 150 dinars par mois.
Son budget shopping consiste par exemple à s’acheter de nouveaux vêtements, et offrir des cadeaux à sa mère ou à son frère. Il s’équipe également en matériel de gaming : “récemment, j’ai acheté un micro professionnel. J’aimerais un jour streamer mes parties de jeu donc j’investis dès maintenant”.
Zakaria ne participe pas aux dépenses communes à son domicile familial, à une exception : la connexion internet. “ J’ai voulu un débit plus important et donc un abonnement plus cher, alors j’ai proposé de le payer moi-même”, raconte-t-il.
Zone grise
“Je sais que quand je n’ai plus d’argent, je peux rentrer chez moi, être nourri, logé, blanchi”. Avec un père fonctionnaire et une mère infirmière dans le public, Zakaria admet “beaucoup compter sur le soutien” de sa famille. Le jeune homme dit aussi pouvoir s’appuyer sur ses amis à Tunis “qui m’accueillent à bras ouverts, même quand j’ai les bras moins chargés de courses que d’habitude” plaisante-il.
Pour maintenir son style de vie, le surveillant emprunte. “Quand j’ai un problème ou que je veux anticiper un achat, je prends un crédit” déclare-t-il. Zakaria s’est en effet offert un smartphone il y a quelques années grâce à de l’argent qu’il avait emprunté. Il considère qu’il est “bien payé, si on garde en tête que ma famille m’aide financièrement. J’ai peut-être juste des goûts coûteux et je n’aime pas me priver”.
En 2015, il emprunte 16.000 dinars puis cinq ans plus tard, il emprunte à nouveau, 25.000 dinars, et cette fois le jeune homme a un projet : voyager.
Futur
“J’aimerais aller à New-York, d’où l’emprunt d’une telle somme. J’ai un peu touché à ma cagnotte, mais rien d’énorme. Il me reste assez d’argent pour continuer comme ça jusqu’à la date prévue de mon voyage et avoir assez d’argent de poche sur place !”, rigole le jeune homme.
Pour le moment, Zakaria a comme objectif son futur voyage, mais il pense également à passer son permis : “Qui sait, peut-être aurais-je encore recours à un prêt si je veux m’acheter une voiture !” ironise-t-il.