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Fatma, 21 ans, étudiante et stagiaire, 1500 dinars par mois


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23 Juillet 2023 |
Étudiante en administration des affaires et stagiaire dans une école de langues, Fatma gagne bien sa vie. Aujourd'hui, elle doit faire des choix importants pour son avenir et trouver un équilibre entre ses loisirs et ses nouvelles responsabilités.
Assise à son bureau, Fatma* s'occupe des réseaux sociaux et du marketing digital à l'école de langues où elle travaille. La jeune femme, passionnée de marketing et de mathématiques, est récemment passée d'un stage à temps partiel à un stage à temps plein pour l'été. Dans une pièce lumineuse et aérée, malgré la chaleur estivale qui sévit à l'extérieur, elle déclare en plaisantant : "Je ne pourrais jamais trouver un travail moins épuisant".

Originaire de Monastir, Fatma bénéficie du soutien de ses deux parents, tous deux enseignants, tout au long de son parcours scolaire. Elle rejoint d’abord le collège pilote, puis le lycée pilote : “Un parcours exemplaire”, plaisante-t-elle. Bien que sa mère l’encourageait à trouver un job d’été en tant que secrétaire ou vendeuse, la jeune femme refusait de suivre ses conseils. 

 "Je pensais que l'été était fait pour s'amuser, pour la plage. Je ne voulais pas passer huit heures par jour à travailler pendant l'été alors que j'étudiais encore... Je n'avais pas besoin d'argent à l'époque."

Au cours de ses études secondaires, Fatma n’a pas pu suivre des cours d’économie, sa matière préférée. En effet, dans les lycées pilotes, cette matière n’est pas incluse dans le programme. Les élèves sont plutôt encouragé·es* à se concentrer sur les mathématiques, les sciences expérimentales et les sciences techniques. Elle décide tout de même de poursuivre des études de commerce et de gestion à Tunis.

Une fois dans la capitale, elle habite dans un foyer universitaire, puis s'installe chez son oncle. Aujourd'hui, elle loue un appartement toute seule : "Je peux sortir et rentrer librement. C'est pourquoi j'ai choisi de quitter la maison de mon oncle. Je ne me sentais ni libre, ni vraiment chez moi", explique-t-elle. 

Mais entre le loyer, sa passion pour la mode et la cuisine, Fatma se rend compte que son indépendance a un prix.

Voici un aperçu de ses sorties et entrées d’argent mensuelles :

En gagnant 1300 dinars grâce à son stage à temps plein, et avec l’aide de ses parents, Fatma atteint un revenu mensuel de 1500 dinars. “Pour une étudiante de 21 ans, c’est très bien”, reconnaît-t-elle. En vivant seule, la jeune femme peut non seulement sortir quand elle veut et aussi souvent qu'elle veut, mais elle peut aussi acheter tout ce qu'elle souhaite. 

En même temps, elle admet que le coût de la vie a considérablement augmenté ces dernières années. Concilier responsabilités et plaisirs devient de plus en plus difficile : "Les sorties au restaurant ou au café deviennent de plus en plus chères en Tunisie" , observe-t-elle. Elle souligne que la situation doit être beaucoup plus difficile pour les familles, car les coûts sont plus élevés et plus réguliers.  

"Par exemple, hier, je suis sortie avec mes amis parce que je peux me le permettre. Sortir en famille coûte beaucoup plus."

En quittant le foyer universitaire et la maison de son oncle, où l'on s'occupait toujours des factures et des responsabilités du ménage, Fatma vit un changement majeur dans sa vie quotidienne. Désormais, c'est à elle de prendre en charge ces tâches, en plus de l'achat de produits alimentaires et ménagers. "C'est une véritable prise de conscience", admet la jeune femme.

"Un jour, je suis allée au supermarché et j'ai acheté des tasses, une serpillière, du savon et du shampoing. Ça m'a coûté 200 dinars, j'étais choquée."

Voici le détail de ses dépenses et revenus mensuels :

Chaque début de mois, Fatma se rend au supermarché où elle dépense 200 dinars pour acheter de la nourriture et des produits ménagers. Elle s'efforce de gérer ces produits de manière à ce qu'ils durent entre un mois et demi et deux mois, tout en faisant attention aux offres et aux promotions. En revanche, elle consacre une grande partie de ses dépenses à ses sorties avec ses ami·es et son petit ami : ”On aime manger, c’est pour ça qu’on sort souvent et on essaie de nouveaux endroits.” 

Fatma aime aussi payer pour ses ami·es : "Je le fais parce que je sais ce que l'on ressent lorsqu'on n'a pas les moyens de s'offrir certaines choses. Avant ce stage, j'avais l'habitude de dire non lorsqu'on m'invite à sortir. Maintenant, je ne dis jamais non, et j'en suis vraiment reconnaissante". Elle aime aussi faire du shopping et acheter des produits cosmétiques, mais une fois encore, elle essaie de se fixer une limite mensuelle et dépenser de manière réfléchie.

"Mais je suis indépendante, j'achète ce que je veux avec mon argent."

Comme elle a emménagé dans son nouvel appartement en juin, Fatma n'a pas une idée précise du prix des factures qu'elle va payer. "Je crains qu'avec la climatisation, la facture d'électricité ne soit élevée ce mois-ci", anticipe-t-elle.

Zone grise

Fatma est un peu inquiète pour les mois à venir, car elle va devoir entamer sa troisième année d'université. "J'espère pouvoir continuer à travailler ici, car j'aime beaucoup ce travail et j'ai besoin de cet argent. Je ne veux pas retourner à la même situation qu’avant, lorsque mes parents me donnaient de l’argent.” 

De plus, à partir de juillet, la jeune femme ne recevra plus les 200 dinars de sa famille. "Nous nous sommes un peu disputés sur la façon dont je dépense mon argent. Je leur ai dit qu'ils n'avaient plus besoin de me soutenir financièrement, que je pouvais subvenir à mes besoins toute seule."

Futur

La jeune femme sourit en envisageant la possibilité d’économiser un peu d’argent chaque mois : “Si je le veux, je peux le faire. Mais si on fait les calculs, rien ne correspond, c’est la réalité.” La jeune femme veut partir en vacances et a des projets à long terme comme acheter une voiture, étudier à l’étranger ou se marier.

"La vie est courte, il vaut mieux faire ce qu'on veut quand on le veut."

Dans la vie de Fatma, les projets à court et à long terme s’entremêlent. Malgré ses inquiétudes pour l’avenir, elle affirme qu’elle est heureuse et qu’elle sera capable de trouver une solution à ses soucis actuels : “Si je me décide à le faire, je peux mettre de l’argent de côté. Mon problème, c’est la tentation.”