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Sana, 30 ans, étudiante en Corée du Sud, 2118 dinars par mois


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02 Avril 2023 |
Depuis quatre ans, Sana est installée en Corée du Sud. Boursière et doctorante en Big Data, il lui a fallu du temps pour apprendre à s’adapter au pays. Bien que sa bourse lui permette de subvenir à ses besoins, elle veut entamer sa vie professionnelle aussi rapidement que possible.
Sana n'a pas de contrainte horaire pour se lever depuis qu'elle a terminé ses cours obligatoires et n'est plus tenue de se rendre à l’université. Elle commence sa journée en prenant son petit déjeuner à la maison avant de se mettre au travail. En plus de ses études, elle occupe un emploi, à distance, et à temps partiel dans un laboratoire de recherche basée à Séoul.

Sana est originaire de Tunis et a grandi entourée de ses cinq frères. Son père est entrepreneur tandis que sa mère est femme au foyer. Après avoir obtenu son baccalauréat, elle avait l'intention de poursuivre ses études à l'étranger et souhaitait postuler pour une bourse japonaise, afin d’éviter les pays européens. 

C'est sur les conseils d'un ami que Sana a finalement décidé de postuler pour une bourse sud-coréenne en 2018. Depuis ses années universitaires à Tunis, la jeune femme a toujours été l'une des meilleures de sa classe, ce qui lui a valu d'être admise sans difficulté dans une prestigieuse université en Corée du Sud. 

En quelques mois seulement, Sana s'est rendue à Daejeon, une ville située au centre de la Corée du Sud, pour commencer une année de formation linguistique obligatoire. “J’habitais près d’un restaurant tunisien, je n’ai donc pas eu le mal du pays” plaisante-t-elle. 

Après avoir terminé son année de langue, la jeune femme emménage à Séoul pour poursuivre ses études dans une université pour femmes. Bien qu'elle doive surveiller ses dépenses pour ne pas dépasser ses limites, elle mène une vie très confortable grâce au financement qu'elle reçoit. 

Voici un aperçu de ses sorties et entrées d’argent mensuelles :

Au cours de ses premières années en Corée, Sana était assez dépensière. Elle avait envie d'essayer tout ce qui lui tombait sous la main et dépensait beaucoup d'argent pour toutes sortes de choses. “Maintenant que je me suis habituée au pays, l’envie de tout tester m’est passée”, raconte la trentenaire. 

Ces trois dernières années, Sana a suivi des cours à l’université pour combler ses lacunes. 

"Ici, le système est différent, je choisis les cours qui m'intéressent en fonction de mes besoins. Je ne perds pas de temps à étudier des choses qui ne me seront pas utiles plus tard", explique Sana.

La jeune femme mène une vie sédentaire. Elle se consacre non seulement à ses études mais également à son emploi, depuis sa chambre à l’université. Cette situation lui permet de réaliser des économies importantes, et notamment en termes de frais de transport. “Depuis que j’ai commencé à travailler je ne me suis rendue à mon lieu de travail qu’une seule fois.” 

Cependant, son adaptation au pays et au système universitaire n'a pas été facile. "J'ai fait des recherches avant de partir en Corée, donc je savais que ça allait être différent de la Tunisie, mais il m'a fallu du temps pour m'y adapter.”

"Au bout de quatre ans, ça va beaucoup mieux", raconte-t-elle. "S'adapter à la vie ici, c'est surtout respecter l'espace des autres. Tout est très organisé, même à la sortie du métro pendant les heures de pointe, il faut faire attention à ne pas déranger les gens et les retarder", explique-t-elle. 

Un évènement en particulier a marqué la jeune femme, ll y a quelques mois, une étudiante vivant dans son internat s’est suicidée en se jetant par la fenêtre. "La réaction des gens ici est différente. Le suicide est répandu dans la société sud-coréenne. Ça m'a traumatisée pendant des mois" raconte-t-elle en pointant du doigt la normalisation du phénomène parmi ses pairs. 

Sana vit dans la capitale où les loyers sont plus élevés qu’ailleurs. Elle partage une chambre dans un foyer avec une autre étudiante et paie 380000 won coréens, l'équivalent de 895 dinars tunisiens.

"Nous sommes plusieurs sur mon étage et nous partageons trois cabines de toilettes et trois cabines de douche". 

Voici le détail de ses dépenses et revenus mensuels :

Zone grise :  

“La Corée du Sud rend très difficile le prolongement de la bourse après deux ans de résidence” , explique la jeune femme. Pour continuer à percevoir sa bourse, Sana a dû trouver un arrangement avec son professeur encadrant qui l’emploie à distance dans son laboratoire. 

Par ailleurs, la jeune doctorante explique que lorsqu'on est étudiant en Corée, il est très compliqué de trouver un emploi bien rémunéré. Bien que son financement lui permette de mener une vie confortable, Sana souhaite entamer sa carrière professionnelle.  

“J’ai choisi cette carrière académique, mais si j'avais commencé à travailler dans une entreprise, j'aurais été senior en seulement quelques années.” relativise la jeune femme.

Toutefois, ce qui la dérange le plus, c'est son incapacité à mener une vie avec un salaire stable et régulier.  

"Je dépends de cette bourse, et les administrations locales sont promptes à te pénaliser en cas de retard de paiement. Ce qui fait que je suis constamment à l'affût quant à mes entrées et sorties d’argent. ”

Futur :  

Sana souhaite achever sa thèse le plus rapidement possible. “Je dois rédiger un article scientifique sur lequel je baserai ma thèse, mais cela me stresse et je ne sais pas par où commencer.” 

Grâce à son statut de doctorante, Sana admet que sa situation privilégiée lui permet de bénéficier rapidement d’une résidence permanente en Corée du Sud. Mais la jeune femme souhaite partir en Europe et s’y installer afin de se rapprocher de sa famille et de ses ami·es. “Je me sens souvent seule ici, surtout que les gens ne restent pas longtemps en Corée.”

Par ailleurs, selon elle, le rythme de travail y est très intense. “Je ne suis pas faite pour ça, je ne me vois pas passer le reste de ma vie à travailler entre quatre murs de 8h à 19h.” se plaint Sana. “La culture du travail ici est très différente de la vision que j’ai pour mon avenir professionnel.” ajoute-t-elle.