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Nabil, 52 ans, jardinier, 580 dt par mois, présent compliqué et futur incertain


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30 Juin 2024 |
Jardinier chez des particuliers depuis 20 ans, Nabil travaille dur pour joindre les deux bouts. Il est payé à la journée et dépend des appels de ses client·es pour trouver du travail. Pour améliorer sa situation, il mise sur l'éducation de son fils.
Originaire de Siliana, Nabil quitte son village natal à l'âge de 20 ans pour chercher du travail. Il s'installe d'abord dans la capitale, enchaînant divers petits boulots avant de se consacrer entièrement au jardinage. Après s'être marié, il s'installe avec sa femme à Kalaa Seghira, à Sousse, où ils élèvent leur fils.

Chaque début de semaine, Nabil ne connaît pas à l'avance son emploi du temps. Jardinier pour des particulier·es depuis plus de 20 ans, il est rémunéré à la journée et dépend des appels de ses client·es pour travailler. "Quand un client me contacte, je vais travailler. Mais il arrive que personne ne m'appelle," explique-t-il. 

Les jours où il travaille, Nabil se lève très tôt. Il quitte sa maison à six heures du matin pour se rendre à la station de louage et met environ une heure pour rejoindre le centre-ville de Sousse où réside la majorité de ses client·es.

Nabil gagne entre 40 et 50 dinars par jour et est généralement sollicité trois jours par semaine, ce qui lui assure des revenus mensuels d'environ 540 dinars. Ces revenus varient toutefois selon les saisons : en hiver et pendant le Ramadan, les demandes se font plus rares, tandis qu’en été, avec la croissance des plantes, Nabil travaille plus fréquemment. “La situation devient difficile avec l'arrivée de l'hiver et du Ramadan, mais l'été reste sans doute la meilleure période de l'année pour moi”, précise le jardinier. 

“Je vis ainsi au rythme des plantes et des saisons”, dit-t-il en riant. 

Voici un aperçu de ses sorties et entrées d’argent mensuelles :

Chaque dimanche, l'épouse de Nabil se rend au marché pour acheter les courses nécessaires, et dépense environ 225 dinars par mois. La famille prépare un seul plat par jour qu'elle partage à l’arrivée de Nabil, après le travail.

“Nous achetons principalement des légumes. Le poulet est au menu une fois par semaine, tandis que la viande est un luxe que nous nous offrons une fois tous les deux mois,”précise Nabil. 

En plus des dépenses quotidiennes et des factures mensuelles fixes, la rentrée est une période de stress pour Nabil et sa femme. Ils dépensent en moyenne 250 dinars chaque année pour les fournitures scolaires de leur fils, ce qui les oblige à emprunter de l'argent. “Il en va de son futur et je fais mon maximum pour que rien ne l’empêche de réussir," affirme-t-il. 

En dehors de la rentrée scolaire, Nabil se trouve également contraint d'emprunter de l'argent à l'approche de l'été et de l'hiver. Deux fois par an, la famille consacre environ 100 dinars à l'achat de vêtements d'occasion. Pour cette dépense, Nabil sollicite souvent l'aide de sa belle-famille, qu'il rembourse au cours de l'année. Quelques fois, il compte sur l’aide de certain·es de ses client·es, mais ces donations sont très variables et aléatoires.

Nabil et sa famille planifient leur budget de manière rigoureuse, en évitant les dépenses superflues. Pour réduire les coûts, Nabil a même arrêté de fumer.   "Nous consacrons nos revenus uniquement aux choses nécessaires," explique-t-il. "D'ailleurs ma femme ne s'achète aucun produit cosmétique", ajoute-t-il tristement. 

Voici le détail de ses dépenses et revenus mensuels :

Zone grise

Depuis quelques années, Nabil a été diagnostiqué avec la maladie de Parkinson, une affection chronique qui altère ses mouvements et lui cause des tremblements. Après le choc initial, il accepte sa situation et apprend à vivre avec la maladie. Cependant, avec l’âge, son état s’aggrave. Au travail, le jardinier est contraint de faire plusieurs pauses pour retrouver ses forces. De plus, il doit prendre une pilule toutes les trois heures.

"Le traitement coûte 72 dinars par mois et n’est pas remboursé par la CNSS. Sans ce traitement, je ne peux pas travailler, et sans travail, nous n’avons rien."

"Les clients ne comprennent parfois pas ma situation et me demandent de ne plus venir à cause de ma lenteur", témoigne le jardinier. "Après cinq ans de travail chez un client, du jour au lendemain, il m'a demandé de cesser de venir," ajoute-t-il.  

Futur

Face à l'aggravation de sa maladie, la plus grande crainte de Nabil est de ne plus pouvoir subvenir aux besoins de sa famille, en particulier en ce qui concerne la scolarité de son fils. Pour lui, l'éducation de son fils reste une priorité absolue. "Malheureusement, je n'ai pas pu finir ma scolarité, j'ai été renvoyé du collège, mais je veux que mon fils aille jusqu'au bout. Je le soutiendrai pleinement, malgré mes moyens limités”, affirme-t-il. 

Chaque mois, Nabil dépense environ 120 dinars pour les frais des cours particuliers de son fils et lui donne 30 dinars d'argent de poche. "Il ne réclame que très peu d'argent mais parfois, il n'arrive pas à comprendre pourquoi les autres ont une vie meilleure que nous."

Doué en informatique, le fils du jardinier aspire à une carrière dans ce domaine mais ne dispose pas des ressources nécessaires pour développer ses compétences.

"Je n'ai pas les moyens de lui acheter un ordinateur portable. Il me le demande presque chaque jour, et ma réponse reste la même," déplore Nabil. 

Pour compenser ce manque, le jardinier donne de l’argent à son fils, chaque dimanche, afin qu'il puisse utiliser la médiathèque du quartier. "En attendant d'économiser assez pour lui acheter un ordinateur, c'est la seule solution que j'ai trouvée", explique le jardinier. 

Nabil mise tout sur l’éducation de son fils, persuadé que c'est leur unique espoir d'améliorer leur situation et de construire un avenir meilleur.