14 janvier 2011

Les coulisses de la fuite du dictateur

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Explorez la chronologie des événements

Treize années se sont écoulées depuis le départ de Zine El Abidine Ben Ali et la chute de son régime de 23 ans. Durant l'hiver 2010, les manifestations se sont poursuivies sans relâche et ont duré environ un mois. Le 14 janvier a marqué la fin du règne du tyran. Ben Ali a-t-il réellement fui la Tunisie, ou a-t-il été poussé à partir ? Comment la situation s'est-elle accélérée de telle sorte que Ben Ali est tombé seul et sans le reste ?

17 déc. 2010

L'étincelle

“Ce matin de l'année 2010, Mohamed Bouazizi tirait, comme chaque jour, sa charrette remplie de fruits et légumes quelque part en Tunisie. Comme chaque jour, les policiers sont venus collecter une taxe qu’ils ont eux-mêmes inventée. Mais ce matin-là, Mohammed ne l’a pas payé. Les policiers l’ont battu, renversé sa charrette et piétiné les fruits et légumes éparpillés sur le sol. Mohammed s’est aspergé d’essence de la tête aux pieds et s’est immolé par le feu. “En quelques jours, ce petit feu, pas plus grand qu'un vendeur de rue, s'est répandu dans tout le monde arabe, alimenté par des personnes fatiguées d'être négligées.” Eduardo Galeano

21 déc. 2010

Evaluation de la situation

Des mouvements populaires se sont alors développés dans les régions de Sidi Bouzid et des délégations voisines, et se sont progressivement transformés en manifestations violentes. Une réunion a eu lieu en présence de tous les directeurs généraux, du commandant en chef de la Garde nationale, de l'inspecteur général de la Garde nationale, Charfeddine Zitouni, et du directeur de la brigade d'enquête, Moncef Majid. La réunion a porté sur l'évaluation de la situation générale dans le pays.

23 déc. 2010

Une première victime

Plusieurs manifestants de la délégation de Menzel Bouzaiane se sont volontairement rassemblés devant l'union locale du travail de la région. Ils ont ensuite décidé d'encercler le poste de la Garde nationale et d'y jeter des pierres et des cocktails Molotov. La manifestation a dégénéré en une confrontation entre la police et les protestataires.

Devant l'intensification des événements, les policiers ont fait usage de la force, entraînant la mort d'une victime.

Ce jour-là, Ben Ali s'était rendu à Dubaï, accompagné de quelques membres de sa famille, afin de se détendre et de profiter de ses vacances. Il n'avait montré aucun intérêt pour les manifestations qui avaient lieu dans le centre du pays.

Témoignage

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Hsan Ouartani

Huissier du Président Ben Ali

Hsan Ouartani

Huissier du Président Ben Ali

"Je n'ai pas remarqué chez lui un intérêt clair pour ces protestations qui étaient considérées comme des événements normaux, jusqu'à ce qu'il rende visite à Mohamed Bouazizi qui se trouvait à l'hôpital des brûlés à Ben Arous."

Bilan

Une victime

24 déc. 2010

Des tensions entre les dirigeants

Tandis qu'il effectuait des manœuvres dans la région d'El Hamma, dans la ville de Gabès, le chef d'état-major de l'armée,Rachid Ammar, apprend que des "affrontements" se déroulaient dans la région de Sidi Bouzid, située à 170 kilomètres. Le général a été étonné de ne pas avoir été informé plus tôt de ces événements.

Le ministre de la Défense Ridha Grira lui demande alors de préparer trois bataillons de soldats. Le général lui répond rapidement et ne demande que 15 minutes pour être prêt à intervenir à tout moment, à Sidi Bouzid.

Dans le but de suivre l’exécution de cet ordre, qui semble provenir de Ben Ali, et pour coordonner l’opération, Ali Seriati, le chef de la garde présidentielle, contacte Rachid Ammar. Ali Seriati accompagnait le président lors de son voyage à Dubaï. Rachid Ammar confirme le manque de coordination quant à la circulation de l’information.

Témoignage

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Rachid Ammar

Chef d'état-major de l'Armée de terre

Rachid Ammar

Chef d'état-major de l'Armée de terre

““Ali Seriati, chef de la Garde présidentielle et d'autres fonctionnaires à l'époque, m'a contacté en vue de coordonner les trois brigades. Il était à Dubaï à l'époque et j'ai indirectement exprimé mon mécontentement quant à l'absence de coordination des informations.”

Rachid Ammar a exécuté l'ordre, et ses bataillons ont été stationnés à Gafsa, Sbeitla et Meknessi pour préparer l'intervention prévue le même jour.

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Les échanges entre les responsables se succèdent, et les informations communiquées semblent incohérentes. Le ministre de la Défense, Ridha Grira, appelle Rachid Ammar pour l'informer qu'Abdelaziz Ben Dhia, le conseiller du Président, a été informé par Ali Seriati que les forces militaires n'étaient pas prêtes à temps. Cela provoque la colère de Rachid Ammar, puisque ses troupes sont en état d'alerte, prêtes à intervenir dans toute la région.

Bilan

deux personnes
tuées par balles

à Sidi Bouzid

25 déc. 2010

Tué par balle

Les manifestations se multiplient et s'étendent au-delà du centre du pays. Les plus violentes ont lieu dans la ville de Kasserine et de Sidi Bouzid, où des postes de police et de la garde nationale, les sièges des délégations et des gouvernorats ainsi que les tribunaux ont été pris pour cible. La majorité de ces attaques ont été perpétrées de nuit et de manière "féroce", et ont été réprimées par des bombes lacrymogènes et des balles de la part des forces de l'ordre.

Le 25 décembre 2010, un citoyen a été abattu devant le poste de la Garde nationale à Menzel Bouzaien, suite à l'incendie du siège de la délégation. Après cet incident,Adel Touiri, directeur général de la sécurité nationale, a réuni les responsables de la sécurité dans son bureau au ministère de l'Intérieur, où il leur a demandé de ne plus utiliser d'armes.

Bilan

Une victime

28 déc. 2010

Congé inachevé

Le président Ben Ali est rentré en Tunisie accompagné de son chef de la sécurité,​Ali Seriati,suite à la détérioration de la situation sécuritaire qui les a contraints à interrompre les vacances familiales de Ben Ali.

Il organise une réunion avec le ministre de de l'Intérieur, accompagnéd'Adel Touiri,directeur général de la sécurité nationale, et de Mohamed Abed, commandant de la garde nationale.

29 déc. 2010

Début des tensions à Carthage

Le président Ben Ali, accompagné du chef de la garde présidentielle, Ali Seriati, rend visite au jeune Mohamed Bouazizi à l'hôpital des grands brûlés de Ben Arous, où il se faisait soigner.

Depuis la visite de Mohamed Bouazizi, un mouvement inhabituel se manifeste au Palais de Carthage. Les filles du président , nées de son premier mariage, et leurs maris, Marouane Mabrouk et Salim Zarrouk, leur rendent fréquemment visite. De plus, des représentants de certains partis d'opposition et le secrétaire général de l'Union tunisienne du travail sont également fréquemment présents.

02 janv. 2011
jusqu'au 05 janv. 2011

De nouvelles victimes immolées

La reprise des cours, et la fin des vacances scolaires, apportent un nouvel espoir aux manifestations qui s'intensifient à Sidi Bouzid et à Kasserine.

Bilan

06 victimes,
dont deux immolées

07 janv. 2011

Les forces de sécurité demandent l'aide de l'armée

20:15

Le directeur général de la sécurité nationale, Adel Touiri, demande, avec l'autorisation du ministre de l'Intérieur, le général Rachid Ammar, l'intervention de l'armée à Tala. Le colonel Abidli est nommé chef des opérations de l'armée, sous les ordres d'Adel Touiri, pour coordonner les efforts. Au ministère de l'Intérieur, le colonel Abidli discute des détails de l'intervention des unités de l'armée. Par la suite, l'ordre d'intervention est émis pour les forces stationnées à Kasserine en direction de Tala.

Cependant, Adel Touiri a rapidement été prié de se rendre au bureau du ministre de l'Intérieur, Rafik Belhaj Kacem, où on lui a demandé, à son tour, de rappeler Rachid Ammar et d'annuler l'ordre d'intervention des unités militaires. Touiri refuse d’appliquer la décision, sous prétexte de la détérioration de la situation sécuritaire et de la nécessité d’une intervention de l’Armée nationale pour protéger les biens privés et publics après l’incapacité des unités à contrôler la situation sécuritaire, mais le ministre insiste sur sa position.

21:30

Le ministre de l'Intérieur refuse de demander l'aide de l'armée.

Le chef d'état-major de l'armée de terre Rachid Ammar reçoit un contre-ordre pour retirer les unités de l'armée du terrain et les ramener à leurs casernes à Kasserine. Ammar a été surpris par ce retrait.

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Des unités de l'armée tunisienne se dirigent vers Tala après l'échec des forces de sécurité face aux manifestations, qui prennent une allure de plus en plus violente.

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Lors de son audition devant les enquêteurs, Rachid Ammar affirme que Abidli lui a rapporté que le ministre de l’Intérieur lui avait demandé d’intervenir dès qu’il a appris le déploiement de l’armée à Tala.

Témoignage

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Rachid Ammar

Chef d'état-major de l'Armée de terre

Rachid Ammar

Chef d'état-major de l'Armée de terre

"On nous a demandé d'intervenir à Tala. Les unités militaires sont effectivement parties de la caserne militaire de Kasserine en direction de Tala. Après une vingtaine de minutes, nous avons reçu l'ordre d'annuler la mission et de ramener les unités à la caserne... Le colonel Jalloul Laabidi m'a informé que le ministre de l’Intérieur, Rafik Hadj Kacem, était en colère et révolté lorsqu'il a appris les instructions sur l’intervention de l’armée.”

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Adel Touiri

Directeur général de la sûreté nationale

Adel Touiri

Directeur général de la sûreté nationale

"Après qu'il a été convenu de concentrer les unités militaires à Tala et Kasserine...il a demandé au ministre de l'Intérieur de rappeler le général de corps d'armée Rachid Ammar et d'annuler l'ordre de déplacement et d'intervention des unités militaires. J'ai refusé de le faire sous prétexte que la situation sécuritaire est très dégradée et que l'armée doit intervenir...mais il a insisté sur sa position...".

Ces déclarations ont été totalement réfutées par Haj Kacem, le ministre de l'Intérieur.

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Rafik Hadj Kacem

Ministre de l'Intérieur

Rafik Hadj Kacem

Ministre de l'Intérieur

"Il n'y a aucune vérité à cela, et je suis surpris de voir que cette question a été récemment soulevée par le Directeur général de la Sécurité nationale, Adel Touiri, et le Directeur général des Unités d'intervention, Jalel Boudriga... Dans de tels cas, j'aurais directement contacté le général de corps d'armée Rachid Ammar ou le ministre de la Défense nationale."

Les affrontements qui ont éclaté la veille se sont poursuivis tard dans la nuit. Les manifestants ont attaqué des bâtiments publics et ont tenté de prendre d'assaut les bâtiments de la Garde nationale et de la police à Kasserine. La police a répliqué par des tirs en l'air dans le but de disperser les manifestants.

08 janv. 2011

L’intervention inévitable de l’armée

00:05

Les forces de l’ordre s'effondrent devant le déferlement des protestations.

Suite à une rapide détérioration de la situation à Kasserine, il a été nécessaire de faire appel à des renforts de la part de Rachid Ammar afin de soutenir les forces de police dépassées par les événements. Les forces armées sont intervenues dans la ville peu après minuit, alors que la situation à Tala devenait de plus en plus difficile pour la police.

04:00

De plus en plus de victimes

La Direction Centrale des Opérations informe Adel Touiri qu'il y a des morts à Tala et Kasserine, selon l'hôpital régional, après que les sièges de certaines institutions publiques et privées aient été attaqués.

22:40

Retour à l’ordre

L'armée retourne à Tala. L'état-major évalue les pertes humaines et matérielles. La mission de l'armée est maintenant de rétablir l'ordre et de maîtriser la situation.

Bilan

7 morts par balle

09 janv. 2011

Ali Seriati dirige la cellule de crise

Après avoir pris connaissance des événements de Kasserine, Ben Ali convoque une réunion de crise nationale le jour même, en demandant la présence d'Ali Seriati.

En présence de tous les participants, des équipes des ministères de l'Intérieur et de la Défense font le point sur les derniers développements. Ali Seriati prend la parole pendant 45 minutes, avant de laisser les autres s'exprimer. Le ministre de l'Intérieur, Rafik Belhadj Kacem, reçoit un appel téléphonique pendant son intervention. C'est alors qu'Ali Seriati reprend la parole. Pour les participants à la réunion, il est clair qu'Ali Seriati est le véritable chef. Cette situation dérange le ministre de la défense, Ridha Grira, qui estime que Seriati tentait d'imposer sa propre vision aux participants.

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Ali Seriati préside la réunion de la cellule de crise le 9 janvier 2011.

Rachid Ammar, pour sa part, considère que la réunion a été superficielle et qu'ils n'ont pas été autorisés à discuter des causes réelles de ce qui se passe dans les rues. Le général Ammar estime que la propagation des manifestations est suspecte et qu'elle est le fait d'"entités" inconnues.

Ali Sariati propose d'accorder une compensation financière aux familles des victimes des affrontements entre les manifestants et la police. Pour étayer ses propos, il utilise un proverbe tunisien : "nourris la bouche, les yeux auront honte..." Selon plusieurs témoignages, Ridha Grira s'est opposé à cette proposition. Cependant, lors de la séance d'audition, il déclare qu'il n'a pas de raisons valables de s'opposer à cette décision.

Sariati continue à discuter des questions de sécurité avec les représentants des deux ministères, avant de demander aux ministres et à Mohamed Ghariani de quitter la salle pour discuter des questions techniques et opérationnelles avec les directeurs généraux des deux ministères.

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Ali Seriati évoque la question de l'approvisionnement en balles en caoutchouc et en gaz lacrymogènes. Avec l'accord de Ben Ali, il demande aussitôt aux autorités libyennes de fournir 1 500 unités de gaz lacrymogène et passe une commande de 10 000 unités supplémentaires auprès de la France. Pour ce faire, il demande à l'armée de louer un avion militaire pour transporter la cargaison en Tunisie.

Plus tard, Ali Seriati demande aux officiers de l'armée de partir afin de rester seul avec les hauts responsables du ministère de l'Intérieur.

A l'issue de cette réunion, Ali Seriati, avec l'accord de Ben Ali, propose que les unités de l'armée nationale portent l'uniforme bleu des unités d'intervention. Mais sa proposition est catégoriquement rejetée par le général Rachid Ammar, qui craint d'impliquer l'armée dans des affrontements avec la population.

Par la suite, Ali Seriati décide de remplacer les unités d'intervention par la Garde nationale, plus facilement tolérée par la population. Pour pallier le manque d'effectifs, il propose que les unités d'intervention portent l'uniforme vert de la Garde nationale. Cette nouvelle décision prise par le duo Seriati-Ben Ali ne fera qu'augmenter les soupçons qui commencent à s'installer entre les forces de sécurité et l'armée.

Face aux attaques répétées des postes de police et aux vols d'armes régulières, Seriati et Ben Ali préconisent d'abandonner certains postes de police et de garde nationale en sous-effectif, afin de mieux se défendre et de sécuriser les armes régulières qui s'y trouvent dans des lieux sécurisés ou dans des casernes de l'armée.

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Bilan

13 victimes
à Kasserine et Sidi Bouzid

10 janv. 2011

Le déplacement des véhicules blindés vers la capitale.

Ali Seriati demande à Rachid Ammar de fournir les véhicules blindés stationnés autour de Zarzis aux forces de l'ordre à Tunis. Ammar confirme que les véhicules blindés ne pourront pas atteindre la capitale avant le 13 janvier, le train qui doit les transporter n'étant pas encore disponible.

Bilan

8 victimes

11 janv. 2011

L'armée refuse de retirer ses casques.

En référence à l'absence de coordination entre les services de sécurité du ministère de l'Intérieur et l'armée, Ali Seriati propose à Ben Ali de tenir une réunion avec les hauts responsables exécutifs des deux ministères au palais de Carthage pour les encourager et leur transmettre ses recommandations. Ben Ali accepte l'idée. Ali Seriati informe les personnes concernées, mais finalement la réunion n'a pas lieu.

Rachid Ammar reçoit l'ordre de retirer les casques de combat à ses troupes sur le terrain. Ne se fiant pas aux motifs de cette demande, il ne la prend pas positivement et demande à ses forces de porter des casquettes rouges comme signe distinctif.

12:00

Ben Ali fait appel à son vieil ami.

Il appelle son vieil ami Kamel Letaief et lui propose de se rencontrer le même jour. Leur amitié s'est en effet étiolée depuis 1992, quand Ben Ali s'est marié avec Leila Trabelsi. Kamel Letaief accepte la demande du Président et lui suggère de se réunir dans son bureau au sein du palais. Ben Ali refuse, et l'invite à le rejoindre chez sa fille Syrine. Kamel comprend que Leila empêche son mari de le voir et accepte la condition du Président, surtout que le mari de Syrine, Marwen Mabrouk, avec qui il est en conflit depuis trois ans, se trouve en France.

14:00

Ben Ali demande conseil à Letaief loin des regards de Leila

Selon le témoignage de Kamel Letaief, Ben Ali cherchait désespérément à le rencontrer pour obtenir des conseils. Lors de son interrogatoire, Kamel Letaief explique aux enquêteurs qu'à travers son réseau de relations, y compris des personnalités de l'opposition, il essayait de trouver une issue à une situation qui devenait de plus en plus incontrôlable.

Letaief a ainsi présenté une série de mesures directement à Ben Ali. Les plus importantes concernent le divorce avec son épouse, Leila Trabelsi, et la détention de certains membres de sa famille, qui font de plus en plus l'objet de slogans dans la rue.

Letaief propose également à Ben Ali de remanier son gouvernement, de nommer Ahmed Friaa ministre de l'Intérieur et d'annoncer des élections législatives anticipées. Ahmed Friaa, ami proche de Kamel Letaief et sans aucun lien avec la famille Trabelsi.

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A la fin de la réunion, Kamel Letaief insiste pour accompagner Ben Ali jusqu'à sa voiture afin que ses gardes du corps puissent le voir et transmettre l'information à Leila Trabelsi.

Bilan

4 victimes

12 janv. 2011

Ben Ali joue la carte des limogeages

Ben Ali appelle Kamel Letaief pour lui annoncer qu'il va remplacer Rafik Belhaj Kacem par Ahmed Friaa. Ce dernier décline d'abord le poste, mais change rapidement d'avis après que le Président lui a promis des réformes politiques imminentes dans lesquelles il aurait une influence.

Témoignage

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Ahmed Friaa

Ministre de l'Intérieur

Ahmed Friaa

Ministre de l'Intérieur

“Le jour même, vers 11h, j'ai reçu un appel téléphonique de l'ancien président. Il m'a informé qu'il était sur le point de mettre en œuvre des réformes politiques majeures en vue de garantir les libertés, et qu'il n'était pas du tout conscient de la gravité de la situation générale du pays. Il m'a également dit qu'il allait mettre fin aux fonctions de Abdelwaheb Abdallah et de Abdelaziz Ben Dhia, et qu'il allait tenir les corrompus responsables de leurs actes. Il m'a assuré qu'il était en contact avec l'opposition et qu'il voulait me nommer à la tête du ministère de l'intérieur. J'ai accepté.”

Le 12 janvier, à une heure indéterminée

Implication de l'armée dans les opérations des forces de sécurité?

Informé de la présence d'unités de la garde nationale en uniforme officiel aux côtés d'unités de l'armée à Kasserine, Rachid Ammar soupçonne certaines parties d'avoir l'intention d'impliquer l'armée dans des affrontements avec la population et demande le retrait des unités de la garde nationale des positions de l'armée.

18:45

Ali Cherni

Ali Cherni s'effondre, couvert de sang. Il y a quelques instants, il s'apprêtait à filmer les affrontements entre les forces de sécurité et les résidents de son quartier, Khaled Ibn El Walid, à la Manouba. Ces derniers avaient déclenché de violentes protestations en jetant des pierres sur le poste de police. Ceux qui étaient présents se précipitent vers lui pour l'éloigner, se rendant compte qu'il avait été touché par une balle sans en connaître l'origine. L'obscurité s'empare de la scène et les bombes lacrymogènes dispersent les manifestants. Ali Cherni a cependant vu son destin scellé par une balle qui lui a ôté la vie, l'emportant à jamais. Le rapport du médecin légiste Moncef Hamdoun, daté du 13 janvier 2011, mentionne que le décès d'Ali a été causé par trois balles tirées.

20:30

La brigade antiterroriste affronte les manifestants devant le bâtiment du ministère de l'Intérieur

Jalel Boudriga, directeur général des unités d'intervention, demande à Samir Tarrhouni, commandant du bataillon national antiterroriste, de déployer 8 agents au siège du ministère de l'Intérieur pour sécuriser le bâtiment.

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Tous se sont armés d'une quantité considérable d'armes, dont certaines possèdent une portée pratique de 2 kilomètres, tandis que leur rayon d'action létal est de 800 mètres. Ils ont également emporté des caisses supplémentaires de munitions.

Lors de son interrogatoire devant le tribunal militaire de Tunis, l'inspecteur général des forces de sécurité nationale, Ali Ben Mansour, déclare que les seules entités sécuritaires disposant d'équipes de tireurs d'élite portant des cagoules noires et dotées d'armes de pointe, entraînées pour des missions de tireurs d'élite, sont la direction générale de la sécurité présidentielle dirigée par Ali Seriati, la direction générale des unités d'intervention dirigée par Jalel Boudriga, et la direction générale de la garde nationale dirigée par Mohamed Amine El Abed. L'accusé, Ali Ben Mansour, ajoute que, selon son expérience approfondie dans le domaine de la sécurité, les tireurs d'élite non identifiés mentionnés par les citoyens et les médias sont en réalité des agents de sécurité affiliés au ministère de l'intérieur qui sont montés sur les toits de certains bâtiments dans le cadre de leur réponse aux manifestants, et ont ouvert le feu sur eux pour les disperser. Il est inconcevable que des individus armés se trouvent sur les toits de bâtiments adjacents ou environnants sans appartenir à des unités de sécurité.

Bilan

25 victimes tuées par balles
et par des bombes à gaz
lacrymogènes

13 janv. 2011

Un plan d'évacuation du palais

Ali Seriati appelle Charfeddine Zitouni, colonel général de la garde nationale, et lui demande de préparer les unités d'élite stationnées à Bir Bouregba à une éventuelle intervention en cas de besoin.

Les véhicules blindés demandés par Ali Seriati arrivent finalement au bout de trois jours. Rachid Ammar est chargé de coordonner le déploiement des véhicules aux points de passage autour du palais avec le colonel Adnen Hattab, deuxième responsable de la sécurité du président de la République.

A la demande du président Ben Ali, Seriati élabore un plan de sécurité pour l'évacuation du palais présidentiel par voie terrestre, maritime et aérienne en cas d'attentat. Ce dernier remet également au président un gilet pare-balles. Ben Ali lui demande alors de renforcer le ministère de l'Intérieur avec deux ou trois brigades secrètes, tâche que Seriati refuse, faisant valoir que les agents de la sécurité présidentielle ne sont pas spécialisés dans la dispersion des manifestations et le maintien de l'ordre. Ben Ali accepte et décide de verser une subvention exceptionnelle de 500 000 dinars à la direction générale de la sécurité présidentielle pour les heures supplémentaires effectuées.

18:00

Hamza Hajji

Après l'escalade des affrontements qui ont éclaté entre citoyens depuis 14h, avec l'apparition d'une fumée noire émanant de pneus enflammés, le chaos règne dans les rues de Lafayette et les forces de l'ordre s'affrontent aux manifestants. Hamza Hajji décide alors de fermer le restaurant. Il se dirige immédiatement vers la station de bus Habib Thameur, déterminé de rentrer chez lui. Cependant, il se trouve au milieu d'affrontements entre des agents de sécurité vêtus de noir dans de grosses voitures de police bleues, les manifestants leur lançant des pierres, et les forces de l'ordre ripostant à l'aide de bombes lacrymogènes.

Fuyant les effets du gaz lacrymogène, Hamza se dirige vers l'une des ruelles adjacentes, mais il s'est à peine éloigné lorsqu'un agent de sécurité surgit du toit ouvrant d'une voiture, armé d'un fusil, et commence à tirer en direction des manifestants. Face à la stupeur qui l'envahit, Hamza peut sentir une balle traverser sa main droite, suivie d'une autre déchirant sa chemise, mais heureusement superficielle. Hamza s'enfuit jusqu'à l'hôpital La Rabta, où il reçoit les soins nécessaires.

Quelques minutes avant 18h

La bénédiction de masser le président

Après avoir découvert que sa cliente depuis plusieurs années, Fatma Belhadj, est la cousine de Leila Trabelsi, la voyante Rawdha Hannachi a insisté pour qu'elle la mette en contact avec Leila afin qu'elle puisse rencontrer le président. Fatma est finalement convaincue et contacte Leila qui, à son tour, accepte que la voyante vienne réciter quelques prières et donner sa "bénédiction".

Fatma Belhadj accompagne la voyante juste avant que Ben Ali ne prononce son discours du 13 janvier, afin de lui accorder ses bénédictions et de l'aider à atténuer la colère populaire qui perdure depuis près d'un mois.

Ben Ali se rend dans la salle d'attente de son bureau, salue Fatma et s'adresse à Rawdha Hannachi en disant : "Bienvenue, ma fille, tu es venue en cette nuit historique. Elle répond : "Monsieur le Président, j'ai eu une vision il y a trois mois. J'avais l'intention de venir vous voir, mais j'avais peur qu'on me tire dessus." Ben Ali répond : "Personne ne vous fera de mal. Si vous m'aviez informé plus tôt, je vous aurais accueilli. Que Dieu vous bénisse."

Elle caresse le crâne du président et ses cheveux, puis commence à lui masser la tête tout en récitant les quelques versets du Coran qu'elle connaît.

Rawdha reçoit ensuite 100 dinars de la part de la garde du président, mais il semble qu'elle n'apporte aucune bénédiction, ni pour le président ni pour son discours.

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La voyante Rawdha Hannachi masse Zine El Abidine Ben Ali et lui récite le Coran pour lui donner sa bénédiction avant qu'il ne prononce son discours du 13 janvier 2011.

Bilan

39 victimes,
dont 38 tuées par balle.

14 janv. 2011

Le régime se renverse.

07:00

Les rumeurs minimisent le rôle de la caserne de Bouchoucha

Quatre équipes de la Brigade antiterroriste, composées de 26 agents et supervisées par 4 responsables chacune, sont positionnées dans le bâtiment du ministère de l'Intérieur, à différents endroits, y compris sur le toit et aux entrées. Toutes ces équipes opèrent sous les ordres de Samir Tarhouni, qui gère leurs activités depuis son bureau situé au siège de la Direction générale des unités d'intervention à Bouchoucha. Bien qu'il ait inspecté ses hommes les 12 et 13 janvier, il déclare qu'il n'a pas pu se rendre au siège du ministère le jour suivant, le 14 janvier 2011.

Le quartier général de l'unité a été directement menacé par les manifestants, alimentant ainsi une rumeur selon laquelle quelque 10 000 manifestants se dirigeaient vers les locaux pour les envahir. Face à cette situation, plusieurs agents présents ont exprimé leur volonté de rendre leur arme individuelle et de regagner leur lieu de résidence pour se défendre, suite aux actes de vandalisme et aux incendies criminels perpétrés dans les logements de la police.

10:00

Trois dispositifs pour protéger le palais.

Ali Seriati se rend au bureau du Président Ben Ali, accompagné de Ghazi, Sirine et de leurs épouses Marouane El Mabrouk et Slim Zarrouk. Leur confusion était évidente : ils entraient et sortaient du bureau pour parler au téléphone.

Ali Seriati demande que le Palais de Carthage soit renforcé par la Garde nationale et des équipes spécialisées, formant ainsi un système de protection du palais à trois niveaux : la police, l'armée et la sécurité présidentielle.

10:30

Aucun détail de la rencontre n'a été communiqué

Dans le port touristique de Sidi Bou Said, Sami Fehri arrive au volant de sa voiture privée noire. Il se dirige vers le yacht de Balhassen Trablesi, le frère de Leila, l’épouse du Président Ben Ali. Après avoir attendu environ cinq minutes, Belhassen arrive et ils montent tous les deux à bord du yacht. Leur conversation commence par l’analyse du discours du Président, la veille. Cependant, il semble que cette rencontre revêt une signification autre, car après avoir été servis du café, Belhassen demande au capitaine du yacht de partir et de laisser parler en privé. La conversation dure environs une heure et demie, après quoi les deux quittent les lieux à bord de leurs voitures respectives.

11.00

Du matériel supplémentaire pour protéger le palais.

Ali Seriati retourne une fois de plus à l'armée et sollicite à nouveau Rachid Ammar pour obtenir davantage de matériel afin de faire face à la situation sécuritaire délicate entourant le palais. Ce dernier lui indique que les seuls véhicules disponibles sont des véhicules blindés situés à Kairouan. Ali Seriati demande alors l'autorisation à Ben Ali de les transférer. Ensuite, il demande à Rachid Ammar de les amener à la capitale.

Après avoir été informé de la demande du palais, Ridha Grira a fait plusieurs tentatives pour contacter Ben Ali, mais en vain. Plus tard, il téléphone à Ali Seriati afin de confirmer l'ordre de transporter les véhicules blindés stationnés de Kairouan jusqu'à la capitale.

Le même jour, des bombes lacrymogènes en provenance de Libye arrivent à bord d'un avion civil piloté par un pilote américain.

11:00 - 12:00

On lui demande de divorcer de Leila

Ali Seriati rencontre les filles de Ben Ali, Ghazoua et Syrine, issues de son premier mariage. Elles lui racontent qu’elles ont demandé à leur père de divorcer de Leila et de faire payer sa famille, une proposition qu’il a catégoriquement refusé.

Ali Seriati, en compagnie de Marwen Mabrouk, le beau-frère de l’ancien Président, avaient fait la même proposition à Ben Ali, avant qu’il ne prononce son discours, le 13 janvier 2011.

12:00

La maison des Trabelsi en proie aux flammes

Ben Ali demande à Ali Seriati de venir dans son bureau. Il l'informe que sa femme Leila lui a signalé que des policiers conduisent des citoyens aux maisons de ses frères pour y mettre le feu. Ben Ali demande à Seriati d'enquêter sur cette affaire.

Seriati contacte alors Faouzi Derouich, le chef de la sous-direction de l'information, et lui demande d'enquêter sur l'affaire. Cependant, Derouich l'informe plus tard qu'il y a un manque de patrouilles de sécurité.

12:14

“L'armée n’est pas une gardienne de maison”

Ali Seriati fait appel au chef d'état-major de l'armée, Rachid Ammar, et demande le renforcement de la sécurité dans la banlieue nord de la Tunisie, plus précisément dans les zones de La Marsa et Carthage, ainsi que la protection des maisons des membres de la famille de l'épouse du président. Cependant, Ammar répond à sa demande en lui indiquant que l'armée "n'est pas une gardienne de maisons".

Au cours de cette même conversation, selon les informations fournies par le général Ammar aux enquêteurs, Seriati l'a informé que selon des informations des services de sécurité tunisiens à l'étranger à Ben Ali, indiquant que le leader du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, allait venir au pays. Cette information a effrayé Seriati, qui a considéré l'absence de l'aéroport de Tunis-Carthages des points de contrôle de sécurité comme une menace.

13:00

La fuite.. la fuite

Halima, la fille cadette de Ben Ali, contacte Ali Seriati pour lui demander de l'aide pour transférer 27 membres de la famille Trabelsi du palais de Sidi Dhrif.

Plus tard, Leila Ben Ali contacte la Direction Générale de la Sécurité Présidentielle afin de demander la mise à disposition de moyens de transport et d'un chauffeur pour déplacer les membres de sa famille hors du palais présidentiel de Sidi Dhrif.

Parallèlement, Belhassen Trabelsi contacte le capitaine de son yacht privé et lui demande de transporter les membres de sa famille, ainsi que cinq valises, jusqu'au yacht présidentiel à Sidi Bou Saïd. De là, Belhassen et sa famille sont partis, malgré quelques difficultés rencontrées pour faire tamponner leurs passeports par la police des frontières.

13:30

Les gaz dispersent les manifestants.

Samir Tarhouni appelle le lieutenant Ayman Saïdani, devenu chef de la brigade antiterroriste au siège du ministère de l'Intérieur, et découvre qu'il a reçu l'instruction de fournir des armes et de préparer une intervention armée contre les manifestants qui entreprennent de pénétrer dans le bâtiment.

Dans son témoignage, Tarhouni confirme qu'il a donné instruction à tous les chefs de brigade de ne pas utiliser d'armes mais des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants.

13:45

14:00

Le début de la chute du dictateur

Ali Seriati revient dans le bureau de Ben Ali. Ils sortent rapidement dans le couloir, où ils échangent une conversation pendant environ 10 minutes, tous deux montrant des signes de confusion. Leur dialogue est entrecoupé de fréquents appels reçus par Ali Seriati sur son téléphone personnel.

Témoignage

husain_wertaini

Hsan Ouartani

Huissier du Président Ben Ali

Hsan Ouartani

Huissier du Président Ben Ali

“Ils se sont dirigés vers le couloir, où ils ont continué à discuter pendant une dizaine de minutes. À ce moment-là, Marouane Mabrouk, le mari de sa fille, se tenait dans le couloir et parlait au téléphone. J'ai remarqué que l'ancien président était troublé, regardant à gauche et à droite.”

14:20

L'appel qui change le cours événements

Cette fois-ci, Tarhouni appelle Hafedh Ouni, un agent travaillant dans l'unité de protection des avions à l'aéroport de Tunis-Carthage, pour se renseigner sur la situation là-bas. Ce dernier lui informe de la présence des membres de la famille Trabelsi à l'aéroport et de leur intention de voyage.

Témoignage

husain_wertaini

Samir Tarhouni

Commandant de la brigade anti-terroriste

Samir Tarhouni

Commandant de la brigade anti-terroriste

“Avec une spontanéité, il m'a dit : ‘Il n'y a pas de contrôle à l'aéroport. Toute la famille est là-bas, ils vont partir.’ J'ai demandé : ‘Tous, tous ?’ Il a répondu : ‘Les Trabelsi.’ J'ai rapidement mis fin à l'appel, puis je l'ai rappelé après un instant et lui ai dit : ‘Retenez-les, j'arrive.’ Il a répondu : ‘Oui..’Je lui ai dit : ‘Retenez-les, j'arrive.’"

Tarhouni conclut l'appel et téléphone immédiatement à sa femme, qui travaille dans la tour de contrôle de l'aéroport. Son objectif est de demander l'arrêt de tout avion transportant un membre de la famille Trabelsi.

Tout semble indiquer que Tarhouni va jouer un rôle actif dans la mission à venir à l'aéroport.

Tarhouni appelle ses hommes de l'unité antiterroriste basée à Bouchoucha, prétendant avoir reçu des instructions pour se rendre à l'aéroport de Tunis-Carthage dans le cadre d'une mission spéciale. Il réussit à rassembler 10 hommes armés de pistolets et de mitrailleuses.

Tarhouni mentionne, dans son témoignage aux enquêteurs, qu'il a informé ses agents en cours de route qu'ils allaient arrêter la famille Trabelsi, en leur demandant de ne pas utiliser leurs armes pour quelque raison que ce soit.

14:35

Mission pour deux époux

Samir Tarhouni appelle sa femme, Chiraz Yaacoubi, qui travaille dans la tour de contrôle de l'aéroport de Tunis-Carthage. Il lui demande de suspendre tout vol transportant des membres de la famille Trabelsi. Chiraz transmet les instructions de son mari à son supérieur au travail, qui à son tour transmet l'information à ses supérieurs.

14:50

La démonstration de force armée.

Samir Tarhouni arrive accompagné de ses agents de l'unité de lutte antiterroriste à l'aéroport de Tunis-Carthage. En se dirigeant vers le salon d'honneur de l'aéroport, il s'adresse aux agents de sécurité des avions en leur disant : "laissez-nous passer, nous sommes des frères et nous ne lâcherons aucune cartouche". Les agents lui ont alors ouvert le passage.

Tarhouni était en communication constante avec sa femme, Chiraz. Elle lui fournissait des informations sur les numéros de vol, les horaires de décollage des avions et leurs positions.

Elle l'a également aidé en émettant une fausse alerte à une ambulance stationnée sur le tarmac, afin de le guider vers l'emplacement de l'avion transportant Syrine Ben Ali et quelques membres de la famille de son mari, Marouan Mabrouk. Cependant, il réalise soudain que la famille Trabelsi est coupable de ce qui se passe, contrairement à la famille Ben Ali et leur beaux-frères. Il décide donc de laisser Nesrine Ben Ali partir dans son avion.

15:15

La persuasion plutôt que la confrontation.

Ben Ali appelle Ali Seriati. Dès qu'il arrive dans son bureau, il l’informe qu'il a instruit le Directeur général du Protocole d'État, Mohsen Rahim, de préparer l'avion présidentiel et de coordonner avec l'Ambassade de Tunisie en Arabie saoudite afin de recevoir la famille dans le royaume. Dans son témoignage, Seriati confirme que l'ancien Président lui a demandé de superviser la mission de transport de sa famille avec Mohsen Rahim, à bord de l'avion présidentiel en direction de l'Arabie saoudite, puis de revenir, tandis qu'il resterait dans son palais.

Après des appels dont Ben Ali n'a pas révélé les détails, il annonce à Seriati qu'il a décidé de passer à la troisième phase d'urgence et de nommer le général Rachid Ammar coordinateur des opérations de sécurité. Malgré les tentatives de discussion de Seriati à ce sujet, Ben Ali s'est montré déterminé, estimant que l'armée doit prendre les choses en main.

La préoccupation excessive de Ben Ali pour sa famille a irrité Seriati, qui a quitté le bureau du président furieux. Seriati avait l'impression que Ben Ali ne se souciait pas de la situation critique du pays, sa priorité étant d'assurer la sécurité de sa famille. Lorsque Seriati se retrouve seul à prier dans son bureau, de nombreuses idées lui viennent à l'esprit, dont la possibilité d'arrêter Ben Ali. Cependant, il réfléchit également à toutes les conséquences, tant internes qu'externes, car certains pourraient le soutenir, tandis que d'autres pourraient s'y opposer

En même temps, il craignait une possible intervention de la Libye, étant donné les liens particuliers entre son dirigeant Kadhafi et le président Ben Ali, son gendre Sakhl El-Matri, ainsi que son père.

Son objectif : persuader Ben Ali de quitter la Tunisie.

Entre-temps, Seriati reçoit un appel téléphonique de Marouan Mabrouk, le mari de Syrine Ben Ali, l'informant que le voyage de sa femme a été retardé faute de timbre de voyage. Il lui demande de contacter Zouhair Bayati, le commissaire de l'aéroport de Tunis-Carthage. A peine cinq minutes plus tard, le président rappelle Ali Seriati, lui demandant d'intervenir pour permettre le départ de l'avion de sa fille.

Seriati rappelle Bayati et Samir Tarhouni répond d'abord en prétendant être Bayati, mais se rétracte rapidement lorsque Seriati s'en rend compte. Samir n'a aucune objection à la demande du chef de la sécurité présidentielle.

À ce moment-là, Seriati ne savait pas que Samir Tarhouni contrôlait l'aéroport de Tunis-Carthage et qu'il serait la personne qui influencerait le cours des événements à venir.

Seriati s'étonne que le téléphone personnel du gouverneur de l'aéroport soit entre les mains de quelqu'un d'autre et sent que quelque chose d'inhabituel se passe à l'aéroport. Il a appelé le directeur des frontières et des étrangers, Ezzeddine Khalfi, pour obtenir des réponses. La réponse qu'il reçoit est la suivante : "Vous ne savez rien... Il y a eu une descente à l'aéroport et tout le monde est à genoux".

Seriati s'est précipité dans le bureau du Président pour l'informer de ce qui se passait à l'aéroport. Le Président s'est contenté d'un commentaire : "C'est grave", avant que l'agent accompagnant Syrine et Marouan Mabrouk ne vienne informer Ben Ali que l'unité anti-terroriste avait pris le contrôle de l'aéroport.

A ce moment-là, Leïla Trabelsi quitte le palais présidentiel de Sidi Bou Saïd, dans une Lincoln noire qu'elle conduit elle-même, avec son fils Mohamed Zine El Abidine à ses côtés. Ils étaient escortés par deux voitures de la sécurité présidentielle, une BMW et une Peugeot 407, dont les armes étaient pointées vers l'extérieur par les fenêtres. Le mouvement des voitures témoignait d'une situation dangereuse, à tel point que Leïla Trabelsi n'a pas attendu que la porte électrique du palais s'ouvre complètement, et a heurté le côté de la porte lorsqu'elle est sortie vers le Palais de Carthage.

15:30

Un voyage inhabituel

Nabil Chetoui, le PDG de Tunisair, appelle le commandant de bord de l'avion présidentiel, Mahmoud Cheikhrouhou, et lui demande de préparer rapidement l'avion pour un voyage à Djeddah dans seulement deux heures. Mahmoud se rend compte qu'il est sur le point d'embarquer pour un voyage extraordinaire.

L'avion est préparé à la hâte, et tout est fait de manière non conventionnelle pour gagner du temps.

Témoignage

husain_wertaini

Mahmoud Cheikhrouhou

Le pilote personnel de Ben Ali. Il est responsable de tous les déplacements de Ben Ali.

Mahmoud Cheikhrouhou

Le pilote personnel de Ben Ali. Il est responsable de tous les déplacements de Ben Ali.

"Nous nous sommes rendu compte qu'il s'agissait d'un vol inhabituel, surtout après que M. Nabil Chetoui m'a demandé de réunir le moins de membres d'équipage possible. J'ai donc demandé à Tarek Ben Salem de fournir 22 tonnes de carburant et j'ai contacté Chaker Ghariani pour obtenir l'autorisation de voler jusqu'à Jeddah".

16:15

Profiter de l'opportunité

Après le départ de Syrine, Ghazoua et de leurs conjoints du bureau du président, Ali Seriati et Leila Trabelsi, accompagnés de leurs enfants Halima et Mohamed Zine El Abidine, et du fiancé de Halima, Mehdi Belkaid, sont arrivés sur les lieux en toute hâte.

Alors que Ben Ali reçoit sa famille dans son bureau au palais, Ali Seriati reçoit un appel du centre des opérations de sécurité du chef de l'État, l'informant qu'un hélicoptère militaire s'approche du palais. Seriati se méfiait de l'hélicoptère, d'autant plus que le ministère de l'Intérieur niait en avoir connaissance. Seriati a également été informé de la présence de deux navires de la Garde nationale se dirigeant vers le palais depuis la mer, ainsi que de l'arrivée de quelque 5 000 manifestants de la région d'El Kram, qui se dirigent également vers le palais.

Face à cette menace apparente, notamment après avoir confirmé la prise de contrôle d'un groupe de sécurité à l'aéroport de Tunis-Carthage, Seriati n'hésite pas à donner l'ordre à ses hommes d'abattre l'hélicoptère dès son survol du palais, pensant qu'il s'agit d'une opération d'atterrissage visant le président. Mais il trouve dans tous ces événements l'occasion de convaincre le président de la nécessité de partir avec sa famille".

De peur d'être mis sur écoute et de révéler son plan pour faire sortir le Président Ben Ali du pays, Ali Seriati donne des instructions pour que personne ne soit informé de la destination du Président à la caserne militaire d'El Aouina. Il s'oppose également à ce que Leïla Trabelsi se rende au palais de Sidi Dhrif pour y récupérer quelques affaires.

Le Président quitte son bureau avec sa famille. En partant, il demande à son garde du corps de l'attendre jusqu'à son retour, après avoir accompagné sa famille sans préciser leur destination.

Avant 16 heures, une trentaine de véhicules tout-terrain et autres se sont rassemblés dans le bâtiment voisin près du bord de mer, à l'extrémité du palais, comprenant notamment la Mercedes S600 noire et blindée de Ben Ali, ainsi que trois motos.

Vers 16 heures environ, le convoi présidentiel a quitté précipitamment en direction de la caserne militaire d'El Aouina. À leur arrivée à la porte en fer de la caserne, les voitures n'ont pas attendu l'ouverture de la porte, mais deux véhicules tout-terrain l'ont forcé, entraînant sa chute sur l'un des soldats qui gardait la porte, selon le chauffeur personnel de Mohamed Mourad Trabelsi, qui accompagnait le convoi pour transporter ses affaires avant son départ.

Interrogé par le département des recherches et des enquêtes du siège central de la Garde nationale, Seriati a déclaré qu'il était armé de son pistolet personnel et de 12 balles, et qu'il avait ordonné au convoi présidentiel de se diriger rapidement vers l'aéroport militaire, qu'il ne se souciait pas que cela puisse susciter des doutes et révéler que l'ancien président était en fuite.

Devant l'entrepôt de l'avion présidentiel, qui était en service avant l'arrivée du président, les gardes de la sécurité présidentielle sont descendus, formant un cercle de protection autour de Ben Ali et de sa famille, et ont pointé leurs armes dans toutes les directions. Au lieu de se rendre au salon d'honneur, le président est resté quelques instants dans sa voiture, car la situation était de plus en plus incontrôlable et la crainte d'une interception par l'armée au cours de son voyage était de plus en plus grande.

Tout a donc été préparé rapidement, et les réservoirs ont été remplis à l'intérieur de l'entrepôt malgré le danger de l'opération, selon les déclarations des responsables de la sécurité des avions de l'aéroport aux enquêteurs.

16:23

Les informations se transforment en menaces.

Ben Ali appelle Ridha Grira et l'informe de la présence d'infiltrés des Frères musulmans travaillant avec la brigade antiterroriste, qui ont arrêté sa famille et l'empêchent de voyager. Ben Ali demande au ministre de la Défense de les éliminer et d'utiliser des balles si nécessaire.

Rachid Ammar considère que les informations qui parviennent au Président deviennent de plus en plus menaçantes. Il a été informé que des patrouilleurs maritimes s'approchaient du palais depuis la mer, ainsi que de l'arrivée imminente d'hélicoptères, donnant l'impression que le palais était ciblé.

16:27

Le premier à s'échapper

Alors que le convoi présidentiel de Ben Ali quittait le Palais de Carthage, Belhassen Trabelsi prenait également son départ définitif de la Tunisie jusqu'à ce jour. Il monta à bord de son yacht touristique, qu'il décida de piloter lui-même depuis le port touristique de Sidi Bou Saïd, avant de demander au capitaine Eyess Ben Rabah de mettre le cap sur le port de "Trapani" en Italie.

16:30

La personne inconnue

La quasi-totalité des directeurs généraux du ministère de l'Intérieur semblait ignorer ce qui se passait à l'aéroport de Tunis-Carthage sous la direction de Samir Tarhouni, qui refusait de répondre à son supérieur, Jalel Boudriga. Face à ce manque d'information, Rachid Ammar a personnellement demandé à Boudriga, Directeur général des Unités d'intervention, de se rendre à l'aéroport pour clarifier la situation.

A leur arrivée à l'aéroport de Tunis-Carthage, Samir Tarhouni et le commandant Mohamed El Arbi Lakhal de la Garde nationale ont pris en otage des membres de la famille Trabelsi, selon Rachid Ammar. Tarhouni a refusé de fournir à son supérieur toute information sur les ordres d'arrestation des membres de la famille Trabelsi. Cela a conduit Ammar à conclure qu'ils obéissaient à des ordres personnels d'une personne inconnue, et que leur position pourrait changer après avoir appris la fuite de Ben Ali.

16:53

Ali Seriati alimente la panique de Ben Ali.

Le ministre de la Défense Ridha Grira appelle Taïeb Ajimi d'une voix empreinte de perplexité et de colère : "L'avion antiterroriste vise le Président Ben Ali... Ordonnez-lui de partir immédiatement... Le service de la sécurité présidentielle a reçu l'ordre de vous abattre."

Surpris par les propos du ministre, Ajimi répond immédiatement : "Nous n'avons pas d'avion de lutte antiterroriste dans l'air..... Tous les avions sont au sol". Mais le ministre ne perd pas de temps et contacte rapidement la salle des opérations du ministère de la Défense pour éloigner du palais tous les hélicoptères de l'armée nationale.

Ridha Grira rappelle Ajimi, de plus en plus paniqué et criant de plus en plus fort, signalant qu'un hélicoptère visait le palais. Plus tard, Ajimi se rend compte que le ministre était en communication directe avec Zine El Abidine Ben Ali, qui était dans un état de panique et de confusion à cause des informations qu'il recevait d'Ali Seriati. Bien que Seriati savait qu'il n'y avait pas de menace armée contre le Président, il insistait pour transmettre ces informations pour hâter son départ du palais.

Avant même d'avoir pu terminer sa communication avec Grira, Ajimi reçoit un appel téléphonique du colonel Elyes Mnakbi, assistant du commandant de la base aérienne de l'aéroport militaire, l'informant de l'arrivée du convoi présidentiel sous protection renforcée des forces de sécurité présidentielles, qui ont pointé leurs armes sur les forces de l'armée présentes sur place.

Taïeb Ajimi, chef d'état-major de l'Armée de l'air, déclare : "Le ministre de la Défense m'a littéralement dit : 'Je crains que Ali Seriati ne charge l'officier du Garde national de survoler le palais présidentiel de Carthage et de tirer sur le président Ben Ali'."

16:55

Du palais à l'entrepôt

Le convoi présidentiel entre dans la base militaire d'El Aouina par la route nationale 09. Le cortège composé d'environ 15 voitures s'arrête, accompagné d'environ 30 à 35 agents de la sécurité présidentielle armés, avec Ali Seriati en tête. Après un arrêt d'environ 3 minutes, le directeur de la sécurité présidentielle décide d'emmener Ben Ali directement à l'entrepôt de l'avion présidentiel.

17:10

Vol secret

Un plan de vol de l'avion présidentiel a été envoyé à la salle des opérations de l'Armée de l'air, indiquant qu'il décollait de l'aéroport de Tunis-Carthage à 17h30 à destination du Royaume d'Arabie Saoudite. Les informations fournies ne mentionnent pas la présence du Président ou de son épouse à bord du vol.

17:30

Manipulation de la destination de l'avion

Contrairement à ce qui était prévu, un plan de vol a été transmis à la salle des opérations, indiquant que l'avion présidentiel décollerait à 17h30 sur le trajet Monastir - Djerba - Tozeur - Sidi Ali Ben Aoun - Tunis. L'armée de l'air considère qu'il s'agit d'une annulation du premier plan de vol.

17:00 - 17:47

Layla tourne le dos à sa famille

Mohammed Mourad Trabelsi arrive au hangar de l'avion présidentiel à la caserne militaire d'El Aouina, accompagné de quatre voitures populaires. Parmi eux se trouvent Houssam Trabelsi, son épouse, son frère Saïf Trabelsi, leur mère Najia, l'épouse de Mohammed Adel Trabelsi, ainsi qu'un groupe d'enfants. Ils se dirigent vers l'avion, mais on ne leur permet pas d'y monter.

Témoignage

husain_wertaini

Samir Ben Nasr

Chauffeur de Mohamed Mourad Trabelsi

Samir Ben Nasr

Chauffeur de Mohamed Mourad Trabelsi

“J'ai entendu Halima Ben Ali crier au reste de la famille : "Laissez mon père tranquille et laissez-nous partir seuls". Puis elle a pris la main de son frère et est montée dans l'avion avec son fiancé, suivie par Leila Ben Ali, qui n'a prêté attention à personne d'autre.”

17:00 - 17:47

Immédiatement après, Ben Ali est monté à bord de l'avion, accompagné de son garde du corps, qui a pointé son arme sur les autres personnes présentes, tout comme Ali Seriati, qui est monté à bord avec eux. Une fois arrivé à la porte de l'avion, le président a salué toutes les personnes présentes.

17:34

Le scoop

17:37

“Ceux qui n’ont pas le cran peuvent se retirer”

Le chef d'état-major de l'armée de l'air, Tayeb Laajimi, appelle le ministre de la défense, Ridha Grira pour l'informer que Ben Ali se trouve à bord de son avion privé avec son fils. La réponse du ministre le surprend : "L'avion n'a pas encore décollé ? Dépêchez-vous, dépêchez-vous, il faut faire vite".

Plus tard, Seriati monte dans sa voiture et l'autre agent se dirige vers les gardes de la sécurité présidentielle en disant : " Écoutez, si vous n'avez pas le cran de passer sous l'avion, vous n'avez qu'à descendre des voitures et vous retirer ".

L'avion en question a été sorti de l'entrepôt et placé sur la piste, escorté par des voitures de la sécurité présidentielle jusqu'à son point de décollage, ce qui a permis de le protéger contre toute éventuelle attaque armée.

17:47

Une fuite retentissante

Le bruit du vol de l'avion présidentiel se fait entendre à l'aéroport militaire et à l'aéroport de Tunis-Carthage, ainsi que leurs alentours.

Tayeb Laajimi appelle le ministre de la Défense, Ridha Grira, pour l'informer du décollage de l'avion. Ce dernier demande à Laajimi de suivre la trajectoire de l'avion jusqu'à ce qu'il quitte l'espace aérien tunisien et de le tenir au courant de la prochaine destination de l'avion.

planeTrajectory

Immédiatement après le décollage de l'avion

Mohsen Rhaiem arrive dans la salle VIP et lance immédiatement un appel avec un accent du Golfe, selon les informations fournies par le commandant de la base aérienne d'El Aouina, Elyes Mnakbi : "Vous allez recevoir le groupe... Inshallah... L'avion transporte 8 personnes... Son Excellence et sa famille arriveront chez vous, Inshallah, dans quatre heures et demie."Ceci laisse Mnakbi supposer que la destination est Jeddah, compte tenu de la durée du vol.

17:55

Sik qui?

Le colonel Sami Sik Salem, membre de l'équipe de sécurité présidentielle, appelle Rachid Ammar et lui demande de se rendre immédiatement au palais. Etonné, Ammar se renseigne sur l'identité de Sik Salem auprès des personnes présentes, puisqu'il n'a jamais entendu parler de lui auparavant. Il l'informe qu'il ne bougera pas du ministère de l'intérieur sans instructions.

Après 17h00, à une heure non spécifiée

“L’article 56”

Sami Sik Salem appelle le Premier ministre Mohamed Ghannouchi par le biais du téléphone privé du chef de l'équipe de sécurité du premier ministère et lui dit simplement: "Assumez vos responsabilités dans cette situation, Monsieur le Premier ministre". L'appel est ensuite interrompu sans que Ghannouchi ne comprenne le contexte et les intentions qui se cachent derrière ces mots.

Un peu plus tard, Sami Sik Salem rappelle Mohamed Ghannouchi et l'informe de la fuite du Président, en lui demandant d'assumer la présidence de la République. Ghannouchi prend la décision de trouver une légitimité constitutionnelle et appelle Ahmed Zarrouk, président de l'Instance générale de la fonction publique. Ce dernier lui recommande de recourir à l'article 56 de la Constitution comme solution temporaire et circonstancielle, en attendant de passer à l'article 57 qui confère la présidence de la République au président de l'Assemblée des représentants.

En attendant l'arrivée de la voiture de la sécurité présidentielle pour emmener Mohamed Ghannouchi au palais, ce dernier prépare rapidement son discours qu'il adressera au peuple, avec l'aide de son chef de cabinet, Tayeb Yousfi, et de Ahmed Zarrouk.

Jusqu’à 18:00

Une rébellion contre les autorités

Les échanges entre Ridha Grira et Rachid Ammar ne cessent pas. Le ministre insiste sur la nécessité d'intervenir par la force contre Samir Tarhouni et Arbi Lakhal pour libérer la famille Trabelsi. Le ministre dit littéralement à Rachid Ammar : "Eliminez-les... Ceux qui sont à l'aéroport, il faut les tuer.... Foncez sur eux."

Cependant, Rachid Ammar affirme avoir refusé ces instructions, en soulignant qu'il pouvait agir d'une autre manière pour éviter les pertes humaines à l'aéroport.

18:00

Pourquoi Seriati est-il resté ?

Ali Seriati appelle le général Tayeb Laajimi et lui demande de lui fournir un avion C130 pour transporter la famille Trabelsi vers l'île de Djerba. De son côté, Laajimi contacte son ministre, Ridha Grira, et lui demande son avis sur la question. Le ministre donne son accord, mais s'étonne de la décision d'Ali Seriati de rester au lieu de partir avec Ben Ali.

18:05

Complot contre qui ?

Grira appelle Tayeb Laajimi et lui demande d'ordonner à un responsable militaire accompagné d'un agent armé d'arrêter Ali Seriati et de lui confisquer son téléphone et ses armes dès le départ des autres agents de la sécurité présidentielle, afin d'éviter un "bain de sang". Dans son témoignage, Tayeb Laajimi déclare aux enquêteurs que le ministre de la défense lui a fait part du complot d'Ali Seriati, ce qui lui a paru curieux en raison de son changement radical de position. Alors qu'il avait accepté sa demande d'envoyer un avion pour transporter les membres de la famille Trabelsi, il a immédiatement donné des instructions contradictoires ordonnant son arrestation pour complot.

18:06

Sami Sik Salem s'occupe du reste

Une voiture Mercedes appartenant à la présidence arrive au domicile de Abdallah Kallel pour l'emmener au palais. Ce dernier se rend compte, cependant, que le président a quitté le pays et que la personne qui l'a contacté par l'intermédiaire du standard téléphonique du palais est Sami Sik Salem, qui a commencé à mobiliser les principaux dirigeants politiques en vue d'un discours qui changera plus tard le cours de l'histoire du pays.

À son arrivée au palais, Kallel retrouve le président du Parlement, Fouad Mbazaa, qui a été le premier à l'informer de l'évasion du président. Selon sa déclaration aux enquêteurs, cette nouvelle le laisse abasourdi et tremblant, incertain de la suite des événements.

Ensuite, le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, arrive sur les lieux et les informe tous deux que la réunion vise à prendre des mesures concernant le transfert des fonctions présidentielles. Bien que la constitution de l'époque stipule que le président du Parlement assume les responsabilités du président de la République conformément à l'article 57, Ghannouchi a rejeté cette disposition et a choisi de s'appuyer sur l'article 56, se déclarant président par intérim, alors qu'un décret présidentiel aurait dû lui conférer les pouvoirs du président.

Face à la confusion de Kallel, Ghannouchi répond que tout est organisé et qu'il n'a plus qu'à se placer à ses côtés, aux côtés de Fouad Mbazaa, pour délivrer un discours au peuple tunisien.

18:10

"Retire tes forces et dégage"

Elyes Mnakbi s'approche d'Elyes Zalleg, le chef de l'administration…, avec lequel il entretient de bonnes relations depuis plus de 20 ans. Dès qu'ils se retrouvent seuls, Mnakbi lui demande de retirer ses forces et de retourner au palais, en disant : "Prends tes troupes et dégage tout de suite". Zalleg répond : "Que se passe-t-il ?", ce à quoi Mnakbi rétorque : "Fais ce que je te dis et pars."

18:15

Seriati tout seul

Après le retrait du personnel de la sécurité présidentielle et du directeur général du protocole, Mohsen Rhaiem, Ali Seriati, resté seul, est arrêté par un groupe armé de la sécurité de l'aéroport sous la direction d'Elyes Mnakbi.

Mnakbi s'approche d'Ali Seriati et lui demande de rendre son arme. Étonné, ce dernier demande : "Pourquoi ? Quel est le problème ?". Mnakbi répond : "Les instructions sont de vous arrêter". Le chef de la sécurité présidentielle lui remet alors immédiatement son arme et conclut en disant : "Fais ton devoir, mon fils."

18:16

Le point de non-retour

L'avion présidentiel a effectué un survol complet de l'île de Djerba avant d'être autorisé à pénétrer dans l'espace aérien libyen. Il s'est ensuite dirigé vers l'aéroport de Jeddah, en Arabie saoudite.

18:15 - 18:30

Slim Zarrouk libéré sans les autres

Elyes Mnakbi appelle Tayeb Laajimi pour lui demander s'il doit désarmer les escortes du gendre du président Slim Zarrouk. Laajimi confirme avoir donné l'ordre de les désarmer ainsi que toutes les personnes présentes devant et à l'intérieur du salon d'honneur de l'aéroport de Tunis-Carthage.

Quelques instants après l'arrestation de Slim Zarrouk, le ministre de la défense rappelle Tayeb Laajimi et lui demande de le libérer ainsi que son épouse et de leur rendre leurs armes. Laajimi se trouve alors dans l'obligation de recontacter Elyes Mnakbi et de lui transmettre les instructions du ministre de la défense.

18:30

Préservation de la réputation de l'armée

Le ministre de la défense rappelle Tayeb Laajimi encore une fois et lui demande de transférer les membres de la famille Trabelsi détenus au salon d'honneur de l'aéroport de Tunis-Carthage par Samir Tarhouni et la brigade anti-terroriste, au salon d'honneur de la base militaire d'El Aouina. Laajimi ajoute plus tard dans son témoignage auprès des enquêteurs qu'à ce moment-là, le ministre a demandé le transfert du groupe détenu par un avion militaire C130 jusqu'à l'île de Djerba. Il s'est toutefois opposé à ces instructions afin d'éviter que l'armée n'apparaisse comme complice dans l'évasion des membres de la famille Trabelsi. Le ministre finit par céder à ce refus.

19:37

Sous l'œil de la caméra

Les Trabelsi sont toujours détenus par la brigade antiterroriste dirigée par Samir Tarhouni, qui a accepté de les remettre uniquement à l'armée en présence d'une équipe de la télévision nationale tunisienne. La situation est encore tendue entre les hauts responsables des services de sécurité et le doute s'installe progressivement dans les rangs des services de sécurité et de l'armée, y compris au sein de l'armée entre ses propres dirigeants.

Le ministre de la défense appelle Rachid Ammar et, dès que ce dernier répond, le ministre lui dit d'un ton résolu : " Tu es dans mon camp ? Sois franc avec moi." Ammar répond : "Je suis avec vous, je suis de votre côté." Le ministre continue et lui dit que Abdallah Kallel lui a appelé pour lui dire qu'il y a un complot contre lui, Mohamed Ghannouchi et Fouad Mbazaa.

20:00

Diffusion sous la menace des armes.

Le président reçoit un appel de la salle de presse de la Télévision nationale, l'informant de l'arrivée de la vidéo en provenance du Palais de Carthage. Le Directeur général de la télévision n'avait alors aucune autorité sur la vidéo, et a simplement été informé qu'elle contenait un discours historique pour le peuple tunisien. La cassette a été diffusée comme à son habitude lors des événements présidentiels, sans même qu'il en ait visionné le contenu, mais cette fois sous la protection armée des agents de sécurité du chef de l'État, vêtus de tenues de combat et armés de fusils d'assaut.

Après l'enregistrement du discours.

L'heure de vérité.

Abdallah Kallel, Mohamed Ghannouchi et Fouad Mebazaa expriment leur souhait de quitter le palais présidentiel. Ils en ont été empêchés par des agents de la sécurité présidentielle, leur indiquant qu'ils devaient attendre la diffusion du discours à la télévision nationale.

Au bout d'un quart d'heure, un agent de la sécurité présidentielle s'est approché du téléphone de Mohamed Ghannouchi et a signalé que Ben Ali était en ligne.

Pratiquement toutes les personnes présentes dans la salle ont entendu Ben Ali dire à Ghannouchi : "Mohamed, qu'as-tu dit à la télévision ? S'il te plaît, fais une autre déclaration et dis qu'il s'agit d'une erreur matérielle". Ghannouchi a répondu : " C'est une mesure temporaire et nous avons appliqué l'article 56. Vous pouvez revenir quand vous voulez, vous êtes le bienvenu."

Ghannouchi passe alors le téléphone à Fouad Mebazaa, qui n'hésite pas à répéter les déclarations de Ghannouchi, puis Abdallah Kallel répète les mêmes remarques avant que le Premier ministre ne mette fin à l'appel.

20:20

L'État ne supporte pas le vide.

Ben Ali appelle Rachid Ammar et le dialogue suivant s'engage entre eux : "C'est le Président, comment est la situation dans le pays... contrôlons-nous la situation ou non... puis-je rentrer ce soir ou non ?" Ammar répond : "Je ne peux rien vous dire de précis pour le moment, Monsieur le Président... la situation en général n'est pas claire." Ben Ali lui dit alors : "Je vais te rappeler demain... Mon Général." Ammar répond : "Très bien" et l'appel se termine.

Quelques instants plus tard, alors que Mohamed Ghannouchi était présent au ministère de l'Intérieur avec Rachid Ammar et des ministres ainsi que certains directeurs généraux, Ben Ali l'appelle à nouveau, exprimant son étonnement quant au discours prononcé par Ghannouchi. En réponse, ce dernier se contente de dire que ce qui s'est passé est une mesure constitutionnelle, car l'État ne supporte pas le vide.

20:50

Kamel Laâbidi s'oppose au retour de Ben Ali.

Ben Ali appelle Kamel Letaief depuis l'avion présidentiel via un téléphone satellite. La communication est faible et la voix de Ben Ali à peine audible.

Ben Ali informe Kamel Letaief que le ministre de la Défense, Ridha Grira, l'a rassuré en affirmant que la situation est sous contrôle. Cependant, Letaief conteste ces informations en disant : "Non, non, non, la situation change rapidement et l'armée ne suffit pas." Ben Ali l'interrompt en demandant : "Me conseillez-vous de rentrer maintenant ou non ?" Il doit répéter la question trois fois avant que Letaief ne réponde de manière compréhensible : "Les choses ne vont pas bien."

plane ben ali

L’avion L'avion de Ben Ali lutte contre l'orage pour atterrir à l'aéroport de Djeddah la nuit du 15 janvier 2011.

Aux environs de 22:00

La nuit la plus importante dans la vie du capitaine de l'avion présidentiel.

L'avion de Ben Ali arrive à l'aéroport de Djeddah au milieu d'un violent orage et de fortes pluies qui ont obligé la plupart des avions à se diriger vers l'aéroport de Médine. Cependant, le commandant de l'avion présidentiel, Mahmoud Cheikh Rouhou, parvient à atterrir avec une difficulté extrême qu'il n'avait jamais connue malgré sa longue expérience.

Ben Ali s'approche du commandant de son avion et lui demande de se reposer avec son équipage, en prévoyant de rentrer en Tunisie le matin.

Les événements évoluent par la suite et le commandant de l'avion réalise que Ben Ali n'est plus président du pays et que Mohamed Ghannouchi a pris les rênes du pouvoir. Il ressent un moment de peur et contacte ses supérieurs au travail. Après plusieurs appels, il est demandé au commandant de retourner immédiatement en Tunisie avec son équipage.

Bilan

21 victimes

15 janv. 2011

Un nouveau jour

06:10

Le Président est exilé.

L'avion présidentiel arrive à la base aérienne d'El Aouina sans Ben Ali, qui reste seul avec sa femme et ses deux enfants, Mohamed et Halima. Le Président qui a gouverné le pays pendant 23 ans est jeté à des milliers de kilomètres pour regarder son pays sur les chaînes de télévision mondiales, vivre les moments de triomphe laissés par son départ et voir comment ses "hommes" prennent place dans son siège au pouvoir.

Conclusion

Les témoignages de l'entourage de Ben Ali et de ses "hommes" indiquent qu'il n'avait pas l'intention de fuir, mais le flot d'informations qui parvenait au palais laissait entendre qu'il était visé par l'armée et que ses ordres n'étaient plus respectés par tous les corps de sécurité. Cela le pousse à protéger finalement sa famille, qu'il tente de faire sortir du pays après le refus de sa femme Leïla de partir sans lui, en espérant pouvoir revenir plus tard.

Cette enquête s'est déroulée en se fondant sur des conversations téléphoniques impliquant des responsables de la sécurité, des officiers de l'armée, des ministres, des conseillers, des membres de la famille du Président et de son épouse, ainsi que des témoins oculaires. Toutes ces personnes ont été interrogées par la Direction des enquêtes et de l'inspection de la première brigade de la Garde nationale dans le cadre d'une affaire de complot visant la sécurité de l'État. Ali Seriati, directeur de la sécurité présidentielle, a été inculpé dans le cadre de cette affaire. De plus, certaines informations proviennent du rapport de jugement du tribunal militaire permanent de première instance.

Les personnages

Ahmed Friaa

Ahmed Friaa

Abdallah Kallel

Abdallah Kallel

Taieb Laajimi

Taieb Laajimi

Ali Seriati

Ali Seriati

Samir Tarhouni

Samir Tarhouni

Rachid Ammar

Rachid Ammar

Abdelaziz Ben Dhia

Abdelaziz Ben Dhia

Rafik Hadj Kacem

Rafik Hadj Kacem

Kamel Letaief

Kamel Letaief

Adel Touiri

Adel Touiri

Hsan Ouartani

Hsan Ouartani

Ilyes Mnakbi

Ilyes Mnakbi

Ahmed Chabir

Ahmed Chabir

Mohamed Ghannouchi

Mohamed Ghannouchi

Sirine Ben Ali

Sirine Ben Ali

Sami Sik Salem

Sami Sik Salem

Jalel Boudriga

Jalel Boudriga

Mohamed Aymen Abed

Mohamed Aymen Abed

Zine El Abidine Ben Ali

Zine El Abidine Ben Ali

Samir Ben Nasr

Samir Ben Nasr

Mahmoud Cheikhrouhou

Mahmoud Cheikhrouhou

Auteur

Issa Ziadia

Accompagnement éditorial

Malek Khadhraoui

Edition

Shaden Ghannam

Révision du texte

Maher Meriah, Emna Chebaane

Illustrations

Marwen Ben Mustapha, Chaima Matteo

Infographies

Hadhemi Smedhi

Conception

Hayfa Mzoughi

Habillage sonore

Oussema Gaidi

Collecte de données

Linda Stiti

Traduction

Linda Kaboudi

Développement

Adel Ben Salem

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