Le 1er juin 1955, Habib Bourguiba rentre en Tunisie après trois années d’exil. Il est accueilli par une foule immense au port de La Goulette. Cet accueil ne relève pas d’un simple élan populaire spontané, mais résulte d’une organisation méticuleuse orchestrée par le parti nationaliste. Des délégations de diverses régions du pays ont été invitées à prendre part à cet événement hautement symbolique. Toutes les composantes sociales et religieuses étaient représentées : des scouts aux professeurs de la Zitouna, en passant par des membres de la famille beylicale et d’anciens combattants. Cette mise en scène renforçait une image d’unité nationale inédite.
Ce jour-là, Bourguiba fait preuve d’une habileté remarquable à incarner les symboles de la nation à travers son apparence. Il semble littéralement absorber et représenter le pays dans son ensemble. Cette scénographie, soigneusement pensée et documentée par les images et les récits de l’époque, contribue à la construction d’un récit national où Bourguiba occupe la position de héros, de libérateur et de leader incontesté de l’indépendance.
Après l’indépendance, le 1er juin devient une fête officielle baptisée « Fête de la Victoire », marquant ainsi l’importance de ce moment dans la narration fondatrice de l’État tunisien. Même les voix critiques des accords d’autonomie interne n’ont pas pu rivaliser avec cette puissance symbolique. Bourguiba transforme ainsi son retour en un acte fondateur, inscrivant son image dans celle de la Tunisie moderne. Bien que cette symbolique ait été retirée de la mémoire officielle sous le régime de Ben Ali, cette journée reste un tournant décisif dans l’élaboration d’un récit national centré sur un héros unique, un peuple uni et une nation reconfigurée à partir de ce retour glorieux.
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