"Vous pouvez photographier les marié·es"

À ceux et celles qui choisissent de s’unir, ainsi qu’à leurs familles, la photographie de mariage offre des souvenirs matériels impérissables. Sur les épaules de celui ou celle qui immortalise ce moment repose la pression d’exceller dans cet éphémère. Dans cet espace-temps, Amine Landoulsi a jeté son œil de reporter.
Par | 17 Septembre 2022 | reading-duration 10 minutes

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En Tunisie comme ailleurs, sur la route de l’accomplissement personnel, le mariage est un point névralgique. Pour célébrer cette union, tout est fait pour que le mariage en tant qu’événement soit réussi. Tout est fait pour que ce moment éphémère soit à la hauteur du dénouement qu’on lui espère. Afin de l’immortaliser à jamais.

Pour que ces festivités deviennent des souvenirs impérissables, les familles font appel au photographe. “C'est une composante indispensable dans les festivités”, s’exclame Amine Landoulsi, photographe reporter. “Mais il y a moins ce côté personnel de l'acte photographique, reconnaît-il , on est dans la consommation, de plus en plus disponible, c'est devenu comme le traiteur, le musicien, les intervenants”. 

Selon lui, c'est une des raisons pour lesquelles la photographie de mariage souffre d’une image négative.  “Il y a cette connotation dans notre monde photographique, surtout en Tunisie, c'est comme si photographe de mariage était une insulte”, estime Amine Landoulsi.

Cette dure image est injustifiée pour le photographe. Au contraire, Amine Landoulsi apprécie l’exercice auquel il s’est adonné plusieurs fois. “C'est un honneur de photographier la joie, l'union de deux personnes !”, s’exclame-t-il. S’ajoute à cela une grande pression. “On est obligés de rendre ce moment en images, que ce soit le photographe à 100 dinars ou à 10.000 dinars. Et le pire c'est quand on rate un reportage de mariage, c'est une catastrophe”, s’exclame-t-il hilare.

À la fin du mariage, les invité·es ont presque disparu laissant le couple dans un moment de tendre intimité. La Manouba, Août 2018.

Message transmis à la future mariée par son conjoint, juste avant l’enterrement de vie de jeune fille. La Soukra, août 2018.

Malgré le fait que sa série porte sur le mariage et bien qu’il ait facturé ses services à quelques occasions, il ne se considère ni se décrit comme photographe de mariage pour autant. À la base, Amine Landoulsi vient du photojournalisme. En janvier 2011, il prend son appareil photo pour immortaliser les événements de la révolution tunisienne.

Par la suite, il collabore avec Associated Press puis Anadolu Agency et couvre des manifestations, des événements politiques et l’actualité tunisienne en général. Il lâche son activité suite à un licenciement. “Le reporter reporte la vie et elle est de plus en plus difficile”, décrit-il évoquant ce poste qu’il occupait. 

L’ambiance se prolonge au sein du hammam. Le futur marié, après avoir été sali abondamment, est chouchouté et dorloté par ses proches. Somâa, Nabeul, août 2017.

Une ambiance récréative et presque enfantine que décrit Amine Landoulsi, pleine de jets d'œufs, de farine, de mloukhya et autres poudres. Le tout est rythmé par la zokra. Somâa, Nabeul, août 2017.

“J'avais envie d'émotions”, se souvient-il à ce moment-là. Le week-end d'après, il part au mariage d’un de ses proches.  “J'ai passé trois jours avec un jeune qui s'est marié”, se remémore le photographe. De là, il tourne le dos à la gravité des événements qu’il pouvait suivre par le passé et se concentre sur les aspects positifs de la vie, dont le mariage.  “Je ne voyais que de l'inattendu”, dit-il plein de nostalgie.

Il commence alors un projet plus personnel tout en se replongeant dans des photos prises lors de mariages passés. Il pose un regard décalé sur ces événements, empreint de ses expériences passées de photojournaliste. Amine Landoulsi parle même de reportage de mariage. Les festivités et tout ce qui les entoure devient alors son nouveau terrain de jeu qu’il décrit comme assez peu différent des événements qu’il couvrait par le passé.  “J'ai retrouvé toutes les composantes : les émeutes, les coups de gueule, les policiers qui viennent à 1h du matin”, ironise-t-il. Il récidive lorsqu’il est convié à d’autres mariages et poursuit ainsi cette série.

La chambre des futur·es marié·es est préparée par les femmes des deux familles. Un espace presque sacré où le photographe n’a pas voulu rentrer, par pudeur. Le Bardo, septembre 2012.

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L’enterrement de vie de garçon est l’occasion pour la famille de s’approprier la rue. “Aujourd’hui c’est lui, demain ce sera son voisin”, explique Amine Landoulsi à propos du partage de l’espace public. Somâa, Nabeul, août 2017.

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Avant l’enterrement de vie de jeune fille, la future mariée et ses amies se préparent. La Soukra, août 2018.

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Le doigt du marié est coloré au henné. Cette scène précède la distribution d’argent au marié pour célébrer son union. Zaghouan, août 2017.

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La fiancée et ses amies se retrouvent dans une chambre, toutes ensembles pour partager un moment chaleureux. El Manar, avril 2019.

Dans ce salon, se retrouvent les hommes de la famille, tels les hommes politiques que Amine Landoulsi a côtoyés au cours de sa carrière. Dans une atmosphère masculine, le père de la mariée préside l’assemblée. El Manar, avril 2019.

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Dans la cour de la municipalité, le ballet incessant des couples pendant la saison estivale. Ils et elles viennent se marier au civil.. La Marsa, août 2018.

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La mariée arrive dans un lieu historique de La Manouba qui a su se réinventer pour accueillir les festivités des mariages. Dans les escaliers, deux générations se côtoient. La Manouba, août 2018.

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Telle une épreuve de confirmation, le marié doit saluer les invité·es présent·es en respectant les codes du respect. Somâa, Nabeul, août 2017.

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La mariée, pendant la prononciation de la Fatiha. Pour Amine Landoulsi, l’image symbolise le poids des traditions religieuses qui pèsent d’autant plus sur la femme que sur l’homme. Zaghouan, juillet 2018.

Après le hammam, les hommes propres et prêts pour le mariage s’attablent. Ici du hergma, parfois de l’akod, servis avec la connotation de virilité que dégagent ces mets. Somâa, Nabeul, août 2017.

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Les musiciens jouent au jeu des petits chevaux sur leur téléphone pendant une pause. Cité Ibn Khaldoun, Tunis, mars 2019.

Ces moments de danse, ces moments de vie, c’est ceux-là que Amine Landoulsi est venu chercher dans le mariage. Le marié, érigé en star, aux habits d’or. Cité Ibn Khaldoun, Tunis, mars 2019.


La starification va au-delà de l’instant présent, puisqu’elle est partagée en direct par le public via les réseaux sociaux. El Manar, avril 2019.

De plus en plus, le mariage appelle à l’after party, observe le photographe. Cette fête après la fête permet aux jeunes de célébrer la nuit avec l’alcool qu’on cache aux parents. Elle symbolise les différences entre générations. La Soukra, août 2018.  


 

La fête bat son plein, jusqu’au bout de la nuit. Zaghouan, juillet 2018.