Sana Mersni : Députée Ennahdha, qui se représente

“C’est une expérience rare et unique que de devoir écrire une Constitution.”
Par | 15 Octobre 2014 | reading-duration 5 minutes

La jeune  députée du parti Ennahdha, élue sur la liste de Jendouba, est avocate de formation. Alors qu’elle est titulaire d’un master en sciences criminelles elle se lance dans une thèse sur la transition démocratique en Tunisie.

Pourquoi vous êtes-vous présentée en octobre 2011 ?

Je me suis présentée sur la liste de Jendouba. J’étais la deuxième sur la liste et à ce moment je n’avais aucune expérience politique. Je n’étais pas non plus membre du mouvement Ennahdha. Avant 2011 je n’étais pas active en politique. J’étais jeune.

Ce sont les militants sur le terrain à Jendouba qui ont proposé mon nom. Parce que j’étais jeune, que je suis une femme et que mon profil juridique, du fait que je sois avocate, était intéressant.

Finalement j’ai eu envie de me présenter pour les élections de l’ANC. Au début j’étais réticente parce que je n’avais pas d’expérience et que je ne désirais pas vraiment faire de politique car je ne m’ y connais pas. Finalement le fait de devoir rédiger la Constitution m’a encouragée à me présenter.

Quelle a été votre expérience de ces trois années écoulées ?

C’est une expérience rare et unique que de devoir écrire une Constitution. En Tunisie la dernière écriture remonte à 1956. J’ai trouvé que c était une expérience importante d’un point de vue professionnel, académique et  personnel. C’est un honneur pour un citoyen que d’écrire la Constitution. De ce fait j’ai accepté de rejoindre la liste.

J’ai donc participé à la campagne électorale. C’était la première fois de ma vie que je faisais ça. Même si ce n’était pas parfait du fait de quelques lacunes, c’était une belle expérience.

Puis le processus à l’ANC a commencé et c’était assez compliqué. J’étais membre de la commission des collectivités publiques, régionales et locales. Or je suis très intéressée par tout ce qui touche à la décentralisation. Surtout qu’en Tunisie nous avons un système centralisé, qui a laissé des traces et dont nous avons souffert. C’est d’ailleurs une des raisons de la révolution tunisienne.

Aujourd’hui on voit toujours un déséquilibre entre les régions et l’absence de la justice sociale. De ce fait il est important de donner des prérogatives aux régions pour qu’elles prennent leurs décisions. Ceci m’a poussé à faire ce travail. J ‘étais très impliquée dans l’écriture de ces principes.

J’ai également participé à la Commission de la législation générale. Le parti m’a chargé d’être rapporteur ce qui est un poste sensible. C’est une mission qui demande du travail, ainsi qu’une présence dans les médias pour parler des sujets que l’on traite. Ce n’était pas évident ; il fallait faire preuve de beaucoup d’implication.

A tout cela s’ajoutait le travail en région, avec le suivi des projets en cours et des demandes des citoyens. Il y avait également la pression du contexte politique et sécuritaire dans le pays, les ruptures au sein de l’ANC du fait des tensions, la pression que le député ressent face à un gouvernement qui demande des explications, dans une période transitionnelle sensible….

Tout cela a fait ma personnalité. Ce n’est pas facile de travailler sur ces problématiques, il faut de la sagesse. C’est important dans le travail d’un politicien d‘être sage et de s’éloigner des crises et des réactions quotidiennes.

La première fois que je suis rentrée dans l’hémicycle j’avais des idées reçues. J’avais un peu peur de mes collègues et de leurs idées politiques et je pense que c’était réciproque. Chacun pensait se trouver face à un collègue avec d’autres idées et une idéologie contraire. Cela s’est  senti pendant l’écriture de la Constitution ; personne ne voulait laisser l’autre imposer ses idées.

Mais ensuite on a compris qu’il n’était pas possible d’écrire la Constitution seul et que l’on devait être dans un processus participatif. La solution était dans le consensus. Chacun a dû faire un pas vers l’autre.

Pourquoi vous présentez vous en octobre 2014 ?

Je me représente à Jendouba, toujours en 2ème position sur la liste. Bien sûr ma perception des choses a changé. J’ai maintenant une expérience et une nouvelle perception de la chambre des députés. J’aimerais en faire partie pour faire entrer en vigueur la Constitution et mettre en place les réformes financières, sécuritaires mais aussi les réformes du système éducatif et dans tous les domaines que l’ancien régime et sa corruption ont touché. C’est ça mon rêve : c’est d’appliquer ce que j’ai participé à écrire.