Pandora Papers | Lazhar Sta, un ancien associé de Belhassen Trabelsi, des paradis fiscaux à la prison

Lazhar Sta fait partie des Tunisien·nes identifié·es par inkyfada dans le cadre des Pandora Papers. En 2018, alors qu’il est sous le coup de poursuites judiciaires en Tunisie et interdit de voyage, il parvient à récupérer une société créée dans les îles Vierges britanniques et son “compte dormant”.
Par | 28 Octobre 2021 | reading-duration 5 minutes

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Zulia Distribution S.A. apparaît dans des mails internes de la firme Trident Trust, un important cabinet spécialisé dans les services offshore. Dans un formulaire attaché à ces échanges, Lazhar Sta déclare en être le bénéficiaire effectif, conformément aux obligations légales vis-à-vis de la législation des îles Vierges britanniques.

L’homme d’affaires, emprisonné depuis 2019, a été le directeur général de Carthage Cement, qu’il a fondée en 1985. Introduite à la bourse de Tunis en 2010, Carthage Cement est décrite comme “l’un des plus grands projets de la dernière décennie en Tunisie, avec un investissement total d’environ 800 MDT” selon la présentation sur son site web. Dans ce projet, il a été associé à Belhassen Trabelsi, le beau-frère de l’ex-président Ben Ali. Lazhar Sta est aussi propriétaire de l’hôtel El Ksar à Sousse. 

Parmi les documents des Pandora Papers, se trouve un formulaire complété à la main et signé dans lequel Lazhar Sta se déclare bénéficiaire effectif de Zulia Distribution S.A., une société enregistrée aux îles Vierges britanniques. Sta se présente comme un “entrepreneur” dans l’hôtellerie et la restauration et déclare les activités liées à sa société : un compte dormant, servant par le passé à une “activité hôtelière", qui serait crédité de “72.000” (la devise n’est pas précisée). Il indique également une adresse en Tunisie, dans le gouvernorat de Ben Arous, comme lieu de résidence permanente et fournit plusieurs informations personnelles comme le numéro de son passeport, dont la copie est aussi jointe aux mails. 

L’une des employés de Trident s’interroge d’ailleurs sur ce document de voyage, puisqu’il est expiré. “Nous avons remarqué que la copie du passeport est expirée et que le nouveau passeport a été demandé”, écrit Lisa D.S. employée de Trident Trust. Mais aucune copie d’un passeport plus récent n’a été envoyée, selon les documents consultés. À cette époque, Lazhar Sta faisait l’objet de poursuites judiciaires et était interdit de voyage. 

Dans un extrait de registre des îles Vierges britanniques, le nom du directeur de Zulia Distribution S.A. est aussi spécifié. Il s’agit d’un ressortissant panaméen, qui sert de prête-nom. Dans les échanges, Yavuz S, employé de Trident, demande à sa collègue la réhabilitation de la société. “Veuillez rétablir la société susmentionnée et confirmer par retour de courriel que la société est maintenant en règle”, écrit-il. Il joint aussi un ordre de virement de 5395$, effectué par “Fidinam (Genève) SA”, auprès d’un compte au nom de Trident Trust, “pour restaurer” Zulia Distribution S.A.

Comme pour Belhassen Trabelsi, les documents révèlent que cette société est liée à Fidinam, une firme suisse de conseils financiers. Elle offre des services de “conseils en matière de fiscalité, d'affaires et d'immobilier aux entreprises, aux entrepreneurs et aux particuliers”. Épinglé par une enquête de ICIJ, le cabinet est pointé du doigt pour avoir joué le rôle d’intermédiaire et de facilitateurs auprès de client·es plus ou moins fréquentables.

Ce virement et le fait que Fidinam soit désigné comme “client principal” démontre que Lazhar Sta est passé par ce cabinet pour l’ouverture de sa société aux îles Vierges britanniques, Trident Trust n’étant que l’agent d’enregistrement dans la juridiction locale. D’après le document complété à la main par Sta et attaché aux mails, les documents officiels de la société Zulia Distribution S.A. sont conservés par la HSBC à Genève, témoignant d’une relation entre la banque et l’homme d’affaires, sans qu’inkyfada n’ait pu déceler la nature de cette relation. 

Accusé de corruption et d’abus de biens publics pour une affaire concernant des suspicions de surfacturation, Lazhar Sta a été condamné et emprisonné en novembre 2019. Lui et ses co-accusés (dont Belhassen Trabelsi) ont également été condamnés à restituer la somme de 30 millions d’euros à Carthage Cement dans le cadre de cette affaire.