Projet de loi de protection des forces armées : Protection ou immunité ?

Le projet de loi relatif à la répression des atteintes contre les forces armées a suscité une vive polémique en Tunisie. Une large partie de la société civile le rejette. Protection des forces armées ou légalisation de l'oppression ? Retour sur le texte.
Par | 09 Juin 2015 | reading-duration 20 minutes

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Alors que la loi contre le terrorisme et le blanchiment d’argent suscite toujours la polémique et fait encore objet de débats au sein de la Commission parlementaire de Législation générale, le gouvernement a approuvé, le 8 avril dernier, une proposition de projet de loi pour la répression des atteintes contre les forces armées. Il a ensuite été soumis, le 13 avril, à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Une première version avait été proposée par les syndicats des forces de l’ordre en 2013 puis retirée. 

Le premier chapitre présente "Les dispositions générales" et il est accompagné d’un "exposé de motifs" qui explique que la loi vise à protéger les forces de l’ordre en vue d’assurer la protection et la stabilité de la société. Sont désignés comme "forces armées" les agents portant des armes au sein de l’armée, la police, la garde nationale, et la douane. Le champ de protection concerne les agents eux-mêmes, leurs familles et leurs biens. 

La loi vise également à réprimer les attaques perpétrées contre les sièges, les établissements et les équipements mis à leurs dispositions et réprime également des atteintes aux secrets de la sûreté nationale.

Alors que le débat actuel tourne autour de la dualité "liberté et sécurité", les dérives qui peuvent découler de ce projet de loi posent la nécessité une lecture juridique.

Les réactions et commentaires d’acteurs de la société civile ont également été recueillis.

La fausse excuse du vide juridique

S'il y a unanimité autour de l’impératif de protéger les forces sécuritaires et militaires via un cadre légal, reste que la Tunisie ne manque pas de lois sécuritaires. Un nouveau texte ne semble donc pas nécessaire, pour l’avocat Charfeddine Kellil et Amna Guellali, la représentante de Human Rights Watch.

Maître Charfeddine Kellil
Le système juridique tunisien ne souffre d’aucun vide, contrairement à ce que prétendent les défenseurs de cette loi. La loi protège déjà toutes les forces armées en Tunisie et les employés de l’Etat, de façon générale.
Amna Guellali – Human Rights Watch
Promulguer cette loi n’est pas nécessaire, plusieurs lois condamnant toute attaque contre les employés et les agents de l’Etat existent déjà.

Ainsi, on trouve dans l’arsenal juridique tunisien, et ce depuis le protectorat français, différentes lois relatives à la sécurité, qui organisent ou protègent le travail des forces sécuritaires. Elles comportent aussi des législations incriminant et pénalisant les crimes et délits à l’encontre des forces sécuritaires et militaires.

  • La loi N°4 de l’année 1969, promulguée le 27 Janvier 1969.
  • La loi de base N° 70 de l’année 1982, promulguée le 6 Aout 1982 qui portant sur la loi de base des forces de la sécurité interieure.
  • La loi N° 46 de l’année 2005, promulguée le 6 Juin 2005 portant approbation de la réorganisation de quelques dispositions du code pénal et leur rédaction dont les articles 125, 127, et 128 qui criminalisent l’outrage à un fonctionnaire.
  • L’ordre N° 784 de l’année 1984, promulgué le 30 Avril 1984 portant sur l’approbation du l’organisation de base relative aux cadres et agents de sécurité et de la police.
  • L’ordre N° 406 de l’année 1972, promulgué le 21 Decembre 1972 portant sur l’approbation de l’organisation relative des agents de la garde nationale.
  • L’ordre N° 250 de l’année 1975, promulgué le 25 Avril 1975 portant sur l’approbation de l’organization de base relative aux agents de la protection civile.
  • L’ordre N° 220 de l’année 1973, promulgué le 19 Mai 1973 portant sur l’approbation de l’organization de base relative aux agents des institutions pénitentiaire et correctionnels.
  • Le decret N° 69 du code des plaidoiries et pénalités militaires.
  • Le décret N° 70 de l’année 2011, promulgué le 29 Juillet 2011 portant sur l’organization de base des militaires.

Pourquoi le gouvernement n’a pas présenté des propositions d’amendement de ces lois au lieu de présenter un nouveau projet de loi ?

La polémique actuelle rappelle celle autour de l’autorisation du port d’arme en dehors du service. Une demande revendiquée, il y a quelques mois, par les syndicats des forces sécuritaires. Cette autorisation devait permettre aux agents de porter leur arme en dehors des heures de service afin d’assurer leur défense. Or l’autorisation a été accordée depuis 2003, par la circulaire n°39 relative aux armes administratives et aux munitions, après décision unilatérale du ministre de l’intérieur. En effet, Le chapitre II de la circulaire donne la possibilité au ministre de l’Intérieur de permettre à ses agents de porter leurs armes, si l’Etat de vigilance ou d’alerte est proclamé, sur simple décision écrite.

Mais comme de nombreuses circulaires, lois, décrets et arrêtés concernant les affaires sécuritaires, la circulaire n°39, n’a pas été publiée comme le confirment les juristes que nous avons consultés. En effet certaines sont des notes internes qui ne sont pas rendues publiques.

Or la publicité de ces textes permettrait une évaluation transparente de l’arsenal juridique et donc, si nécessaire, de combler les manques.

Rassemblement de soutien à Meryem, jeune fille violée par des policiers, devant le palais de justice à Tunis, le 6 février 2013. Crédit image : Malek Khadhraoui.

Lecture critique du point de vue juridique et de celui des Droits humains

Dans la forme, la promulgation de ce genre de loi n’est pas une exception tunisienne et ce n’est pas sa légitimité qui pose problème. C’est le fond de la loi qui est dénoncé. La lecture des vingt articles met en lumière les dérives possibles tant sur le plan juridique que sur le plan des droits de l’homme. Ces dérapages possibles ont été dénoncés par de nombreux militants des droits de l’homme. Sahbi Jouini, membre de l’ Union nationale des syndicats de sécurité tunisienne, ne partage pas ce point de vue.

Sahbi Jouini – Union nationale des syndicats de sécurité tunisienne
Cette loi n’est pas une exception et elle pourrait être promulguée dans les plus grandes démocraties, car elle n’est pas contraire aux droits de l’homme.

Des concepts sans définition claire :

Ce texte de loi emploie un ensemble de concepts qui ne sont pas clairement définis ou avec des définitions trop générales qui laissent la voie libre aux interprétations.

1- Secrets de la sûreté nationale :

L’article 4 du texte du projet de loi définie comme secrets de la sécurité nationale «toutes les informations, données et documents en rapport avec la sécurité nationale». Cette définition manque de précisions. Selon la formulation du texte, le concept de secret concerne tous les documents des gouvernements ainsi que les documents et les données relatifs aux ministères de souveraineté. Cette disposition n’exclut pas les documents procurés par voie légale et officielle.

2- Les opérations sécuritaires :

Selon l’article 7 de ce projet de loi, toute personne qui filme ou détient des appareils photo, des téléphones, du matériel d’enregistrement ou des équipements de transmission radiotélévisée dans un lieu où se déroulent des opérations sécuritaires, doit demander une autorisation préalable. Là encore, il n’y a pas de définition exacte du terme « opération sécuritaire ». Ce manque de précision permet d’inclure les opérations de dispersion de manifestations ou bien les opérations de suivi et de surveillance et de contrôle qui sont de nature à être secrètes.

3- Les véhicules :

L’obligation d’autorisation préalable pour filmer concerne le fait de filmer des véhicules relevant des unités sécuritaires, sans ajout de précision. Les véhicules « civils” , sans signe distinctif, peuvent ainsi être concernés.

4- Le dénigrement :

L’article 12 du projet de loi incrimine le dénigrement des forces armées sans en définir précisément le terme. La voie est donc ouverte à l’interprétation et peut être considérée comme dénigrement toute critique à l’encontre des forces armées. Par ailleurs, l’exclusion de l’autorité législative et l’annulation de son contrôle, ainsi que de celui des instances constitutionnelles, dans la définition de ces concepts et le fait d’attribuer le pouvoir d’évaluation au ministère de l’intérieur est la disposition jugée la plus dangereuse de ce volet.

Amna Guellali – Human Rights Watch
Cette loi permet aux forces sécuritaires d’être au-dessus de toute critique légitime, surtout via la mention de concepts généraux et vagues, dont comme "l’humiliation", et ce dans un cadre où il y a une absence de réels mécanismes de contrôle et où règne l’impunité règne

Des peines sévères et privatives de liberté :

Toutes les sanctions, sans exception, mises en place par ce texte, sont sévères et privatives de libertés. L’article 9 exclut par exemple l’application des dispositions de l’article 53 du Code pénal, qui permet au juge la diligence pour alléger une peine d’un ou deux degrés selon les pièces du dossier. La loi serait ainsi anticonstitutionnelle, pour Amna Guellali.

Amna Guellali – Human Rights Watch
Cette loi ne respecte pas les directives de l’article 49 de la Constitution, elle ignore le principe de proportionnalité et impose des peines sévères qui ne s’accordent pas avec les crimes perpétrés.

Durcissement des peines existantes :

1- Entrée par effraction dans un bâtiment :

Ce projet de loi durcit la peine de droit public, relative à l’accès par effraction dans des résidences pour concerner les équipements, les véhicules, les moyens terrestres, maritimes et aériens ainsi que les terrains.

2- Obstacle à la liberté de travail :

L’article 136 du Code pénal criminalise l’entrave au service, alors que l’article 11 du projet de loi incrimine même l’entrave au déroulement quotidien des services sous toutes ses formes dans les établissements et les institutions relevant des forces armées, sans définir précisément le terme de « déroulement normal », ni la façon d’entraver ou de bloquer le travail.

3- Dommage intentionnellement aux biens d’autrui:

L’article 13 de ce projet de loi fait aggrave le dommage intentionnel des biens d’autrui, qui d’un simple délit, selon l’article 304 du Code pénal, devient un crime sanctionné par la prison à perpétuité.

4- La menace :

L’article 15 du projet de loi fait passer la menace de la catégorie de délit, selon l’article 222 du Code pénal, à un crime dont la sentence est de cinq ans de prison, si la victime est un agent de sécurité, son conjoint, l’un des ascendants, descendants ou une personne dont il est en charge. Une sanction qui ne s’applique que dans ce cadre, du fait des fonctions de l’agent.

Limite à la liberté d’expression et de la presse :

1- Secret de la sûreté nationale :

La définition des « secrets de la sûreté nationale » inclue dans l’article 4 et les sanctions fixées dans les articles 5 et 6 , mettent à mal le travail de journaliste et interdisent tout accès à l’information, qui sont pourtant tous deux des droits constitutionnels.

2- Humiliation:

L’absence de définition du terme « humiliation » fait du travail journalistique, de la critique ou de l’opinion exprimée à l’encontre des forces armées, un crime sanctionné de deux ans de prison et d’une amende de dix mille dinars.

3- Filmer ou prendre des photos :

Une autorisation préalable doit être demandée pour prendre des photos, filmer et publier ce qui est une atteinte au travail des journalistes. Des mesures contraignantes et anticonstitutionnelles comme l’explique Amna Guellali :

Amna Guellali – Human Rights Watch
Cette loi s’oppose à des principes édictés dans la Constitution, notamment l’article 31 sur la liberté d’expression et l’article 32 sur le droit d’accès à l’information.

Exemption de responsabilité pénale des forces sécuritaires :

L’article 18 est l’un des aspects les plus dangereux du projet de loi. Il rend irresponsable pénalement l’agent des forces armées qui, alors qu’il lutte contre les atteintes mentionnées dans les articles 13, 14 et 16, blesse ou tue l’auteur de l’infraction. Cet article contredit le principe d’usage gradué de la force, déterminé par la loi n°4 de 1969. Une loi sévère mais qui n’annule pas la responsabilité en cas de décès. Cette disposition est critiquée par les militants des droits de l’homme depuis des années. Pour l’avocat Charfeddine Kellil:

Maître Charfeddine Kellil
Cette loi est très dangereuse. Elle légalise les crimes des forces sécuritaires. Ses articles enfreignent les droits des citoyens et des journalistes, pourtant garantis dans la Constitution et alimentent l’impunité.
Amna Guellali – Human Rights Watch
Cette loi, au lieu de protéger les forces sécuritaires, réglemente leur immunité. En effet le texte tend vers l’annulation de responsabilité pénale.
Siège du ministère de l’Intérieur le 2 octobre 2012. Crédit image : Malek Khadhraoui

Un document de l’ONU comme justificatif ?

Ce projet de loi, selon l’exposé des motifs, base sa légitimité, sur un document de principes de base relatifs au recours à la force et l’utilisation des armes à feu, par les responsables de l’application des lois. Un document approuvé lors du 8ème congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale, qui a eu lieu à Cuba en 1990. Dans son introduction, le document, considère que l’attaque contre les forces sécuritaires est une attaque contre la stabilité de la société et que les forces sécuritaires ont un rôle important dans la protection du droit à la vie, la protection des libertés et la sécurité des personnes.

Le document explique que le projet se base sur le principe selon lequel la sécurité de la société est celle des forces de sûreté. Ce principe est inscrit dans le document, mais il ignore d’autres principes contenus dans le document Onusien, comme :

  • Article 1 : Impératif de souligner les aspects humains et moraux dans l’usage de la force et les mesures d’usage de force toujours soumises au contrôle.
  • Article 3 : Impératif d’imposer un contrôle sévère de l’usage d’arme par les forces de l’ordre public.
  • Article 7 : Incrimination de tout usage arbitraire et non justifié de la force ou d’arme.
  • Article 8 : Annulation de la légitimité d’utilisation de conditions politiques et sécuritaires exceptionnelles pour justifier l’usage de la violence, l’impunité ou le contrôle. Cet article a été élaboré en réponse aux théories de «la sécurité contre la liberté» en temps de guerre et de lutte contre le terrorisme.
  • Article 11 : Obligation faite aux autorités de tutelle de définir des normes précises pour utiliser la force.
  • Article 24 : Tenir les superviseurs en responsables s’ils s’avèrent au courant, ou supervisé, ou même censés être au courant d’abus commis par leurs subordonnées en relation avec l’usage de la force.
  • Article 26 : Interdiction aux agents de pretexter les ordres pour éviter les poursuites en insistant sur le fait qu’ils assuments la responsabilité entière de l’application des ordres et les conséquences des ordres elles même.

Le document onusien a servi de base pour justifier le principe de protection des forces armées. Mais la proposition de loi tunisienne a omis d’autres principes très importants.

Que se passe-t-il si le projet de loi est adopté ?

Nous avons choisi un ensemble d’activités ordinaires, pratiquées quotidiennement par les citoyens, journalistes ou agent des forces de l’ordre. En jouant le jeu des interprétations permises par la loi, les peines les plus sévères sont appliquées. Le simulateur est programmé sur cette base et le verdict prononcé : peine de prison ou amende, est justifié juridiquement.

Peines

0 Années
0 Mois
0 Amende en dinars

Le simulateur s’appuie sur les articles suivants du projet de loi :

Article 5 :

Est puni de dix ans d’emprisonnement et d’une amende de cinquante mille dinars, quiconque ayant la qualité pour utiliser, détenir, circuler ou conserver un secret de sûreté nationale au sens de l’article 4 de la présente loi, en a sciemment, selon les cas, pris ou détruit ou livré ou modifié de quelque manière ou moyen que ce soit ou a permis intentionnellement ou par négligence l’accès à ce secret ou sa destruction ou détournement ou enlèvement ou reproduction de quelque manière ou moyen que ce soit. La peine est doublée, si les actes prévus par le premier paragraphe du présent article, sont faits en moyennant une contrepartie.

Article 6 :

Est puni de dix ans d’emprisonnement et d’une amende de cinquante mille dinars, quiconque n’étant pas habilité à détenir ou utiliser ou conserver ou circuler un secret de sûreté nationale au sens de l’article 4 de la présente loi, en a sciemment, selon les cas, pris ou détruit ou livré ou modifié. La peine est doublée, si les actes prévus par le premier paragraphe du présent article, sont faits en moyennant une contrepartie. La peine est doublée, si les actes prévus par le premier paragraphe du présent article, sont faits à titre onéreux.

Article 7 :

Est soumis à l’autorisation préalable de l’autorité compétente chaque utilisation des appareils photographiques ou cinématographiques ou des enregistrements audiovisuels réalisés dans les établissements sécuritaires ou militaires ou sur les terrains des opérations sécuritaires ou militaires ou dans les véhicules ou à bord des unités navales ou aériennes appartenant aux forces militaires. Est soumis également à l’autorisation préalable de l’autorité compétente toute publication ou cession des films ou photos ou enregistrements audiovisuels réalisés dans les établissements sécuritaires ou militaires ou sur les terrains des opérations sécuritaires ou militaires ou dans les véhicules ou à bord des unités navales ou aériennes appartenant aux forces militaires.

Article8 :

Est puni de deux mois à deux ans de prison, quiconque a sciemment violé les dispositions de l’article 7 de la présente loi. La tentative est punissable.

Article 11 :

Est puni de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de quinze mille dinars, quiconque a sciemment, dans le but de porter atteinte à la sécurité publique, fait obstacle au déroulement quotidien des services, des institutions et des établissements appartenant aux forces armées par quelque manière que ce soit.

Article 12 :

Est puni de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de dix mille dinars, quiconque se rend coupable d’outrage aux forces armées dans le but de nuire à la sécurité publique.

Article 13 :

Est puni de l’emprisonnement à vie, quiconque volontairement incendie ou détruit un édifice, ou un dépôt d’armes ou munitions ou incendie ou détruit un véhicule ou équipements mobiles appartenant aux forces armées dans le but de nuire à la sécurité publique. Est puni de dix ans d’emprisonnement et d’une amende de cinquante mille dinars, quiconque a intentionnellement saisi des armes, munitions, équipements, matériels sécuritaires quel que soit leur nature ou des documents ou tous autres objets à la disposition des forces armées, ou leur a causé des dégâts dans le but de nuire à la sécurité publique.

Article 15 :

Est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de vingt-cinq mille dinars, quiconque a menacé de commettre un crime ou un délit contre un agent des forces armées pendant ou à l’occasion de l’exécution de leur fonction ou menacé son conjoint ou l’un des ascendants ou descendants ou quelqu’un qui est légalement à sa charge, et ce à cause de l’exécution de ses fonctions ou pour sa simple qualité. La peine est doublée, si la menace a pour objet d’obliger l’agent des forces armées à faire ou ne pas faire un acte relevant de sa fonction ou de sa mission ou à abuser de son pouvoir.

Commentaires et réactions

Le syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a immédiatement réagit face au projet de loi. Son président, Neji Bghouri, a fait part de son indignation et de son rejet du texte. Il le voit comme un acte agressif, qui vise la liberté de la presse et l’ensemble des libertés acquises et mentionnées dans la Constitution. Le SNJT a appelé la société civile à faire face à cette loi et à demander son retrait.

Neji Bghouri, Président du SNJT
Cette loi est une forme de revirement à l’encontre du processus démocratique en Tunisie. Nous la refusons et demandons son retrait. Elle concerne non seulement les journalistes, mais aussi la société dans son ensemble et nous avons entamé une action au sein de la société civile pour travailler en synergie et nous adresser aux députés. Nous refusons l’adoption de cette loi et toutes les formes d’actions militantes sont considérées et envisageables.

Militants des Droits humains et société civile montent au créneau:

Maître Charfeddine Kellil
Cette loi est une tentative vaine de priver les futures générations de leur droit de militer pour leurs droits. Il serait plus raisonnable de réviser les lois injustes au lieu de proposer un projet de loi encore plus médiocre que celles qui existent actuellement. Ce projet de loi doit être retiré.
Amna Guellali – Human Rights Watch
Amna Guellali, HRW estime que ce projet de loi est répressif et représente un réel danger pour les droits et libertés en Tunisie, si elle est promulguée. Nous sommes actifs dans une initiative informelle d’organisations internationales, visant à créer un mouvement unanime et commun contre l’adoption de cette loi. Il est du devoir de la société civile de lutter et combattre contre l’adoption de lois répressives.

La plupart des politiques ont montré leurs réserves face à la polémique autour du projet de loi. Certains, comme le député du parti Ennahdha, Noureddine Bhiri, ont justifié cette attitude par le fait que le débat autour du texte n’a pas encore commencé. D’autres députés ont déjà une position claire à son propos. Bochra Bel Hadj Hamida, députée Nidaa Tounes et ancienne militante des droits de l’homme y voit un danger même si l’intention derrière le projet peut être légitime:

Bochra Bel Hadj Hamida, députée Nidaa Tounes
La protection des sécuritaires et militaires, qui sont en première ligne dans la défense de notre pays contre le danger du terrorisme, est un devoir. Mais cette protection doit passer par l’instauration et l’amélioration du rapport entre la police et le citoyen. Il faut aussi améliorer les moyens et les équipements et, enfin, promulguer une loi pour assurer leur protection. Le texte actuel balise la voie pour les dépassements et le non respect
Sayida Ounissi, députée Ennahdha
Ce n’est pas la bonne méthode pour soutenir les forces armées et les protéger. Je soutiens le principe de protection des forcés armées, mais pas via ce genre de lois. Mon avis est partagé par la une majorité de députés, dont certains du parti Ennahdha. La plupart des députés souhaitent une révision et l’amendement de ce texte de loi. Personnellement je refuse une telle version. Le gouvernement doit assumer ses responsabilités devant l’ARP en présentant un tel projet de loi.